C'EST LE SEIGNEUR TON DIEU QUE TU ADORERAS,
À LUI SEUL TU RENDRAS UN CULTE
JORGE MARIO CARDINAL BERGOLIO (Aujourd’hui PAPE FRANÇOIS)
Extrait de « Sortez à la recherche des cœurs ! » Parole et Silence, p 35-43
Cher frère catéchiste, chère sœur catéchiste,
Comme en d'autres occasions de notre histoire, peut-être notre société gravement blessée attend-elle une nouvelle venue du Seigneur. Elle attend l'entrée qui guérit et réconcilie de celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie. Nous avons des raisons d'espérer. Nous n'oublions pas que son passage et sa présence salvifique ont été une constante dans notre histoire. Nous découvrons la magnifique trace de son œuvre de création dans une nature d'une richesse incomparable. La générosité de Dieu s'est également reflétée dans le témoignage de vie, le dévouement et le sacrifice de nos pères et de personnages éminents, de même qu'en des millions de visages humbles et croyants, nos frères, protagonistes anonymes du travail et des luttes héroïques, incarnation de l'épopée silencieuse de l'Esprit qui fonde les peuples.
Cependant, nous vivons Près loin de la gratitude que mériterait un si grand don reçu. Qu'est-ce qui empêche de voir cette venue du Seigneur ? Qu'est-ce qui rend impossible le « goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! » (Ps 33, 9) face à une telle prodigalité sur terre et dans les hommes ? Qu'est-ce qui, dans notre pays, entrave les possibilités de progrès, la rencontre plénière entre le Seigneur, ses dons, et nous-mêmes ? Comme dans la Jérusalem d'alors, quand Jésus traversait la ville et que cet homme du nom de Zachée ne parvenait pas à le voir à cause de la foule, quelque chose nous empêche de voir et de sentir sa présence.
C'est par ces mots que commençait l'homélie du Te Deum du 25 mai dernier. Je voudrais qu'ils servent d'introduction à cette lettre qu'avec une affection reconnaissante je te fais parvenir au milieu de ta tâche silencieuse mais importante pour l'édification de l'Église.
Je ne crois pas exagérer en disant que nous sommes dans un temps de « myopie spirituelle et d'aplatissement moral » qui fait qu'on voudrait nous imposer comme normale une « culture d'en bas », dans laquelle il semblerait qu'il n'y ait pas de place pour la transcendance et l'espérance.
Mais, étant catéchiste, tu sais bien, par la sagesse que te donnent tes relations hebdomadaires avec les personnes, que, dans l'homme, un désir et un besoin de Dieu sont toujours latents. Face à la fierté et la toute-puissance invasive des nouveaux Goliath qui, à partir de certains moyens de communications et de sphères officielles, réactualisent des préjugés et des idéologies autistes, la confiance sereine de David est, aujourd'hui plus que jamais, nécessaire pour défendre l'héritage. Je voudrais donc insister sur ce que je t'ai écrit, il y a un an : « Aujourd'hui plus que jamais, on peut découvrir derrière tant de questions de nos contemporains, une recherche de l'Absolu qui, par moments, prend la forme du cri douloureux d'une humanité outragée : « Nous voulons voir Jésus» (Jn 12,21).
Nombreux sont les visages qui, dans un silence plus éloquent qu'un flot de paroles, nous formulent cette demande. Nous les connaissons bien ; ils sont au milieu de nous, ils font partie de ce peuple fidèle que Dieu nous confie. Visages d'enfants, de jeunes, d'adultes... Certains d'entre eux ont l'apparence pure du disciple bien-aimé, d'autres celle de l'enfant prodigue. Les visages marqués par la douleur et le désespoir ne manquent pas. Mais tous espèrent, cherchent, désirent voir Jésus. Pour cela, ils ont besoin de croyants, spécialement des catéchistes qui non seulement « parlent » du Christ, mais en un sens le font « voir » ... « Notre témoignage se trouverait toutefois appauvri d'une manière inacceptable si nous ne nous mettions pas d'abord nous-mêmes à contempler son visage » (NMI16) ».
Pour cette raison, je m'enhardis à te proposer que, cette année, nous nous arrêtions pour approfondir le thème de l'adoration.
Aujourd'hui plus que jamais, il faut adorer en esprit et en vérité (Jn 4,24). Il s'agit d'une tâche indispensable pour le catéchiste qui veut s'enraciner en Dieu et ne veut pas défaillir au milieu de tant de bouleversements.
Aujourd'hui plus que jamais, il faut adorer pour rendre possible la proximité que réclament ces temps de crise. Ce n'est que dans la contemplation du mystère d'Amour qui surmonte la distance et se rend proche que nous trouverons la force de ne pas tomber dans la tentation de passer son chemin, sans nous arrêter.
Aujourd'hui plus que jamais, il faut enseigner aux catéchisés à adorer pour que notre catéchèse soit vraiment une initiation et non pas seulement un enseignement.
Aujourd'hui plus que jamais, il faut adorer pour ne pas nous laisser dépasser par les événements avec des mots qui occultent parfois le Mystère, mais pour nous offrir le silence plein d'admiration qui se tait devant la Parole devenant présence et proximité.
Aujourd'hui plus que jamais, il faut adorer !
Parce qu'adorer, c'est se prosterner, c'est reconnaître humblement l'infinie grandeur de Dieu. Seule la véritable humilité peut reconnaître la véritable grandeur, et reconnaître aussi le petit qui prétend se présenter comme grand. Peut-être qu'une des plus grandes perversions de notre époque est qu'elle propose d'adorer l'humain en laissant de côté le divin. « Le Seigneur seul tu adoreras » est le grand défi face de nombreuses propositions vides et creuses. Ne pas adorer les idoles contemporaines - avec leur chant de sirène - est le grand défi de notre présent, ne pas adorer ce qui n'est pas adorable est le grand signe des temps aujourd'hui. Les idoles qui causent la mort ne méritent aucune adoration ; seul le Dieu de la vie mérite « adoration et gloire » (cf. Document de Puebla 491).
Adorer, c'est regarder avec confiance Celui qui apparaît fiable parce qu'il est celui qui donne la vie, qui est instrument de paix, générateur de rencontres et de solidarité.
Adorer, c'est être debout devant tout ce qui n'est pas adorable, parce que l'adoration nous rend libres et fait de nous des personnes pleines de vie.
Adorer, ce n'est pas se vider, mais se remplir, c'est reconnaître et communier avec l'Amour. Personne n'adore celui qui n'aime pas, personne n'adore celui qu'il ne considère pas comme son amour.
Nous sommes aimés ! Nous sommes chéris ! Dieu est amour. Cette certitude est celle qui nous conduit à adorer, avec tout notre cœur, Celui qui nous a aimés le premier (1 Jn 4, 10).
Adorer, c'est découvrir sa tendresse, c'est trouver consolation et repos en sa présence, c'est pouvoir expérimenter ce que dit le Psaume 22 : « Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi [...] Grâce et bonheur m'accompagnent tous les jours de ma vie ».
Adorer, c'est être des témoins joyeux de sa victoire, ne pas se laisser vaincre par la grande tribulation et avoir un avant-goût de la fête de la rencontre avec l'Agneau, le seul qui soit digne d'être adoré, qui essuiera toutes nos larmes et en qui nous célébrons le triomphe de la vie et de l'amour sur la mort et la détresse (Cf. Ap 21-22).
Adorer, c'est nous rapprocher de l'unité, c'est nous découvrir enfants d'un même Père, membres d'une seule famille, comme saint François le découvrit : chanter les louanges en union à toute la création et à tous les hommes. C'est renouer les liens que nous avons rompus avec notre terre, avec nos frères, c'est Le reconnaître comme le Seigneur de toutes choses, le Père plein de bonté du monde tout entier.
Adorer, c'est dire « Dieu » et dire « vie ». Nous rencontrer face à face, dans notre vie quotidienne, avec le Dieu de la vie, c'est l'adorer par notre vie et notre témoignage. C'est savoir que nous avons un Dieu fidèle qui est resté avec nous et qui nous fait confiance.
Adorer, c'est dire AMEN !
En te saluant en cette journée du catéchiste, je veux une nouvelle fois te remercier pour tout ton dévouement au service du peuple fidèle et demander à Marie, Très Sainte, de garder vive en ton cœur cette soif de Dieu pour que tu puisses, comme la samaritaine, adorer en esprit et en vérité, et faire en sorte que beaucoup s'approchent de Jésus (Jn 4, 39).
Ne cesse pas de prier pour moi afin que je sois un bon catéchiste. Que Jésus te bénisse et que la Sainte Vierge veille sur toi.
Août 2002
Catéchèse du Cardinal Jorge Mario Bergoglio sur l'Eucharistie
À l'occasion du 49e Congrès eucharistique international du Québec (Canada), qui s'est tenu du 15 au 22 juin 2008, le cardinal Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires (Argentine), a donné une catéchèse sur l'Eucharistie.
Tiré de La Documentation Catholique n° 2509-2510, 21 avril 2013, pp. 382-389
Introduction
« L'Eucharistie, don de Dieu pour la vie du monde ». Le thème choisi par le Pape pour ce 49e Congrès eucharistique international provient de l'Évangile de Jean, où notre Seigneur Jésus proclame : « Je suis le pain vivant descendu du ciel […]. Le pain que je vais donner est ma chair pour la vie du monde » (Jn 6, 51).
L'Eucharistie, don de Dieu qui veut donner la vie à tous, est un thème central de l'Encyclique Sacramentum Caritatis. Dans la première partie - « Eucharistie, Mystère à croire » - , le Pape nous exhorte à l'adoration de l'Eucharistie comme « Don gratuit de la Très Sainte Trinité pour la vie du monde ».
Et, à la fin, dans la troisième partie - « Eucharistie, Mystère à vivre » -, il nous exhorte à ce que nous nous offrions eucharistiquement à tous, avec le Seigneur, puisque « la vocation de chacun de nous consiste à être, avec Jésus, pain rompu pour la vie du monde ». L'Eucharistie donc, don et mission, don de vie que l'on reçoit et don de vie qui se donne à tous. Cette vie en Jésus-Christ, « pour que nos peuples aient la vie en lui », est aussi celle qui bat dans le document d'Aparecida, dans une tonalité de louange reconnaissante et avec une ferveur missionnaire, car « la vie est don de Dieu, don et mission ».
« L'Eucharistie est le centre vital du monde, apte à combler la faim de vie et de bonheur : celui qui mange ma chair vivra par moi (Jn 6, 57). Dans cet heureux banquet, nous participons de la vie éternelle et ainsi notre existence quotidienne se transforme en une messe prolongée », comme le disait Saint Alberto Hurtado. Au milieu, entre le don et la mission, l'Église est le motif central de la catéchèse d'aujourd'hui : l'Eucharistie et l'Église, mystère de l'Alliance.
