Sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179)

Née en 1098 à Berrmersheim, près de Mayence, en 1098, religieuse, fondatrice et abbesse des monastères bénédictins de Rupertberg et d’Eibingen (ou Disibodenberg), morte en 1179. Elle eut des visions mystiques qui la firent surnommer la « Sibylle du Rhin ». Nom issu du germain « hild » (combat) et « gardan » (savoir).

SES VISIONS SUR L’EUCHARISTIE

Homme, écoute ceci : aussi longtemps qu’il faut venir à ton secours et que tu peux venir à l’aide des hommes, aussi longtemps la Passion de mon Fils sera présente devant moi, dans ma miséricorde et aussi longtemps sa Chair et son Sang seront consacrés sur l’autel pour conduire les hommes au salut et à la purification de leurs crimes… (295)

Ce pain est la chair de mon Fils, que nulle obscurité causée par les péchés n’assombrit et que ne voile aucune tache causée par l’iniquité : de la sorte, ceux qui la reçoivent dignement sont baignés, corps et âmes d’une lumière céleste et sont totalement purifiés des taches de leur souillure intérieure. Et qu’il n’y ait aucun doute sur cette chair sacrée car, à celui qui a foré le premier homme sans se servir ni de chair ni d’os, il est possible d’opérer ce sacrement de cette manière (…) Ô Rejeton virginal, ce sacrement de ton corps et de ton sang doit être honoré par l’Eglise dans un office de vérité, jusqu’à ce que, à la fin du monde, arrive l’homme nouveau qui doit être sauvé en vérité par ce même mystère, car ce sacrement, qui vient du secret de Dieu, apporte le salut aux croyants. (303-304)

Moi, le Fils de Dieu, je suis venu libérer l’homme, irriguant toutes choses par le flot d’un amour indéfectible et me répandant par le flot d’une véritable et indéfectible pureté, je suis sorti du secret de la douceur d’en haut, pour que l’homme qui avait péri par sa propre condamnation fût, dans la miséricorde, arraché à la perdition.

De façon que le sang innocent de l’innocente innocence fût répandu pour lui dans la souffrance d’une Passion inondée de sueur.

Par la sueur de l’eau s’est mêlée au sang de l’homme…

Et lorsqu’il eut été suspendu a la croix, de la blessure de son côté, de l’eau coula avec le sang. Et c’est pourquoi dans ce sacrement où l’on doit célébrer le mystère de sa Passion, de l’eau doit être mêlée au vin parce que dans la blessure du côté du Fils de Dieu, de l’eau et du sang ont coulé. (311-312)

 « Ici se pratique la remise en état des âmes pour le salut des croyants (…) moi qui suis une lumière indéfectible, j’illumine de rayons, par ma sainteté, le lieu de cette sanctification, en l’honneur du Corps et de Sang de mon Fils unique (…) je garderai toujours sa Passion sous mon regard et je ne la ferai jamais disparaître de ma vue pénétrante, tant que l’heureuse offrande du Saint Sacrifice me sera présentée par le ministère d’un prêtre, puisqu’il m’a présenté lui-même le pain et le calice quand il a répandu son sang, en jetant la mort à terre et en redressant l’homme ». (285)

La splendeur qui s’est manifestée sur le corps de mon Fils enseveli dans le sépulcre, en le ressuscitant du sommeil de la mort, resplendit aussi à l’autel sur le sacrement du corps et du sang de ce même Fils unique de Dieu : elle le dissimule si bien à la vue des hommes qu’ils ne peuvent pas voir sa sainteté, sinon sous l’apparence du pain et du vin, car telle est l’oblation qui a été déposée sur l’autel, tout comme aussi la divinité du Fils de Dieu a été cachée aux hommes par son humanité, parce qu’ils n’ont pas pu le voir autrement que comme un homme, se trouvant parmi eux comme un homme, mais sans péché. (291)

Que l’esprit de l’homme qui existe de façon invisible, accueille invisiblement le sacrement qui est invisible dans cette oblation tandis que le corps de l’homme, qui est visible, reçoit visiblement l’oblation qui est visible dans le sacrement, l’un et l’autre cependant ne faisant qu’un, comme le Christ unique est à la fois Dieu et homme, et comme l’âme rationnelle et la chair mortelle, dans l’homme, constituent un seul homme. (292)

Maintenant donc, comme tu le vois, ô homme, lorsque le prêtre, par les paroles qui lui ont été imposées par l’Esprit Saint, après avoir présenté le sacrifice, commence à m’invoquer, je te le dis en vérité, je suis aussitôt présent en ce lieu, dans mon ardente chaleur, et j’accomplis le sacrifice, en plein désir. Dans la réalisation de ce mystère, je répands sur cette offrande une ardente charité, dès le début des paroles du prêtre qui m’invoque et fait mémoire de ce que mon Fils, dans la souffrance de sa Passion, a béni le pain et le vin dans le sacrement de son corps et de son sang et l’a livré à ses disciples pour qu’à leur tour ils fissent la même chose pour le salut du peuple. Je vous le dis en vérité, jamais cette invocation sur une oblation de ce genre, en mémoire de mon Fils unique, ne se fera sans que s’accomplisse en ce lieu le mystère de son corps et de son sang, qu’un œil de chair, parce qu’il n’est que cendre, ne pourra voir, à moins qu’il ne le contemple par la foi, en humble dévotion. (316)

