Bienheureuse Pauline-Marie Jaricot (1799-1862)

Pauline naît à Lyon le 22 juillet 1799 dans une famille chrétienne de la bourgeoisie lyonnaise. A 17 ans, elle se convertit en entendant une homélie sur la ‘vanité’. Le Christ va donner sens à sa vie : “Ce n’est pas moi qui ai choisi le Christ, mais c’est Lui qui m’a choisie le premier”. Elle adopte le mode de vie et la tenue vestimentaire des ouvrières de son temps et consacre sa vie au service de l’Église. Elle se jette dans l’action, mais son père spirituel lui demande de se retirer plus profondément dans la prière. Elle passe alors de nombreuses heures, voire des nuits devant le tabernacle, d’où elle puise la force et la fécondité pour ses oeuvres… Missionnaire infatigable portée par une vie spirituelle intense, elle crée l’Œuvre de la Propagation de la Foi, celle du Rosaire Vivant et mène sans répit de très nombreux projets pour humaniser la société et annoncer l’Évangile. Des échecs et des épreuves finales l’uniront finalement au Christ crucifié. Le Curé d’Ars l’exhorte à l’abandon total. Il lui remet un crucifix sur lequel Pauline lit les mots suivants « Dieu seul pour témoin. Le Christ pour modèle. Marie pour soutien, et puis rien qu’amour et sacrifice ».

C’est au pied de vos saints tabernacles que mon cœur desséché par les plus rudes épreuves, a constamment trouvé les forces nécessaires pour en supporter la rigueur ; c’est là que mes combats se sont changés en victoires, ma faiblesse en courage, mes tiédeurs en ferveur, mes incertitudes en lumières, ma tristesse en joie, mes obstacles en succès, mes désirs en volonté, mes antipathies, mes jalousies, mes ressentiments contre le prochain en ardente charité. Tout ce que je sais, je l’ai appris à vos pieds, Seigneur. Recevez donc l’hommage de tout ce que je suis, de tout ce que j’ai, de tout ce que je pourrais jamais penser, dire et faire de bien.

De tempérament très actif, même agitée, elle lutte dans la prière :

J’étais comme un pauvre ver à soie qui, privé de nourriture, travaille dans les branches de bruyère sèche à s’enfermer dans son tombeau. (…) En me donnant sans réserve dans une œuvre, j’en oubliai que Jésus devait toujours en être la source.

Une note rédigée au cours du premier semestre 1824 dans son carnet spirituel rapporte le contenu de l’un de ces entretiens du Seigneur avec elle :

Reste avec moi dans le fond de ton cœur, je suis avec toi et ton cœur est mon tabernacle ; tu es vraiment une église vivante dans laquelle j’habite par la communion que tu fais tous les jours. Quand tu es obligée de parler aux créatures, ne perds pas de vue ma présence en ton cœur. Je dois être seul à seul avec toi. Tu ne dois pas sortir de ma présence pour t’occuper des choses de la terre. Oui, ma fille, tu dois te pénétrer de tous les sentiments que j’ai envers mon Père dans la divine Eucharistie, pour être toi-même une Eucharistie vivante qui m’adore, s’humilie, s’anéantisse pour ma gloire, comme je le fais dans mon sacrement pour la gloire de mon Père.

J’ai vu mon cœur sous l’image d’un souterrain dans lequel on avait semé toutes sortes de bonnes graines. J’ai vu, que, si le soleil n’y pénétrait, ces graines pourriraient dans la terre sans rien produire mais que, s’il y pénétrait, il réchaufferait, vivifierait cette semence et y ferait produire mille fleurs.

Ce soleil, c’est Jésus qui éclaire toute vie !