Je vous propose, de manière simple, trois étapes, pour faire de cette catéchèse une lectio divina. La première étape consiste en une brève méditation sur l'Alliance. La seconde étape, je souhaite qu'elle soit une synthèse contemplative au cours de laquelle nous pourrons contempler et goûter avec les yeux du cœur quelques représentations de la Vierge, notre Dame, « femme eucharistique ». Et la troisième partie consistera à dégager quelques conclusions pastorales qui nous aideront dans notre vie personnelle et ecclésiale.
1. La dimension ecclésiale et nuptiale de l'Eucharistie
« L'Eucharistie et l'Église, mystère de l'Alliance ». Par le mot « Alliance », on veut mettre en relief la dimension ecclésiale et nuptiale du don de l'Eucharistie, don par lequel le Seigneur veut atteindre tous les hommes. L'Eucharistie est le pain vivant donné pour la vie du monde et aussi le sang de l'Alliance versé pour le pardon des péchés de tous les hommes. Gardant ferme note cœur dans la gratuité du don et dans son dynamisme missionnaire universel, arrêtons-nous au mystère de l'Alliance. Cette Alliance que personne ne peut rompre.
L'Alliance que rien ni personne ne peut rompre
« Qui pourrait nous séparer de l'amour du Christ ? » (Rm 8, 35). La première chose qui nous bouleverse dans l'Eucharistie, c'est qu'il s'agit d'une Alliance nouvelle et éternelle, comme l'a dit le Seigneur dans la dernière Cène. La Liturgie l'exprime très bien dans la prière eucharistique pour la réconciliation. « Souvent, nous les humains avons rompu ton Alliance, mais toi, au lieu de nous abandonner, tu as par Jésus-Christ, ton Fils, notre Seigneur, scellé à nouveau avec la famille humaine un pacte tellement solide que plus rien ne pourra le rompre ». Le désir d'une Alliance que rien ni personne ne pourra rompre, le seigneur l'a pétri, au cours des siècles, dans le cœur d'Israël, et Jésus comble ce désir et le perfectionne d'une manière telle qu'il ne laisse la place à aucune possibilité de rupture.
Le fait que cette Alliance ait été instituée avant la Passion joue un rôle essentiel pour sa consolidation. En annonçant par avance son don de lui-même dans la dernière Cène, le Seigneur transforme le moment et le lieu où les alliances se rompent (le moment de la trahison de Judas) en un kairos – de temps et d'espace saints – où cette Alliance nouvelle est à jamais scellée.
L'anticipation eucharistique
Afin de méditer sur ce mystère, prenons pour nous guider certaines intuitions de Jean-Paul II qui nous aideront à voir l'importance de cette « anticipation eucharistique ». Jean-Paul disait que le désir le plus ardent de son Encyclique « L'Église vit de l'Eucharistie » était de susciter l'admiration eucharistique. Et le fait que le Seigneur ait institué l'Eucharistie avant la Passion était et demeure un motif principal d'admiration. Lisons quelques lignes « avec les yeux de l'âme », comme dit Jean-Paul : « L'Église naît du mystère pascal. C'est précisément pour cela que l'Eucharistie, sacrement par excellence du mystère pascal, a sa place au centre de la vie ecclésiale. […] Deux mille ans plus tard, nous continuons à réaliser cette image primitive de l'Église. Et tandis que nous le faisons dans la célébration de l'Eucharistie, les yeux de l'âme se reportent au Triduum pascal, à ce qui se passa le soir du Jeudi saint, pendant la dernière Cène, et après elle. En effet, l'institution de l'Eucharistie anticipait sacramentellement les événements qui devaient se réaliser peu après, à partir de l'agonie de Gethsémani. Nous revoyons Jésus qui sort du Cénacle, qui descend avec ses disciples pour traverser le torrent du Cédron et aller au Jardin des Oliviers. Dans ce Jardin, il y a encore aujourd'hui quelques oliviers très anciens. Peut-être ont-ils été témoins de ce qui advint sous leur ombre ce soir-là, lorsque jésus en prière ressentit une angoisse mortelle et que « sa sueur devint comme des gouttes épaisses de sang tombé par terre (Lc 22, 44). Son sang, qu'il avait donné à l'Église peu auparavant comme boisson de salut dans le sacrement de l'Eucharistie, commençait à être versé. Son effusion devait s'achever sur le Golgotha, devenant l'instrument de notre Rédemption. ».
Un peu plus loin, Jean-Paul nous révèle d'où émane le titre de cette Encyclique : Mysterium fidei ! Mystère de la foi ! Lorsque le prêtre prononce ou chante ces paroles, les fidèles proclament : « Nous annonçons ta mort, nous proclamons ta résurrection, viens, Seigneur Jésus ! Par ces paroles, ou d'autres semblables, l'Église, tout en se référant au Christ, dans le mystère de sa Passion, révèle aussi son propre mystère : « Ecclesia de Eucharistia ».
Et il annonce, ici trois caractéristiques spatio-temporelles qui font de l'Eucharistie le noyau le plus intime de la vie (comme don et mission) de l'Église. « Si c'est par le don de l'Esprit Saint à la Pentecôte que l'Église vient au jour et se met en route sur les chemins du monde, il est certain que l'institution de l'Eucharistie au Cénacle est un moment décisif de sa constitution. Son fondement et sa source, c'est tout le Triduum pascal, mais celui-ci est comme contenu, anticipé et « concentré » pour toujours dans le don de l'Eucharistie. Dans ce don, Jésus Christ confiait à l'Église l'actualisation permanente du mystère pascal. Par ce don, il instituait une mystérieuse « contemporanéité » entre le Triduum et le cours des siècles ».
Le fondement et l'origine de l'Église est « contenu, anticipé et concentré » dans l'Eucharistie et, par ce don, le Seigneur a « institué une mystérieuse « contemporanéité » entre le Triduum et le cours des siècles ». Jean-Paul II conclut ce paragraphe en s'émerveillant et en nous émerveillant de la « capacité rédemptrice » (dans laquelle entre « toute l'histoire », c'est-à-dire toute la vie du monde) de cet événement. « Penser à cela fait naître en nous des sentiments de grande et reconnaissante admiration. Dans l'événement pascal et dans l'Eucharistie qui l'actualise au cours des siècles, il y a un « contenu » vraiment énorme, dans lequel est présente toute l'histoire en tant que destinataire de la grâce de la rédemption ».
Inclus – anticipé - concentré
L'intuition de Jean-Paul II est très originale et la formulation se présente comme une dense synthèse. Comment en tirer profit sans lui enlever de sa force ? Il me semble que nous pouvons l'aborder sur un plan pédagogique. Le Seigneur manifeste une intention pédagogique dans la scène du lavement des pieds lorsqu'il dit : « Si donc moi, le seigneur et Maître, […] je vous ai donné un exemple... » (Jn 13, 13-15). Nous pouvons ainsi nous demander : quelle est la valeur pédagogique de cette « inclusion, anticipation et concentration » du Triduum pascal dans le Don de l'Eucharistie ? J'oserais dire que l'intention du Seigneur vise à disposer et à préparer le « récipient » du Don : le cœur des disciples dans sa dimension personnelle et ecclésiale.
En faisant part d'avance à ces amis, de son don de lui-même dans la communion de la dernière Cène et en concentrant tout son amour dans le don eucharistique, le Seigneur parvient à faire en sorte qu'à mesure qu'ils prennent conscience (chacun en son temps) de ce qu'il leur a offert par la Passion, ils se rendent compte aussi qu'ils l'avaient déjà reçu auparavant, qu'ils avaient déjà participé à ce sacrifice rédempteur. Le désir d'Alliance du Seigneur, son abandon sans réserve en expirant sur la Croix, leur apparaît, non comme un fait isolé et définitif, mais comme inondant la mémoire de ceux qui le contemplent – Marie, Jean et les saintes femmes, et ensuite toute l'Église – par chacun des gestes de l'abandon de soi du Seigneur (qui est passé en faisant le bien) et de façon très particulière, emplissant la mémoire des croyants de son don eucharistique dans la dernière Cène. S'il n'en avait pas été ainsi, le geste final l'aurait éloigné de nous. Cela aurait été un geste total mais unilatéral de Dieu, sans qu'il n'y ait de récipient apte à le recevoir. Le vin nouveau aurait brisé les anciennes outres.
Mais il n'en est pas ainsi, le geste d'abandon total du Seigneur sur la Croix emplit l'outre nouvelle des cœurs qui l'avaient déjà reçu et goûté dans l'Eucharistie. Une Eucharistie qui « concentre » la Passion, lui donnant une « proportion adaptée » à notre capacité, si l'on peut dire. C'est pour cela que la Passion a pu et peut encore être vue comme salvatrice, puisque ceux qui la contemplent sont déjà « inclus » en communion avec l'amour salvateur qui bat dans le cœur du Seigneur qui la souffre. Dans ce sens nous pouvons regarder le lavement des pieds comme un geste de purification à petite échelle qui fait contrepoids à l'effusion de sang rédemptrice sur la Croix. La relation entre ce qui est petit et ce qui est grand, entre le quotidien et l'exceptionnel concentre l'amour du Seigneur et le met à la disposition de notre foi, évitant que sa compréhension ne se perde dans le trop extraordinaire ou ne se dissolve dans le très ordinaire.
Il y a une profonde similitude en cela dans la formule du sacrement du mariage chrétien, en ce que les époux se donnent mutuellement et se jurent fidélité en embrassant – incluant, anticipant et concentrant dans leur être uni – tout ce qui pourra survenir dans la vie : santé et maladie, prospérité et adversité. À l'image de l'Alliance du Christ qui est anticipée dans l'Eucharistie, les époux anticipent leur amour et l'étendent à tout, de manière à rendre l'Alliance indestructible.
Outres neuves Dieu est Don.
Et pour pouvoir se donner, le Seigneur adapte le récipient qui reçoit le don, le récipient qui ne doit pas rompre, l'outre nouvelle. Récipient qui est le fruit d'une Alliance entre grâce et liberté. Dans cette perspective du « récipient », nous contemplons aussi « le mystère de l'Alliance entre l'Eucharistie et l'Église ».
Nous concentrons notre attention sur ce point : dans l'Eucharistie, nous nous transformons en ce que nous mangeons, comme le dit Lumen Gentium citant Léon le Grand : « La participation au Corps et au Sang du Christ n'a pas d'autre effet que de nous transformer en ce que nous recevons ». En mangeant le corps du Christ, le Seigneur, même s'il se situe à notre mesure, ne se « réduit » pas. Le miracle de l'Eucharistie consiste en ce que le récipient « de terre » s'assimile au « trésor », à rebours de ce qui se passe dans la nature. En recevant l'Eucharistie, c'est nous qui sommes assimilés au Christ. Ainsi, en se donnant à manger comme Pain de vie, le Seigneur fait l'Église. Il la transforme en son corps – dans un processus d'assimilation mystérieux et caché comme celui qui a lieu dans tout processus d'alimentation Et en même temps, dans la mesure où ce processus compte sur l'être même de l'Église, qui fonde dans la foi l'Alliance que lui offre son Époux, il la transforme en son Épouse.