Ô homme, tu dis : « Je ne vois pas que cette oblation soit de la chair et du sang, comme je vois qu’un homme est de la chair et du sang ». A cela, je te répondrai : « Vous avez vu mon Fils, avec un corps et du sang, mortel sur la terre, lui qui est maintenant immortel dans le ciel, et si vous ne pouvez pas le voir avec seulement vos yeux de chair, ni voir comment sa chair et son sang sont consacrés sur l’autel, c’est que ce sacrement se réalise là non pas pour la gloire du prêtre mais pour la gloire de mon Fils unique qui a accompli cet office avec ses disciples au cours de la Cène. Mais, de même que vous n’êtes pas capables de me voir dans ma gloire aussi longtemps que vous êtes mortels, de même vous ne voyez charnellement ni la chair ni le sang de mon Fils avec vos yeux de chair, dès lors que vous ne pouvez pas apercevoir ce qui est invisible, mais que votre regard mortel n’est capable de voir de façon visible que ce qui est visible. (320-321)

  • Tout comme l’orfèvre, faisant d’abord fondre son or dans le feu, en fait une masse unique, puis divise ce tout, de même moi, le Père, je glorifie alors dans cette oblation, par la sanctification de l’Esprit Saint, la chair et le sang de mon Fils et après cette glorification, je les distribue aux fidèles pour leur salut.
  • Quand le prêtre, revêtu de vêtements sacrés, s’approche de l’autel pour y célébrer les divins mystères, tu vois que, brusquement, un grand nuage de lumière ainsi qu’une escorte d’anges viennent du ciel et brillent autour de cet autel : c’est que, lorsque le surveillant des âmes, tout entier vêtu d’ornements sacrés, s’approche de la table vive pour l’immolation de l’Agneau innocent, brusquement la grande clarté de l’héritage suprême qui chasse la densité des ténèbres, brillant depuis le secret des cieux, grâce à l’aide des esprits d’en haut, couvre de ses rayons la sanctification de cet ensemble, car ici se pratique la remise en état des âmes pour le salut des croyants.
  • Car lorsque le prêtre a commencé à m’invoquer pour la sanctification de cet autel, pour que je voie que mon Fils a offert le pain et le vin au cours du repas de sa mort, à ce moment là, je vois que mon Fils à l’heure de sa Passion, m’a présenté cela quand il allait mourir sur le bois de la croix : je montre ainsi que je garderai toujours sa Passion sous mon regard et que je ne la ferai jamais disparaître de ma vue pénétrante, tant que l’heureuse offrande du saint sacrifice me sera présentée par le ministère d’un prêtre, puisqu’il m’a présenté lui-même le pain et le calice quand il a répandu son sang, en jetant la mort à terre et en redressant l’homme. (285-86)
  • Lorsque le prêtre entonne la louange du Dieu tout-puissant , c’est-à-dire le Saint, Saint, Saint… et commence ainsi les mystères de ces saints sacrements, brusquement un éclair de feu d’une clarté indicible descend du ciel ouvert sur cette offrande… comme le soleil illumine un objet qu’il transperce de ses rayons… si bien qu’un rayon éclatant pénètre la matière sur laquelle il tombe en se répandant tout autour.
  • Cette même oblation est devenue corps et sang véritables bien qu’au regard des hommes elle apparaisse comme du pain et du vin (289-90)
  • Mais toi, homme, tu ne peux recevoir de façon visible ce don spirituel comme tu mangerais de la chair visible et boirais du sang visible… ce vivant sacrement, invisible dans l’oblation doit être reçu par toi d’invisible façon.
  • Aussi longtemps qu’il faut venir à ton secours et que tu peux venir à l’aide des hommes, aussi longtemps la Passion de mon Fils sera présente devant moi, dans ma miséricorde ; et, aussi longtemps, sa chair et son sang seront consacrés sur l’autel pour conduire les hommes croyants au salut et à la purification de leurs crimes. Car pendant que mon fils unique était corporellement dans le monde, son corps a été soutenu, pour la nourriture de sa chair et de son sang, par du froment et du vin : c’est pourquoi, maintenant encore, sur l’autel, sa chair et son sang sont consacrés grâce à l’oblation du froment et du vin pour que les fidèles soient réconfortés dans leur âme et dans leur corps. (296)
  • Vous qui voulez me suivre dans l’humilité, recevez dans un ardent amour l’exemple que je vous laisse, c’est-à-dire ma Passion et les œuvres que j’ai accomplies sur l’ordre de mon Père ; et mangez dans la foi ce que je vous donne, car c’est mon Corps. Mangez mon corps, parce que vous devez imiter mes actions dans votre esprit et votre chair, lorsque l’Esprit Saint les inspire à votre cœur, comme un homme digère la nourriture qu’il envoie dans son ventre ; car de même que vous devez me suivre dans mes actions, de même vous mangerez mon corps, vous et tous ceux qui voudront suivre mes commandements.
  • Buvez, dans la confiance, à cette coupe salutaire, vous qui désirez me suivre fidèlement, à condition de corriger aussi dans votre corps par l’épreuve et de maîtriser votre sang dans la sueur par amour pour moi, en renonçant à vous-mêmes pour fortifier l’Eglise, tout comme moi je me suis soumis à ma Passion et j’ai répandu mon sang pour votre rédemption, en ne tenant pas compte pour cela de la fragilité de ma chair, mais en ayant soif de votre salut. (301)

(Extraits de LA DEUXIEME PARTIE DU SCIVIAS- 6ème vision)