Sa priorité absolue donnée au travail de la prière sur toute forme d’engagement missionnaire concret prend sa source dans une sorte de conversation avec Jésus-Hostie, qu’elle pratiqua toute jeune, après sa première communion, dans la vieille église de Tassin qui jouxtait la propriété familiale : ” J’aimais la solitude, écrit-elle en 1818, pour converser avec Jésus. Je ne disais qu’à son cœur le tourment du mien… Ce n’est que dans ton sein, ô ma Patrie, que je pourrai me perdre ainsi dans l’amour infini de mon Dieu “. Le réflexe de prière qu’elle garda toute sa vie l’a préservée d’un activisme qui eût occulté la gratuité première du don de Dieu et donné le pas à ses soucis et à ses dons d’organisatrice. Elle avouait : ” Si je me pare d’une oeuvre qui n’a été de ma part qu’un don de Dieu, je suis comme ces bossues qui se font remarquer par leur toilette ! “

La prière est un moteur puissant qui fait sentir sa force d’un bout du monde à l’autre.


Dévotion au Très Saint-Sacrement de l’Autel. De cet attrait est résultée l’œuvre des Réparatrices, parce que je séchais de douleur à la vue de l’indifférence et des outrages dont la plupart des hommes payaient l’amour immense de la victime eucharistique. Toute la terre m’a paru par la foi en Notre Seigneur fécondée par la présence de ce divin Sauveur au Très Saint-Sacrement. De cette disposition personnelle est venue la Propagation de la foi.

Jésus-Christ est la véritable fontaine de jouvence. C’est en l’adorant dans la divine Eucharistie, que l’esprit et le coeur sont rajeunis, — l’un dans les pensées fortes, claires et sublimes qu’il trouve dans la contemplation de ce mystère, l’autre dans l’amour tendre et délicieux dont il se sent rempli…

Chaque messe quotidienne était pour elle l’occasion de revivre le récit de la Passion. Aussi demanda-t-elle très tôt à ses amies de coupler Rosaire et Adoration du Saint-Sacrement, parce que la méditation des mystères de la vie de Jésus et de Marie donnait naturellement accès à l’Action rédemptrice, continuée dans le sacrifice eucharistique. Logiquement, elle oeuvra à l’extension parallèle du Rosaire et de l’Adoration perpétuelle.


Fruit de longues heures et parfois de nuits passées au pied du Tabernacle, dans un élan mystique, comme un testament, elle rédige ‘l’Amour Infini dans la Divine Eucharistie’ :

« O cœur adorable de Jésus ! vous êtes le principe de la divine Eucharistie, comme l’Eucharistie est elle-même le principe des autres sacrements… » II

« O Jésus ! Victime de votre amour sur nos autels, je voudrais parler de votre charité sans bornes, de votre incompréhensible patience, de votre profonde humilité, de votre parfaite obéissance, de vos prodigieux anéantissements… » V

Aux prêtres : « si vous restez froids et même troublés pendant que la lumière, la paix du monde est entre vos mains, n’est-ce pas encore parce que vous négligez de vous abaisser devant celui qui s’abaisse devant vous, d’adorer en esprit et en vérité celui qui vous aime, de prier avec simplicité et confiance celui qui désire tout vous accorder ? S’il était donné à un ministre du roi d’être dans la familiarité du monarque, comme vous dans celle de Jésus Christ ? pensez-vous qu’il n’en profiterait pas ? » VIII

« L’Eucharistie est véritablement la source de tous les autres sacrements, puisque c’est de là, comme d’une fontaine divine, que découle à perpétuité, jusqu’à la consommation des siècles, le sang de Jésus-Christ, puisque c’est là que la victime infinie est toujours immolée pour nous. » IX

« O amour infini renfermé dans la divine Eucharistie ! L’ingratitude des hommes vous sert comme d’occasion pour mieux faire éclater sa véhémence. Tel qu’un feu qui s’allume et s’accroît par l’orage qui semblerait devoir l’éteindre, l’amour de Jésus paraît devenir plus ardent, plus impétueux, plus ingénieux à faire des sacrifices, à mesure que nous devenons plus indifférents envers lui. Tandis que vous êtes caché dans le secret de votre tabernacle, ô Dieu d’amour ! l’orgueilleux vous y délaisse, parce que rien en vous ne flatte sa vanité…» XI