2. Images de Marie, femme eucharistique
Afin de bien voir ce mystère de l'Alliance, nous devons nous tourner vers Marie. À nouveau, nous nous aidons du regard de Jean-Paul II qui nous invite à entrer dans l'école de Marie, « femme eucharistique » : « Si nous voulons découvrir dans toute sa richesse le rapport intime qui unit l'Église et l'Eucharistie, nous ne pouvons pas oublier Marie, mère et modèle de l'Église […]. En effet, Marie peut nous guider vers ce très saint sacrement car il existe entre elle et lui une relation profonde ».
À la manière des poupées russes dans lesquelles l'image plus grande inclut en elle d'autres images plus petites mais essentiellement identiques, nous allons aller directement vers la « plus petite », vers Notre Dame pour voir comment ce qui est donné en elle – le mystère de l'Alliance qui fait que le don de Dieu soit accepté et communiqué par la vie du monde – est donné dans l'Église universelle et dans chaque âme. Nous suivons cette loi des Pères selon laquelle, avec des nuances diverses, « ce qui se dit universellement de l'Église, se dit en particulier de Marie et individuellement de chaque âme fidèle ».
Dans la relation de Marie avec l'Eucharistie nous voyons trois images qui nous révèlent des caractéristiques de l'Alliance que nous pouvons ensuite appliquer à l'Église universelle et à notre âme en particulier.
L'Alliance comme compagnie
La première image eucharistique de Marie nous la montre « incluse » dans l'Église que, cependant, mystérieusement, elle inclue dans sa petitesse. Le Pape fait remarquer la « participation » de Marie aux eucharisties de la première communauté : « Elle était présente parmi les Apôtres, unis « d'un seul cœur » dans la prière » (cf. Ac 1, 14), dans la première communauté rassemblée après l'Ascension dans l'attente de la Pentecôte. Sa présence ne pouvait certes pas faire défaut dans les célébrations eucharistiques parmi les fidèles de la première génération chrétienne, assidus « à la fraction du pain » (Ac 2, 42).
La communauté des Apôtres persévère dans la prière avec un même esprit « en compagnie » de Marie. « Quand ils furent arrivés, ils montèrent dans la chambre haute où ils se tenaient d'ordinaire ; c'étaient Pierre, Jean, Jacques, André, Philippe, Thomas, Barthélémy, Matthieu, Jacques, fils d'Alphée, Simon le Zélote, et Jude, fils de Jacques. Tous d'un commun accord persévéraient dans la prière, avec les femmes, et Marie, mère de Jésus, et avec les frères de Jésus » (Ac 1, 13-14).
Le mystère de l'Alliance entre Dieu et les hommes est un mystère de « compagnie », de partage du pain, d'« être avec les autres », en famille, à table, mystère de proximité prolongé. Cette compagnie est propre à la pédagogie du Seigneur, qui transforme chaque personne comme il l'a fait avec les disciples d'Emmaüs en les accompagnant sur le chemin.
L'Alliance comme confiance
La seconde image eucharistique de Marie nous la montre en tant qu'épouse qui place toute sa confiance en son époux. Jean-Paul II met l'accent sur « l'attitude eucharistique intérieure » de Marie dans sa vie toute entière, attitude qu'il définit comme étant « d'abandon à la Parole ». Marie concentre en elle tout le « faire » en rapport à la Parole. L'abandon implique un « laisser-faire » propre à celui qui se dispose à recevoir pleinement un don – le « qu'il en soit fait de moi selon ta Parole ». L'abandon implique aussi un « faire », propre à celui qui se donne sans calcul ni mesure et exhorte les autres à se donner de la même façon - « faites tout ce qu'Il vous dit ».
Pour l'Église et pour chacun de nous.
« Vivre dans l'Eucharistie le mémorial de la mort du Christ suppose aussi de recevoir continuellement ce don. Cela signifie prendre chez nous, à l'exemple de Jean, celle qui chaque fois nous est donnée pour mère. Cela signifie en même temps nous engager à nous conformer au Christ, en nous mettant à l'école de sa Mère et en nous faisant accompagner par elle ». La confiance totale et l'obéissance de la foi font du Cœur de Marie le récipient parfait pour que la Parole s'incarne et qu'elle la transforme entièrement à sa demeure.
L'Alliance comme espérance
La troisième image eucharistique de Marie nous montre quelque chose de très particulier à l'Alliance qui consiste à vivre par anticipation – dans l'espérance – ce qui est promis. Jean-Paul II fait référence au mystère de l' « anticipation » lorsqu'il dit : « Se préparant jour après jour au Calvaire, Marie vie une sorte « d'eucharistie anticipée », à savoir une « communion spirituelle » de désir et d'offrande, dont l'accomplissement se réalisera par l'union avec son Fils au moment de la passion et qui s'exprimera ensuite, dans le temps après Pâques, par sa participation à la célébration eucharistique, présidée par les Apôtres, en tant que « mémorial » de la passion ».
Désir et offrande sont les deux attitudes anticipatrices qui transforment aussi l'Église et chaque âme fidèle en des « outres neuves ». Par le désir et l'offrande, nous devenons comme Marie des récipients disponibles pour que la Parole s'incarne en nous. La présence humble et cachée du Seigneur en Marie, en l'Église et en chaque âme rayonne de lumière et d'espérance sur le monde. Jean-Paul exprime cela de belle manière, parlant de la Visitation : « Heureuse celle qui a cru » (Luc 1, 45) : dans le mystère de l'Incarnation, Marie a aussi anticipé la foi eucharistique de l'Église. Lorsque, au moment de la Visitation, elle porte en son sein le Verbe fait chair, elle devient, en quelque sorte, un « tabernacle » - le premier « tabernacle » de l'histoire – dans lequel le Fils de Dieu, encore invisible au yeux des hommes, se présente à l'adoration d'Élisabeth, comme « irradiant » sa lumière à travers les yeux et la voix de Marie.
Marie, donc, modèle de l'Alliance entre le Seigneur et son épouse l'Église, entre Dieu et chaque homme. Modèle d'une Alliance qui est compagnie d'amour, d'abandon confiant et fécond et d'espérance pleine qui redonne la joie. Toutes ces vertus se transforment en chant dans le Magnificat dont Jean-Paul II nous offre une belle vision eucharistique : « Enfin, dans le Magnificat est présente la tension eschatologique de l'Eucharistie. Chaque fois que le Fils de Dieu se présente à nous dans la « pauvreté » des signes sacramentels, pain et vin, est semé dans le monde le germe de l'histoire nouvelle dans laquelle les puissants sont « renversés de leurs trônes » et les humbles sont « élevés » (cf. Lc 1, 52). Marie chante les « cieux nouveaux » et la « terre nouvelle » qui, dans l'Eucharistie, trouvent leur anticipation et en un sens leur « dessein » programmé. Si le Magnificat exprime la spiritualité de Marie, rien ne nous aide à vivre le mystère eucharistique autant que cette spiritualité. L'Eucharistie nous est donnée pour que notre vie, comme celle de Marie, soit toute entière un Magnificat ! »
Jean-Paul II nous a invités à entrer dans « l'école de Marie, femme eucharistique ». À présent, il nous montre comment, dans le Magnificat, se trouve présente la « finalité » ou programme de cette école. Finalité qui est anticipée – c'est la joyeuse et bonne nouvelle – dans l'Eucharistie, vécue comme un chant de glorification et de reconnaissance. De même que Marie « anticipe » le « programme de Dieu » pour l'histoire, son plan de salut, et le vit comme le présent prophétique dans la joie qui inonde sa vision de foi ; de même aussi l'Eucharistie anticipe « dans sa pauvreté », dit Jean-Paul II, la création de l'histoire nouvelle.
Cela est exprimé avec une grande profondeur par Benoît XVI dans son Encyclique sur l'Espérance, lorsqu'il montre que l'espérance chrétienne nous « donne » quelque chose de substantiel dans notre présent, anticipe notre salut non seulement en nous apportant une information sur l'avenir mais en « performant » notre vie présente : « C'est seulement lorsque l'avenir est assuré en tant que réalité positive que le présent devient aussi vivable. Ainsi, nous pouvons maintenant dire : le christianisme n'était pas seulement une « bonne nouvelle » - la communication d'un contenu jusqu'à présent ignoré. Dans notre langage, nous dirions : le message chrétien n'était pas seulement « informatif », mais « performatif ». Cela signifie que l'Évangile n'est pas uniquement une communication d'éléments que l'on peut connaître, mais une communication qui produit des faits et qui change la vie. La porte obscure du temps, de l'avenir, a été ouverte toute grande. Celui qui a l'espérance vit différemment : une vie nouvelle lui a déjà été donnée ».
Ce que l'Eucharistie réalise – dans la pauvreté sacramentelle – Marie le chante dans le Magnificat et l'Église, en le chantant, et chacun d'entre nous en elle, devient « contemporaine » de Notre Dame et vit de sa spiritualité, qui est vie dans l'Esprit : « L'Eucharistie, comme source et sommet de la vie et de la mission de l'Église, doit se traduire en spiritualité, en vie « selon l'Esprit » (Rm 8, 4s ; cf. Ga 5, 16-25).
Je termine avec une citation de l'homélie de Jean-Paul II pour les 150 ans de la proclamation du dogme de l'Immaculée dans laquelle il qualifie Marie d' « Icone eschatologique de l'Église », celle qui prononce le premier « oui » de l'Alliance entre Dieu et l'humanité et précède le peuple de Dieu dans sa route vers le ciel et l'Église voit en elle « anticipé » son salut : « Elle, la première à avoir été rachetée par son Fils, participe dans la plénitude de sa sainteté, c'est ce que toute l'Église désire et espère être. Elle est l'icône eschatologique de l'Église. C'est pour cela que l'Immaculée, qui est « commencement et image de l'Église, épouse du Christ, pleine de jeunesse et de pure beauté » (Préface), précède toujours le Peuple de Dieu dans le pèlerinage de la foi vers le règne des cieux. Dans l'événement de la Conception Immaculée, elle voit s'appliquer, par anticipation dans le plus noble de ses membres, la grâce salvifique de la Pâque, et surtout parce que dans l'événement de l'Incarnation elle trouve le Christ et Marie indissolublement associés : celui qui est son Seigneur et sa Tête et celle qui, en prononçant le premier fiat de la Nouvelle Alliance, préfigure sa condition d'épouse et de mère ».
3. Conséquences pastorales concrètes
Dans le déroulement même de la présente catéchèse, en contemplant le mystère de l'Alliance en Marie, les richesses de l'Eucharistie et de l'Église se sont progressivement révélées à nous. En notre Mère tout devient concret et « possible ». Dans son école, les mystères ineffables de Dieu prennent un visage et une voix maternels et se font compréhensibles pour la foi pleine d'amour qu'en tant que peuple fidèle de Dieu, nous professons à Marie. Les conclusions pour la vie spirituelle personnelle, je pense que chacun doit les choisir parmi celles où il se plaît le mieux, comme le dit saint Ignace dans les Exercices spirituels. Unir l'Eucharistie et la communion sacramentelle avec Marie est quelque chose que nous faisons intuitivement, et s'approfondir en cela est bénéfique pour tous. Pour cela nous pouvons demander la grâce de recevoir la Communion comme Marie reçut le Verbe et laisser qu'une incarnation nouvelle se fasse en moi ; la grâce de recevoir l'Eucharistie des mains de l'Église, plaçant les nôtres à la manière d'une patena (qui signifie « crèche »), sentant que c'est Notre Dame qui la place là et nous la confie ; la grâce de chanter avec Marie le Magnificat en ce moment de silence qui succède à la communion ; la grâce d'anticiper dans l'Eucharistie tout ce que sera notre journée ou notre semaine, avec tout le bon et le positif, offert avec le pain, et tout ce qui sera souffrance et passion offert avec le vin ; la grâce de croire et de mettre avec amour toute notre espérance dans cette prémisse et ce gage de salut que nous avons en chaque Eucharistie, pour ensuite conformer notre vie à l'image de ce que nous recevons. Ainsi, chacun peut tirer profit de ce que nous avons médité.
Conséquences ecclésiales
Cependant, on peut aussi tirer quelques conclusions, à la lumière de la richesse de ce que nous avons contemplé, qui nous aident dans notre vie ecclésiale. La tendresse et la vénération que nous ressentons tous presque « spontanément » pour la vierge, et devant l'Eucharistie, nous devons les cultiver envers l'Église. Ils doivent être identiques, puisque nous avons vu que Marie et l'Église sont des « récipients » transformés intégralement par celui qui a voulu « habiter » en elles. L'effet d'une telle incarnation vient de ce que ces « outres » se transforment entièrement dans la réalité plus haute qui les assume. Ainsi, de même que le Verbe en prenant chair de Marie la sanctifie totalement (il le fait même par anticipation de l'Eucharistie, dans l'Immaculée Conception), de même l'Église est toute sainte et sanctifiante de part l'Alliance que le Seigneur a voulu faire avec elle. C'est pour cela que le chrétien, en regardant l'Église, la voit toute sainte, pure et sans tâche, comme Marie, Épouse et Mère. Le chrétien voit l'Église comme étant le Corps du Christ, comme le récipient qui garde pur le dépôt de la foi, comme l'Épouse fidèle qui communique sans omission ni erreur tout ce dont le Christ lui a laissé la charge. Dans les sacrements, l'Église nous communique la vie entière que le Seigneur est venu apporter. Même si nous ses fils, parfois nous rompons notre Alliance avec le Seigneur au niveau individuel, l'Église est le lieu où cette Alliance – qui nous a été donnée pour toujours dans le baptême – demeure intacte et nous pouvons la récupérer par la réconciliation.
De ce regard intégral – catholique au sens plein (« universel ») - qui considère l'Église comme un récipient dont la qualité et la magnitude se mesurent depuis celui qui l'habite et maintient indemne son Alliance avec elle, surgissent ensuite les autres regards, qui peuvent tenter d'améliorer, corriger ou exprimer explicitement des aspects partiels, circonstanciels, historiques et culturels de l'Église. Mais toujours avec cet esprit d'Alliance qui ne se rompt pas, comme dans un bon mariage où tout peut être soumis au dialogue et être amélioré, pourvu que l'on aille dans le sens vital de l'amour qui maintient l'Alliance.
Reconnaître le Christ venu s'incarner, c'est reconnaître que toute la réalité humaine a été « sauvée » et sanctifiée en Christ. C'est pour cela que le Seigneur a même voulu être mort trois jours, et, plus encore, descendre en enfer, au lieu le plus éloigné de Dieu où peut aller l'existence humaine. L'Église en tant que réalité « sanctifiée » entièrement et capable de recevoir et de communiquer – sans erreurs ni omissions, depuis sa pauvre pauvreté et même avec ses péchés – toute la sainteté de Dieu, n'est pas un « complément » ou un « ajout institutionnel » à Jésus-Christ, mais la pleine participation à son Incarnation, de sa Vie, de sa Passion, Mort et Résurrection. Sans ces « outres neuves » que sont l'Église et Marie – dans une universalité concrète sans égal, dont la relation est le paradigme de tout le reste – la venue du Verbe éternel au monde et à la chair, sa Parole dans nos oreilles et sa Vie dans notre histoire, ne pourraient être reçus adéquatement.
De là découle le fait que pour contempler le mystère de l'Alliance entre Dieu et l'humanité – Alliance qui vient de l'Ancien Testament et qui veut s'étendre à tous les hommes de bonne volonté -, la première chose à faire consiste à placer au centre ce mystère de l'Église contemplée en tant que « récipient tout sanctifié et sanctifiant », de même que Marie, d'où émane le Don de Dieu pour la vie du monde. Comme le dit le Pape, citant le concile Vatican II.
Contemplons donc l'Église-Marie qui a son centre dans l'Eucharistie : l'Église-Marie qui vit de l'Eucharistie et nous fait vivre grâce à l'Eucharistie. Contemplons l'Église-Marie qui reçoit de son époux la totalité du Don du Pain de vie ainsi que la mission de le distribuer à tous, pour la vie du monde. En elles, l'Alliance de Dieu avec l'humanité se donne et est reçue et communiquée sans failles ni omissions. Le don jusqu'à la fin de l'Époux fait l'Épouse – Marie-Église toute sainte, la purifie et la recrée toujours nouvellement dans la foi et dans la charité et les portes de l'enfer ne prévalent pas contre elle.
Je termine en disant que cette assurance de la sainteté de l'Église n'est pas une question de privilège personnel ou social mais qu'elle est ordonnée pour le service. Je m'explique. Étant donné que l'Église défend toujours son intégrité, et qu'il y a toujours eu et il y a encore ceux qui tirent un profit néfaste de la force d'une institution - ce qui est pathétique, car c'est tellement réducteur d'utiliser quelque chose d'aussi bénéfique que la Vie éternelle pour les jouissances de la vie passagère -, le monde peut avoir l'impression que l'Église défend toujours son pouvoir. Et il n'en est pas ainsi. En défendant sa pureté, son indéfectibilité, sa sainteté d'Épouse, l'Église défend le « lieu » par où passe le Don de la Vie de Dieu au monde et le don de la vie du monde à Dieu. Ce don – dont l'expression la plus pleine est l'Eucharistie – n'est pas un don de plus, parmi d'autres mais le don total de la vie la vie la plus intime de la Trinité qui est versé pour la vie du monde et la vie du monde assumée par le Fils qui s'offre au Père.
Comme dit Balthasar : « L'acte par lequel le Père se donne, par lequel il verse le Fils à travers tous les espaces et tous les temps de la création, est l'ouverture définitive de l'acte trinitaire lui-même, dans lequel les « Personnes » de Dieu sont des « Relations », nous pouvons dire : des formes de don absolu et de fluidification aimante ».
C'est l'incommensurabilité sans possibilité de retour en arrière du don qui nous est transmise, ce qui oblige le Seigneur à sanctifier l'Église de manière indéfectible, comme il l'a fait avec sa Mère, de telle sorte qu'il y ait la certitude que ce don puisse être reçu et transmis « pour la vie du monde ». Le mystère de l'Alliance qui rend l'Église toute sainte est un mystère de service et de vie.
On ne doit jamais cesser de s'émerveiller de ce que cette ouverture définitive de la vie trinitaire même se donne et se verse non seulement pour certains mais pour la vie du monde. C'est ainsi, même si tout le monde ne le sait pas et n'en profite pas. C'est le fruit de la liberté incompréhensible du Dieu Un et Trine : que sa donation soit totale et pour tous.
« En s'unissant au Christ, le peuple de la nouvelle Alliance, loin de se refermer sur lui-même, devient « sacrement » pour l'humanité, signe et instrument du salut opéré par le Christ, lumière du monde et sel de la terre (cf. Mt 5, 13-16) pour la rédemption de tous. La mission de l'Église est en continuité avec celle du Christ : « De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (Jn 20, 21). C’est pourquoi, de la perpétuation du sacrifice du Christ dans l'Eucharistie et de la communion à son corps et à son sang, l'Église reçoit les forces spirituelles nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Ainsi, l'Eucharistie apparaît en même temps comme la source et le sommet de toute l'évangélisation, puisque son but est la communion de tous les hommes avec le Christ et en lui avec le Père et L'Esprit Saint ».
262. Évangélisateurs avec Esprit signifie évangélisateurs qui prient et travaillent. Du point de vue de l’Évangélisation, il n’y a pas besoin de propositions mystiques sans un fort engagement social et missionnaire, ni de discours et d’usages sociaux et pastoraux, sans une spiritualité qui transforme le coeur. Ces propositions partielles et déconnectées ne touchent que des groupes réduits et n’ont pas la force d’une grande pénétration, parce qu’elles mutilent l’Évangile. Il faut toujours cultiver un espace intérieur qui donne un sens chrétien à l’activité. Sans des moments prolongés d’adoration, de rencontre priante avec la Parole, de dialogue sincère avec le Seigneur, les tâches se vident facilement de sens, nous nous affaiblissons à cause de la fatigue et des difficultés, et la ferveur s’éteint.
L’Église ne peut vivre sans le poumon de la prière, et je me réjouis beaucoup que se multiplient dans toutes les institutions ecclésiales les groupes de prières, d’intercession, de lecture priante de la Parole, les adorations perpétuelles de l’Eucharistie. En même temps, « on doit repousser toute tentation d’une spiritualité intimiste et individualiste, qui s’harmoniserait mal avec les exigences de la charité pas plus qu’avec la logique de l’incarnation ». Il y a un risque que certains moments d’oraison se transforment en excuse pour ne pas se livrer à la mission, parce que la privatisation du style de vie peut porter les chrétiens à se réfugier en de fausses spiritualisés.
Texte intégral (cliquez ici)
HOMELIE -MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE
Vendredi 22 novembre 2013, Extraits
Le Pape François a développé son homélie en partant de ces deux dimensions, qui vont en parallèle dans la vie chrétienne. Le Pape François est parti de la lecture d’un passage de l’Ancien Testament où Judas Maccabée consacre à nouveau le Temple détruit par les guerres. « Le temple - observe le Pape - comme point de repère pour la communauté, comme point de repère pour le peuple de Dieu », où nous nous rendons pour divers motifs, parmi lesquels -explique t’il- l’un d’entre eux prime sur les autres : Le Temple est le lieu où la communauté va prier, louer le Seigneur, rendre grâce mais surtout, adorer : au temple, nous adorons le Seigneur. Et ça, c’est le point le plus important. Ceci est aussi valable pour les cérémonies liturgiques : dans cette cérémonie liturgique, qu’est-ce qui est le plus important ? Les chants, les rites ? Tout cela est bien beau. Mais le plus important est l’adoration : toute la communauté réunie regarde l’autel où l’on célèbre le sacrifice et où l’on adore. Mais moi je crois - je le dis humblement- que nous, les chrétiens, nous avons quelque peu perdu le sens de l’adoration et nous pensons : 'nous allons au temple, nous nous réunissons comme des frères -celui-ci est bon, est beau !-. Mais le centre est là où se trouve Dieu. Et nous, nous adorons Dieu ».
De cette affirmation naît une question : « Nos temples -s'est demandé le Pape François - sont-ils des lieux d’adoration, favorisent-ils l’adoration ? Est-ce que nos célébrations favorisent l’adoration ? » Jésus - rappelle le Pape, en citant l’Évangile du jour - chasse « les affairistes » qui ont pris le Temple pour un lieu de trafics plutôt que d’adoration. Mais il y a un autre « Temple » et une autre sacralité qu’il faut considérer dans la vie de la foi : « Saint-Paul nous dit que nous sommes les temples de l’Esprit Saint. Moi, je suis un temple. L’Esprit de Dieu est en moi. Et il nous dit également : « Ne causez pas de chagrin à l’Esprit du Seigneur qui est en vous ! ». Et ici aussi, nous ne pouvons peut-être pas parler de l’adoration comme précédemment mais d’une sorte d’adoration qui est le cœur qui cherche en lui l’Esprit du Seigneur et sait que Dieu est en lui, que l’Esprit Saint est en lui. Il l’écoute et le suit.
Évidemment, suivre Dieu présuppose une purification continue « parce que nous sommes des pécheurs », a insisté le Pape François. « Nous purifier par la prière, par la pénitence, par le Sacrement de la Réconciliation, par l’Eucharistie ». Et ainsi, « dans ces deux temples - le temple matériel , le lieu d’adoration et le temple spirituel qui est en moi, où habite l’Esprit Saint - dans ces deux temples- concluait le Pape- notre comportement doit être celui de la pitié qui adore et qui écoute, qui prie et demande pardon, qui loue le Seigneur ». « Et lorsque l’on parle de la joie du Temple, nous parlons de ceci : toute la communauté en adoration, qui prie, qui rend grâce, qui loue. Moi, qui prie avec le Seigneur qui est en moi parce que moi, je suis le « temple ». Moi, à l’écoute, disponible. Que le Seigneur nous concède ce vrai sens du Temple pour pouvoir aller de l’avant dans nos vies d’adoration et d’écoute de la Parole de Dieu.».
HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS
Basilique Saint-Paul-hors-les-murs
IIIe Dimanche de Pâques, 14 avril 2013, Extraits:
L’évangéliste souligne que « personne n’osait lui demander : “qui es-tu ?” Ils savaient que c’était le Seigneur » (Jn 21, 12). Et c’est un point important pour nous : vivre une relation intense avec Jésus, une intimité de dialogue et de vie, pour ainsi le reconnaître comme “le Seigneur”. L’adorer ! Le passage de l’Apocalypse que nous avons écouté nous parle de l’adoration : la multitude d’anges, toutes les créatures, les êtres vivants, les anciens, se prosternent en adoration devant le Trône de Dieu et l’Agneau immolé, qui est le Christ, à qui vont la louange, l’honneur et la gloire (cf. Ap 5, 11-14). Je voudrais que nous nous posions tous cette question : Toi, moi, adorons-nous le Seigneur ? Allons-nous à Dieu seulement pour demander, pour remercier, ou allons-nous à lui aussi pour l’adorer ? Que veut dire alors adorer Dieu ? Cela signifie apprendre à rester avec lui, à nous arrêter pour dialoguer avec lui, en sentant que sa présence est la plus vraie, la meilleure, la plus importante de toutes. Chacun de nous, dans sa propre vie, de manière inconsciente et peut-être parfois sans s’en rendre compte, a un ordre bien précis des choses qu’il retient plus ou moins importantes. Adorer le Seigneur veut dire lui donner la place qu’il doit avoir ; adorer le Seigneur veut dire affirmer, croire, non pas simplement en paroles, que lui seul guide vraiment notre vie ; adorer le Seigneur veut dire que devant lui nous sommes convaincus qu’il est le seul Dieu, le Dieu de notre vie, le Dieu de notre histoire.
4. Cela a une conséquence dans notre vie : se dépouiller de beaucoup d’idoles petites et grandes que nous avons, et dans lesquelles nous nous réfugions, dans lesquelles nous cherchons et plaçons bien des fois notre sécurité. Ce sont des idoles que nous tenons souvent cachées ; elles peuvent être l’ambition, le carriérisme, le goût du succès, le fait de se mettre soi-même au centre, la tendance à dominer les autres, la prétention d’être les seuls maîtres de notre vie, quelques péchés auxquels nous sommes attachés, et beaucoup d’autres. Ce soir, je voudrais qu’une question résonne dans le cœur de chacun de nous et que nous y répondions avec sincérité : ai-je pensé, moi, à cette idole cachée que j’ai dans ma vie et qui m’empêche d’adorer le Seigneur ? Adorer c’est se dépouiller de nos idoles mêmes les plus cachées, et choisir le Seigneur comme le centre, comme la voie royale de notre vie.
Chers frères et sœurs, le Seigneur nous appelle chaque jour à le suivre avec courage et fidélité ; il nous a fait le grand don de nous choisir comme ses disciples ; il nous invite à l’annoncer avec joie comme le Ressuscité, mais il nous demande de le faire par la parole et par le témoignage de notre vie, dans le quotidien. Le Seigneur est l’unique, l’unique Dieu de notre vie et il nous invite à nous dépouiller des nombreuses idoles et à l’adorer lui seul. Annoncer, témoigner, adorer. Puissent la Bienheureuse Vierge Marie et l’apôtre Paul nous aider sur ce chemin et intercéder pour nous. Ainsi soit-il.
VOYAGE APOSTOLIQUE À RIO DE JANEIRO
À L'OCCASION DE LA XXVIIIe JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE
HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE, Extraits:
Bord de mer de Copacabana, Rio de Janeiro
Jeudi 25 juillet 2013
Cher jeune : « mets le Christ » dans ta vie. En ces jours, il t’attend : écoute-le avec attention et sa présence enthousiasmera ton cœur. « Mets le Christ » : Il t’accueille dans le Sacrement du Pardon, par sa miséricorde, il soigne toutes les blessures du péché. N’aie pas peur de demander pardon à Dieu. Il ne se fatigue jamais de nous pardonner, comme un père qui nous aime. Dieu est pure miséricorde ! « Mets le Christ » : Il t’attend dans l’Eucharistie, Sacrement de sa présence, de son sacrifice d’amour, et il t’attend aussi dans l’humanité de tant de jeunes qui t’enrichiront de leur amitié, qui t’encourageront de leur témoignage de foi, qui t’apprendront le langage de l’amour, de la bonté, du service. Toi aussi, cher jeune, tu peux être un témoin joyeux de son amour, un témoin courageux de son Évangile pour porter dans ce monde un peu de lumière. Laisse-toi aimer par Jésus, il est un ami que ne déçoit pas.
MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE
Vendredi 10 janvier 2014, Extraits
Le Credo des perroquets
Le chrétien ne répète pas le Credo par cœur comme un perroquet et ne vit pas comme un éternel « perdant », mais il confesse sa foi tout entière et il a la capacité d’adorer Dieu, en faisant ainsi s’élever le thermomètre de la vie de l’Église. Pour le Pape François, « confesser et nous confier » sont les deux paroles clés qui nourrissent et renforcent l’attitude de celui qui croit, car « notre foi est une victoire qui a vaincu le monde » comme l’écrit l’apôtre Jean dans sa première lettre. Le Pape l’a réaffirmé au cours de la Messe du 10 janvier. François a repris le fil conducteur de la méditation de la veille. Jean écrit : quiconque reste en Dieu, quiconque a été engendré par Dieu, quiconque reste dans l’amour vainc le monde. « Il est fort ! » s’est exclamé le Pape, car « la victoire qui a vaincu le monde est notre foi. Notre foi peut tout: elle est victoire ! ». Il s’agit d’une vérité qu’il « serait beau » de se répéter souvent, « car très souvent, nous sommes des chrétiens vaincus. L’Église — a affirmé le Pape — est pleine de chrétiens vaincus, qui ne croient pas que la foi est victoire, qui ne vivent pas cette foi. Et si l’on ne vit pas cette foi, il y a la défaite. Et le monde vainc, le prince du monde ». La question fondamentale à se poser à soi-même est alors : « Qu’est cette foi ? ». Précisément « cette foi nous demande deux attitudes : confesser et nous confier » a dit le Pape. Tout d’abord, « la foi est confesser Dieu ; mais le Dieu qui s’est révélé à nous depuis l’époque de nos pères jusqu’à présent: le Dieu de l’histoire ». C’est ce que nous affirmons tous les jours dans le Credo. Mais — a précisé le Pape — « c’est une chose que de réciter le Credo avec le cœur, et une autre de le faire comme des perroquets: je crois en Dieu, je crois en Jésus Christ, je crois... ».
Le Pape a poursuivi en proposant un examen de conscience : « Est-ce que je crois dans ce que je dis ? Cette confession de foi est véritable ou est-ce que je le dis par cœur, parce qu’on doit le dire ? Ou est-ce que je crois à moitié ? ». Il faut donc « confesser la foi ». Et la confesser « toute, pas une partie. Toute ! ». Mais, a-t-il ajouté, il faut aussi « la conserver entièrement telle qu’elle nous est arrivée par la voie de la tradition. Toute la foi ! ». Le Pape a ensuite indiqué « le signe » pour reconnaître si nous confessons « bien la foi ». En effet, « qui confesse bien la foi, toute la foi, a la capacité d’adorer Dieu ». C’est un « signe » qui peut sembler « un peu étrange — a commenté le Pape — car nous savons comment demander à Dieu, comment rendre grâce à Dieu. Mais adorer Dieu, louer Dieu est davantage. Seul celui qui a cette foi forte est capable de l’adoration ». Précisément sur l’adoration, a fait remarquer le Pape, « j’ose dire que le thermomètre de la vie de l’Église est un peu bas : nous chrétiens nous n’avons pas tellement — à part certains — de capacité d’adorer, car dans la confession de la foi nous ne sommes pas convaincus. Ou bien nous sommes convaincus à moitié ». Nous devrions en revanche retrouver la capacité « de louer et d’adorer » Dieu ; également parce que, a ajouté le Pape, la prière pour « demander et rendre grâce nous la faisons tous ». Quant à la deuxième attitude, le Pape François a rappelé que « l’homme ou la femme qui a la foi se confie à Dieu. Se confie. Paul, dans les moments sombres de sa vie, disait : je sais bien à qui je me suis confié. À Dieu. Au Seigneur Jésus ». Et « se confier — a-t-il affirmé — nous conduit à l’espérance. De même que la confession de la foi nous conduit à l’adoration et à la louange de Dieu, se confier à Dieu nous conduit à une attitude d’espérance ».
Le Saint-Père encourage à savoir « perdre son temps » devant le Seigneur
Il recommande la prière de l’adoration lors de la messe à Sainte-Marthe
Vendredi 20 octobre 2016, Extraits
Le pape François a encouragé à savoir « perdre son temps » devant le Seigneur, lors de la messe en la chapelle de la Maison Sainte-Marthe au Vatican, le 20 octobre 2016. Dans son homélie, il a particulièrement recommandé la prière de l’adoration.
Durant la célébration matinale, le pape a commenté la première lecture (Ep 3, 14-21), où saint Paul « s’immerge » dans la « mer immense qui est la personne du Christ ». Mais « comment pouvons-nous connaître le Christ ? », comment comprendre « l’amour du Christ qui dépasse toute connaissance ? », s’est-il demandé.
Lire l’Evangile et étudier le catéchisme sont des façons de connaître le Christ « mais cela n’est pas suffisant », a répondu le pape François : pour être en mesure de comprendre quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur de Jésus Christ, il faut entrer dans un contexte de prière (…) à genoux : l’adoration ».
« On ne connaît pas le Seigneur sans cette habitude d’adorer, d’adorer en silence », a assuré le pape en constatant que cette prière d’adoration était peu connue et pratiquée parmi les croyants. Il s’agit de savoir « perdre son temps devant le Seigneur, devant le mystère de Jésus-Christ. Adorer. Là en silence, le silence de l’adoration. Il est le Seigneur et je l’adore ».
La connaissance du Christ demande aussi « d’avoir conscience de nous-mêmes » et de se reconnaître « pécheurs », a-t-il ajouté. « On ne peut adorer sans s’accuser soi-même ».
Le pape a résumé en conclusion : « Pour entrer dans cette mer sans fond, sans rive, qui est le mystère de Jésus-Christ, il faut (…) l’adoration du mystère, entrer dans le mystère en adorant ». Pour cela, il a formulé cette prière : « Père envoie-moi l’Esprit pour connaître Jésus-Christ ». Et il faut « s’accuser soi-même : ‘je suis un homme aux lèvres impures’ ».
MESSE EN LA SOLENNITÉ DE L'ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR
HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS
Lundi 6 janvier 2020
Dans l’Evangile (Mt 2, 1-12), nous avons entendu que les Mages commencent par manifester leurs intentions: « Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui » (v. 2). Adorer est l’objectif de leur parcours, le but de leur cheminement. En effet, arrivés à Bethléem, « ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, ils se prosternèrent devant lui » (v. 11). Si nous perdons le sens de l’adoration, nous perdons le sens de la marche de la vie chrétienne, qui est un cheminement vers le Seigneur, non pas vers nous. C’est le risque contre lequel l’Evangile nous met en garde, en présentant, à côté des Mages, des personnages qui n’arrivent pas à adorer.
Il y a surtout le roi Hérode, qui utilise le verbe adorer, mais avec une intention fallacieuse. Il demande, en effet, aux Mages de l’informer sur le lieu où se trouve l’Enfant « pour que – dit-il – j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui » (v. 8). En réalité, Hérode n’adorait que lui-même, et c’est pourquoi il voulait se libérer de l’Enfant par le mensonge. Qu’est-ce que cela nous enseigne ? Que l’homme, quand il n’adore pas Dieu, est amené à adorer son moi. Et même la vie chrétienne, sans adorer le Seigneur, peut devenir un moyen raffiné pour s’affirmer soi-même et son talent : des chrétiens qui ne savent pas adorer, qui ne savent pas prier en adorant. C’est un risque sérieux : nous servir de Dieu plutôt que de servir Dieu. Combien de fois n’avons-nous pas échangé les intérêts de l’Evangile avec les nôtres, combien de fois n’avons-nous pas couvert de religiosité ce qui nous arrangeait, combien de fois n’avons-nous pas confondu le pouvoir selon Dieu, qui est de servir les autres, avec le pouvoir selon le monde, qui est de se servir soi-même !
En plus d’Hérode, il y a d’autres personnes dans l’Evangile qui n’arrivent pas à adorer : ce sont les chefs des prêtres et les scribes du peuple. Ils indiquent à Hérode, avec une précision extrême, où serait né le Messie : à Bethléem de Judée (cf. v. 5). Ils connaissent les prophéties et les citent avec exactitude. Ils savent où aller – des grands théologiens, des grands ! –, mais n’y vont pas. De cela aussi, nous pouvons tirer un enseignement. Dans la vie chrétienne, il ne suffit pas de savoir : sans sortir de soi-même, sans rencontrer, sans adorer, on ne connaît pas Dieu. La théologie et l’efficacité pastorale servent à peu de choses ou même à rien si on ne plie pas les genoux ; si on ne fait pas comme les Mages, qui ne furent pas seulement des savants organisateurs d’un voyage, mais qui marchèrent et adorèrent. Quand on adore, on se rend compte que la foi ne se réduit pas à un ensemble de belles doctrines, mais qu’elle est la relation avec une Personne vivante à aimer. C’est en étant face à face avec Jésus que nous en connaissons le visage. En adorant, nous découvrons que la vie chrétienne est une histoire d’amour avec Dieu, où les bonnes idées ne suffisent pas, mais qu’il faut lui accorder la priorité, comme le fait un amoureux avec la personne qu’il aime. C’est ainsi que l’Eglise doit être, une adoratrice amoureuse de Jésus son époux.
Au début de l’année, redécouvrons l’adoration comme une exigence de la foi. Si nous savons nous agenouiller devant Jésus, nous vaincrons la tentation de continuer à marcher chacun de son côté. Adorer, en effet, c’est accomplir un exode depuis l’esclavage le plus grand, celui de soi-même. Adorer, c’est mettre le Seigneur au centre pour ne pas être centrés sur nous-mêmes. C’est remettre les choses à leur place, en laissant à Dieu la première place. Adorer, c’est mettre les plans de Dieu avant mon temps, mes droits, mes espaces. C’est accueillir l’enseignement de l’Ecriture : « C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras » (Mt 4, 10). Ton Dieu : adorer c’est se sentir de appartenir mutuellement avec Dieu. C’est lui dire “tu” dans l’intimité, c’est lui apporter notre vie en lui permettant d’entrer dans nos vies. C’est faire descendre sa consolation sur le monde. Adorer, c’est découvrir que, pour prier, il suffit de dire : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jn 20, 28), et se laisser envahir par sa tendresse.
Adorer, c’est rencontrer Jésus sans une liste des demandes, mais avec l’unique demande de demeurer avec lui. C’est découvrir que la joie et la paix grandissent avec la louange et l’action de grâce. Quand nous adorons, nous permettons à Jésus de nous guérir et de nous changer. En adorant, nous donnons au Seigneur la possibilité de nous transformer avec son amour, d’illuminer nos obscurités, de nous donner la force dans la faiblesse et le courage dans les épreuves. Adorer, c’est aller à l’essentiel : c’est la voie pour nous désintoxiquer de nombreuses choses inutiles, des dépendances qui anesthésient le cœur et engourdissent l’esprit. En adorant, en effet, on apprend à refuser ce qu’il ne faut pas adorer : le dieu argent, le dieu consommation, le dieu plaisir, le dieu succès, notre moi érigé en dieu. Adorer, c’est se faire petit en présence du Très Haut, pour découvrir devant Lui que la grandeur de la vie ne consiste pas dans l’avoir, mais dans le fait d’aimer. Adorer, c’est nous redécouvrir frères et sœurs devant le mystère de l’amour qui surmonte toute distance : c’est puiser le bien à la source, c’est trouver dans le Dieu proche le courage d’approcher les autres. Adorer, c’est savoir se taire devant le Verbe divin, pour apprendre à dire des paroles qui ne blessent pas, mais qui consolent.
Adorer, c’est un geste d’amour qui change la vie. C’est faire comme les Mages : c’est apporter au Seigneur l’or, pour lui dire que rien n’est plus précieux que lui ; c’est lui offrir l’encens, pour lui dire que c’est seulement avec lui que notre vie s’élève vers le haut ; c’est lui présenter la myrrhe, avec laquelle on oignait les corps blessés et mutilés, pour promettre à Jésus de secourir notre prochain marginalisé et souffrant, parce que là il est présent. D’habitude, nous savons prier – nous demandons, nous remercions le Seigneur –, mais l’Eglise doit encore aller plus loin avec la prière d’adoration, nous devons grandir dans l’adoration. C’est une sagesse que nous devons apprendre tous les jours. Prier en adorant : la prière d’adoration.
Chers frères et sœurs, aujourd’hui chacun de nous peut se demander : “Suis-je un chrétien adorateur ?”. De nombreux chrétiens qui prient ne savent pas adorer. Faisons-nous cette demande. Trouvons du temps pour l’adoration dans nos journées et créons des espaces pour l’adoration dans nos communautés. C’est à nous, comme Eglise, de mettre en pratique les paroles que nous avons priées aujourd’hui dans le Psaume : “Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi”. En adorant, nous aussi, nous découvrirons, comme les Mages, le sens de notre cheminement. Et, comme les Mages, nous expérimenterons « une très grande joie » (Mt 2, 10).
DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS
AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE
DE L'UNION INTERNATIONALE DES SUPÉRIEURES GÉNÉRALES
Salle Paul VI, Mercredi 8 mai 2013, Extraits
Jésus, au cours de la Cène, s’adresse aux apôtres à travers ces paroles : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15, 16), qui rappellent à tous, non seulement à nous prêtres, que la vocation est toujours une initiative de Dieu. C’est le Christ qui vous a appelées à le suivre dans la vie consacrée et cela signifie accomplir continuellement un « exode » de vous-mêmes pour centrer votre existence sur le Christ et sur son Évangile, sur la volonté de Dieu, en vous dépouillant de vos projets, pour pouvoir dire avec saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20). Cet « exode » de soi signifie se placer sur un chemin d’adoration et de service. Un exode qui nous conduit à un chemin d’adoration du Seigneur et de service à Lui dans nos frères et sœurs. Adorer et servir: deux attitudes qui ne peuvent pas être séparées, mais qui doivent toujours aller de pair. Adorer le Seigneur et servir les autres, en ne gardant rien pour soi : tel est le « dépouillement » de celui qui exerce l’autorité. Vivez et rappelez toujours le caractère central du Christ, l’identité évangélique de la vie consacrée. Aidez vos communautés à vivre l’« exode » de soi dans un chemin d’adoration et de service, avant tout à travers les trois axes de votre existence.
VISITE PASTORALE À ASSISE
RENCONTRE AVEC LES ENFANTS MALADES DE L'INSTITUT SÉRAPHIQUE
DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS
Assise, Vendredi 4 octobre 2013
Nous sommes au milieu des plaies du Seigneur, avez-vous dit, Madame. Vous avez également dit que ces plaies ont besoin d’être écoutées, d’être reconnues. Et il me vient à l’esprit lorsque le Seigneur Jésus allait en chemin avec ces deux disciples tristes. À la fin, le Seigneur Jésus a fait voir ses blessures et ils l’ont reconnu. Puis le pain, où Il était. Mon frère Domenico [ndlr : Domenico Sorrentino, évêque d’Assise-Nocera Umbra-Gualdo Tadino] me disait qu’ici, se pratique l’Adoration. Ce pain aussi a besoin d’être écouté, parce que Jésus est présent et caché dans ces jeunes, dans ces enfants, dans ces personnes. Sur l’autel, nous adorons la Chair de Jésus : en eux, nous trouvons les plaies de Jésus. Jésus caché dans l’Eucharistie et Jésus caché dans ces plaies. Elles ont besoin d’être écoutées ! Sans doute pas tant sur les journaux, comme des nouvelles ; c’est une écoute qui dure un, deux, trois jours, et puis en vient une autre, et encore une autre... Elles doivent être écoutées par ceux qui se disent chrétiens. Le chrétien adore Jésus, le chrétien cherche Jésus, le chrétien sait reconnaître les plaies de Jésus. Et aujourd’hui, nous tous ici, avons la nécessité de dire : « Ces blessures doivent être écoutées ! ». Mais c’est une autre chose qui nous donne l’espérance. Jésus est présent dans l’Eucharistie, là se trouve la Chair de Jésus ; Jésus est présent parmi vous, c’est la Chair de Jésus : ce sont les plaies de Jésus dans ces personnes.
Mais cela est intéressant : lorsque Jésus est ressuscité, il était très beau. Il n’avait pas de meurtrissures sur le corps, de blessures... rien ! Il était plus beau ! Mais il a voulu conserver les plaies et les a emportées avec lui au Ciel. Les plaies de Jésus sont ici et sont au Ciel devant le Père. Nous nous occupons des plaies de Jésus ici et Lui, du Ciel, nous montre ses plaies et nous dit à tous, à nous tous : « Je t’attends ! ». Ainsi soit-il.
Que le Seigneur vous bénisse tous. Que son amour descende sur nous, marche avec nous ; que Jésus nous dise que ces plaies sont à Lui et nous aide à leur donner voix afin que nous, chrétiens, les écoutions.
DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS
AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE ORGANISÉE
PAR LE CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PROMOTION
DE LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION
Salle Paul VI
Vendredi 19 septembre 2014, Extraits
Un autre aspect: ne suivons pas, s’il vous plaît, la voix des sirènes qui appellent à faire de la pastorale une série convulsive d’initiatives, sans réussir à saisir l’essentiel de l’engagement de l’évangélisation. Il semble parfois que nous sommes davantage préoccupés de multiplier les activités plutôt que d’être attentifs aux personnes et à leur rencontre avec Dieu. Une pastorale qui n’a pas cette attention devient peu à peu stérile. N’oublions pas de faire comme Jésus avec ses disciples : après qu’ils étaient allés dans les villages pour apporter l’annonce de l’Évangile, ils revinrent satisfaits de leurs succès ; mais Jésus les prend à part, dans un lieu solitaire pour passer un peu de temps avec eux (cf. Mc 6, 31). Une pastorale sans prière et contemplation ne pourra jamais atteindre le cœur des personnes. Elle s’arrêtera à la surface sans permettre que la semence de la Parole de Dieu puisse s’enraciner, germer, croître et porter du fruit (cf. Mt 13, 1-23).
AUDIENCE GÉNÉRALE - Mercredi 5 février 2014
Chers frères et sœurs, bonjour !
Aujourd’hui je vous parlerai de l’Eucharistie. L’Eucharistie se situe au cœur de l’« initiation chrétienne », avec le baptême et la confirmation, et elle constitue la source de la vie même de l’Église. En effet, de ce sacrement de l’amour naît tout authentique chemin de foi, de communion et de témoignage.
Ce que nous voyons quand nous nous rassemblons pour célébrer l’Eucharistie, la Messe, nous laisse déjà imaginer ce que nous allons vivre. Au centre de l’espace destiné à la célébration se trouve l’autel, qui est une table, recouverte d’une nappe, et cela nous fait penser à un banquet. Sur la table se trouve une croix, qui indique que sur cet autel on offre le sacrifice du Christ : c’est Lui la nourriture spirituelle que l’on reçoit là, sous les signes du pain et du vin. À côté de la table se trouve l’ambon, c’est-à-dire le lieu d’où l’on proclame la Parole de Dieu : et cela indique que l’on se rassemble en ce lieu pour écouter le Seigneur qui parle à travers les Saintes Écritures, et la nourriture que l’on reçoit est donc également sa Parole.
Parole et Pain pendant la Messe deviennent tout un, comme pendant la dernière Cène, quand toutes les paroles de Jésus, tous les signes qu’il avait accomplis, se condensèrent dans le geste de rompre le pain et d’offrir la coupe, anticipation du sacrifice de la croix, et dans ces mots : « Prenez et mangez, ceci est mon corps... Prenez et buvez, ceci est mon sang ».
Le geste de Jésus accompli lors de la Dernière Cène est l’action de grâce ultime au Père pour son amour, pour sa miséricorde. En grec « action de grâce » se dit Eucharistie. C’est pourquoi le sacrement s’appelle Eucharistie : c’est l’action de grâce suprême au Père, qui nous a aimés au point de nous donner son Fils par amour. Voilà pourquoi le terme Eucharistie résume tout ce geste, qui est un geste de Dieu et de l’homme ensemble, un geste de Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme.
La célébration eucharistique est donc bien plus qu’un simple banquet : c’est précisément le mémorial de la Pâque de Jésus, le mystère central du salut. « Mémorial » ne signifie pas seulement un souvenir, un simple souvenir, mais veut dire qu’à chaque fois que nous célébrons ce sacrement nous participons au mystère de la passion, de la mort et de la résurrection du Christ. L’Eucharistie constitue le sommet de l’action de salut de Dieu : le Seigneur Jésus, se faisant pain rompu pour nous, déverse en effet sur nous toute sa miséricorde et son amour, de manière à renouveler notre cœur, notre existence et notre façon de nous mettre en relation avec Lui et avec nos frères. C’est pourquoi communément, quand on s’approche de ce sacrement, on dit « recevoir la communion », « faire la communion » : cela signifie que dans la puissance du Saint-Esprit, la participation à la table eucharistique nous configure de manière unique et profonde au Christ, en nous faisant goûter dès à présent la pleine communion avec le Père qui caractérisera le banquet céleste, où avec tous les saints nous aurons la joie de contempler Dieu face à face.
Chers amis, nous ne remercierons jamais assez le Seigneur pour le don qu’il nous a fait avec l’Eucharistie ! C’est un don si grand et c’est pour cela qu’il est si important d’aller à la Messe le dimanche. Aller à la Messe non seulement pour prier, mais pour recevoir la communion, ce pain qui est le corps de Jésus Christ qui nous sauve, nous pardonne, nous unit au Père. Il est beau de faire tout cela ! Et tous les dimanches allons à la Messe, car c’est précisément le jour de la résurrection du Seigneur. C’est pourquoi le dimanche est si important pour nous. Et avec l’Eucharistie nous ressentons précisément cette appartenance à l’Église, au Peuple de Dieu, au Corps de Dieu, à Jésus Christ. Nous ne finirons jamais d’en saisir toute la valeur et la richesse. Demandons-lui alors que ce sacrement puisse continuer à maintenir vivante dans l’Église sa présence et à façonner nos communautés dans la charité et dans la communion, selon le cœur du Père. C’est ce que l’on fait au cours de toute sa vie, mais on commence à le faire le jour de la première communion. Il est important que les enfants se préparent bien à la première communion et que chaque enfant la fasse, car c’est le premier pas de cette puissante appartenance à Jésus Christ, après le baptême et la confirmation.
AUDIENCE GÉNÉRALE - Mercredi 12 février 2014
Chers frères et sœurs, bonjour.
Dans la dernière catéchèse, j’ai mis en lumière comment l’Eucharistie nous introduit dans la communion réelle avec Jésus et son mystère. À présent, nous pouvons nous poser quelques questions à propos du rapport entre l’Eucharistie que nous célébrons et notre vie, en tant qu’Église et en tant que chrétiens individuels. Comment vivons-nous l’Eucharistie ? Quand nous allons à la Messe le dimanche, comment la vivons-nous ? Est-ce seulement un moment de fête, est-ce une tradition consolidée, est-ce une occasion pour se retrouver ou pour se sentir en règle, ou bien quelque chose de plus?
Il existe des signaux très concrets pour comprendre comment nous vivons tout cela, comment nous vivons l’Eucharistie ; des signaux qui nous disent si nous vivons bien l’Eucharistie ou si nous ne la vivons pas si bien que cela. Le premier indice est notre manière de regarder et de considérer les autres. Dans l’Eucharistie, le Christ accomplit toujours à nouveau le don de soi qu’il a fait sur la Croix. Toute sa vie est un acte de partage total de soi par amour ; c’est pourquoi Il aimait être avec ses disciples et avec les personnes qu’il avait l’occasion de connaître. Cela signifiait pour Lui partager leurs désirs, leurs problèmes, ce qui tourmentait leur âme et leur vie. Or, lorsque nous participons à la Messe, nous nous retrouvons avec des hommes et avec des femmes de tout type : des jeunes, des personnes âgées, des enfants ; des pauvres et des nantis ; originaires du lieu ou étrangers ; accompagnés par leurs familles ou seuls... Mais l’Eucharistie que je célèbre me conduit-elle vraiment à les sentir tous comme des frères et des sœurs ? Fait-elle croître en moi la capacité de me réjouir avec celui qui se réjouit et de pleurer avec celui qui pleure ? Me pousse-t-elle à aller vers les pauvres, les malades, les exclus ? M’aide-t-elle à reconnaître en eux la face de Jésus ? Nous allons tous à la Messe parce que nous aimons Jésus et nous voulons partager, dans l’Eucharistie, sa passion et sa résurrection. Mais aimons-nous, comme Jésus le veut, nos frères et nos sœurs les plus indigents ? Par exemple, à Rome ces jours derniers nous avons vu de nombreuses situations de difficultés sociales, que ce soit en raison de la pluie, qui a causé tant de dégâts à des quartiers entiers, ou du manque de travail, conséquence de la crise économique dans le monde entier. Je me demande, et que chacun de nous se demande : Moi qui vais à la Messe, comment est-ce que je vis cela ? Est-ce que je me soucie d’aider, de m’approcher, de prier pour ceux qui ont ce problème ? Ou bien suis-je un peu indifférent ? Ou peut-être est-ce que je ne me soucie que de faire des bavardages : tu as vu comment celle-là est habillée, ou comment celui-là est habillé ? Parfois c’est ce que l’on fait après la Messe, et on ne doit pas le faire ! Nous devons nous soucier de nos frères et de nos sœurs qui en ont besoin à cause d’une maladie, d’un problème. Aujourd’hui, cela nous fera du bien de réfléchir à nos frères et sœurs qui ont ces problèmes, ici à Rome : des problèmes à la suite de la tragédie provoquée par la pluie et par les problèmes sociaux et du travail. Demandons à Jésus, que nous recevons dans l’Eucharistie, qu’il nous aide à les aider.
Un deuxième indice, très important, est la grâce de se sentir pardonnés et prêts à pardonner. Parfois quelqu’un demande : « Pourquoi devrait-on aller à l’Église, vu que celui qui participe habituellement à la Messe est pécheur comme les autres ? Combien de fois l’avons-nous entendu ! En réalité, celui qui célèbre l’Eucharistie ne le fait pas parce qu’il se considère ou veut paraître meilleur que les autres, mais précisément parce qu’il reconnaît qu’il a toujours besoin d’être accueilli et régénéré dans la miséricorde de Dieu, fait chair en Jésus Christ. Si chacun de nous ne sent pas le besoin de la miséricorde de Dieu, ne se sent pas pécheur, il vaut mieux qu’il n’aille pas à la Messe ! Nous allons à la Messe parce que nous sommes pécheurs et nous voulons recevoir le pardon de Dieu, participer à la rédemption de Jésus, à son pardon. Ce « Je confesse » que nous disons au début n’est pas un pro forma, c’est un véritable acte de pénitence ! Je suis pécheur et je le confesse, c’est ainsi que commence la Messe ! Nous ne devons jamais oublier que la Dernière Cène de Jésus a eu lieu « la nuit où il était livré » (1 Co 11, 23). Dans ce pain et dans ce vin que nous offrons et autour desquels nous nous rassemblons, se renouvelle chaque fois le don du corps et du sang du Christ pour la rémission de nos péchés. Nous devons aller à la Messe humblement, comme des pécheurs et le Seigneur nous réconcilie.
Un dernier indice précieux nous est offert par la relation entre la célébration eucharistique et la vie de nos communautés chrétiennes. Il faut toujours avoir à l’esprit que l’Eucharistie n’est pas quelque-chose que nous faisons nous ; nous n’effectuons pas une commémoration de ce que Jésus a dit et fait. Non. C’est précisément une action du Christ ! C’est le Christ qui agit là, qui est sur l’autel. C’est un don du Christ, qui se rend présent et nous rassemble autour de lui, pour nous nourrir de sa Parole et de sa vie. Cela signifie que la mission et l’identité même de l’Église jaillissent de là, de l’Eucharistie, et prennent toujours forme là. Une célébration peut paraître impeccable du point de vue extérieur, très belle, mais si elle ne nous conduit pas à la rencontre avec Jésus Christ, elle risque de ne porter aucune nourriture à notre cœur et à notre vie. À travers l’Eucharistie, en revanche, le Christ veut entrer dans notre existence et l’imprégner de sa grâce, de sorte que dans chaque communauté chrétienne il y ait de la cohérence entre la liturgie et la vie.
Le cœur se remplit de confiance et d’espérance en pensant aux paroles de Jésus rapportées dans l’Évangile : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour » ( Jn 6, 54). Vivons l’Eucharistie avec un esprit de foi, de prière, de pardon, de pénitence, de joie communautaire, de préoccupation pour les nécessiteux et pour les besoins de tant de nos frères et sœurs, dans la certitude que le Seigneur accomplira ce qu’il a promis : la vie éternelle. Ainsi soit-il !
AUDIENCE GÉNÉRALE - Mercredi 8 novembre 2017
Chers frères et sœurs, bonjour!
Nous commençons aujourd’hui une nouvelle série de catéchèses, qui portera le regard sur le «cœur» de l’Eglise, c’est-à-direl’Eucharistie. Il est fondamental pour nous chrétiens de bien comprendre la valeur et la signification de la Messe, pour vivre toujours plus pleinement notre relation avec Dieu.
Nous ne pouvons oublier le grand nombre de chrétiens qui, dans le monde entier, en deux mille ans d’histoire, ont résisté jusqu’à la mort pour défendre l’Eucharistie; et ceux qui, aujourd’hui encore, risquent leur vie pour participer à la Messe du dimanche. En l’an 304, au cours des persécutions de Dioclétien, un groupe de chrétiens, d’Afrique du Nord, furent surpris alors qu’ils célébraient la Messe dans une maison et furent arrêtés. Le proconsul romain leur demanda, au cours de l’interrogatoire, pourquoi ils l’avaient fait, sachant que cela était absolument interdit. Et ils répondirent: «Nous ne pouvons pas vivre sans le dimanche», ce qui voulait dire: si nous ne pouvons pas célébrer l’Eucharistie, nous ne pouvons pas vivre, notre vie chrétienne mourrait.
En effet, Jésus dit à ses disciples: «Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour» (Jn 6, 53-54).
Ces chrétiens d’Afrique du Nord furent tués parce qu’ils célébraient l’Eucharistie. Ils ont laissé le témoignage que l’on peut renoncer à la vie terrestre pour l’Eucharistie, parce que celle-ci nous donne la vie éternelle, en nous faisant participer à la victoire du Christ sur la mort. Un témoignage qui nous interpelle tous et exige une réponse sur ce que signifie pour chacun de nous de participer au sacrifice de la Messe et de nous approcher de la Table du Seigneur. Cherchons-nous cette source «jaillissante d’eau vive» pour la vie éternelle? Qui fait de notre vie un sacrifice spirituel de louange et d’action de grâce et fait de nous un seul corps avec le Christ? Tel est le sens le plus profond de la sainte Eucharistie, qui signifie «action de grâce»: action de grâce à Dieu le Père, Fils et Saint-Esprit qui nous englobe et nous transforme dans sa communion d’amour.
Au cours des prochaines catéchèses, je voudrais apporter une réponse à certaines questions importantes sur l’Eucharistie et la Messe, pour redécouvrir, ou découvrir, comment à travers ce mystère de la foi resplendit l’amour de Dieu.
Le Concile Vatican II a été fortement animé par le désir de conduire les chrétiens à comprendre la grandeur de la foi et la beauté de la rencontre avec le Christ. Pour cette raison, il était nécessaire avant tout de réaliser, sous la direction de l’Esprit Saint, un renouveau adapté de la liturgie, parce que l’Eglise vit constamment d’elle et se renouvelle grâce à elle.
Un thème central que les Pères conciliaires ont souligné est la formation liturgique des fidèles, indispensable pour un véritable renouveau. Et c’est précisément là également le but de ce cycle de catéchèses que nous commençons aujourd’hui: croître dans la connaissance du grand don que Dieu nous a donné dans l’Eucharistie.
L’Eucharistie est un événement merveilleux dans lequel Jésus Christ, notre vie, se fait présent. Participer à la Messe signifie «vivre encore une fois la passion et la mort rédemptrice du Seigneur. C’est une théophanie: le Seigneur se fait présent sur l’autel pour être offert au Père pour le salut du monde» (Homélie lors de la Messe, Maison Sainte-Marthe, 10 février 2014). Le Seigneur est là avec nous, présent. Souvent, nous allons là, nous regardons les choses, nous bavardons entre nous et le prêtre célèbre l’Eucharistie... et nous ne célébrons pas à ses côtés. Mais c’est le Seigneur! Si le président de la République ou une personne très importante dans le monde venait ici aujourd’hui, il est certain que nous serions tous près de lui, que nous voudrions le saluer. Mais réfléchis: quand tu vas à la Messe, c’est le Seigneur qui est présent! Et tu es distrait. C’est le Seigneur! Nous devons penser à cela. «Père, c’est que les Messes sont ennuyeuses» — «Mais que dis-tu, le Seigneur est ennuyeux?» — «Non, non, pas la Messe, les prêtres» — «Ah, que les prêtres se convertissent, mais c’est le Seigneur qui est présent!». Compris? Ne l’oubliez pas. «Participer à la Messe signifie vivre à nouveau la passion et la mort rédemptrice du Seigneur».
Essayons à présent de nous poser certaines questions simples. Par exemple, pourquoi fait-on le signe de la croix et l’acte de pénitence au début de la Messe? Et je voudrais ouvrir ici une autre parenthèse. Vous avez vu comment les enfants se font le signe de la croix? On ne comprend pas ce qu’ils font, si c’est le signe de la croix ou un dessin. Ils font comme cela [le Pape fait un geste confus]. Il faut enseigner aux enfants à bien faire le signe de la croix. C’est ainsi que commence la Messe, c’est ainsi que commence la vie, c’est ainsi que commence la journée. Cela veut dire que nous sommes rachetés par la croix du Seigneur. Regardez les enfants et enseignez-leur à bien faire le signe de la croix. Et ces lectures, pendant la Messe, pourquoi sont-elles là? Pourquoi lit-on trois lectures le dimanche et deux les autres jours. Pourquoi sont-elles là, que signifie la lecture de la Messe? Pourquoi les lit-on et quel rapport ont-elles avec la Messe? Ou encore, pourquoi à un certain moment, le prêtre qui préside la célébration dit-il: «Elevons nos cœurs?». Il ne dit pas: «Elevons nos téléphones portables pour prendre une photo!». Non, c’est une chose laide! Et je vous dis que je trouve cela très triste quand je célèbre ici, sur la place, ou dans la basilique, et je vois tant de portables levés, pas seulement ceux des fidèles, mais aussi de certains prêtres et également d’évêques. Mais tout de même! La Messe n’est pas un spectacle: c’est aller à la rencontre de la passion et de la résurrection du Seigneur. C’est pourquoi le prêtre dit: «Elevons nos cœurs». Qu’est-ce que cela veut dire? Rappelez-vous: pas de téléphones portables.
Il est très important de revenir aux fondements, de redécouvrir ce qui est l’essentiel, à travers ce que l’on touche et ce que l’on voit dans la célébration des sacrements. La question de l’apôtre saint Thomas (cf. Jn 20, 25), de pouvoir voir et toucher les blessures des clous dans le corps de Jésus, est le désir de pouvoir d’une certaine façon «toucher Dieu» pour y croire. Ce que saint Thomas demande au Seigneur est ce dont nous avons tous besoin: le voir, et le toucher pour le reconnaître. Les sacrements répondent à cette exigence humaine. Les sacrements, et la célébration eucharistique de façon particulière, sont les signes de l’amour de Dieu, les voies privilégiées pour le rencontrer.
Ainsi, à travers ces catéchèses que nous commençons aujourd’hui, je voudrais redécouvrir avec vous la beauté qui se cache dans la célébration eucharistique et qui, une fois dévoilée, donne tout son sens à la vie de chaque personne. Que la Vierge nous accompagne sur ce nouveau bout de chemin. Merci.
AUDIENCE GÉNÉRALE - Mercredi 15 novembre 2017
Chers frères et sœurs, bonjour!
Nous poursuivons les catéchèses sur la Messe. Pour comprendre la beauté de la célébration eucharistique, je désire tout d’abord commencer par un aspect très simple: la Messe est prière, elle est même la prière par excellence, la plus élevée, la plus sublime, et dans le même temps la plus «concrète». En effet, c’est la rencontre d’amour avec Dieu, à travers sa Parole et le Corps et le Sang de Jésus. C’est une rencontre avec le Seigneur.
Mais nous devons tout d’abord répondre à une question. Qu’est vraiment la prière? Elle est tout d’abord dialogue, relation personnelle avec Dieu. Et l’homme a été créé comme être en relation personnelle avec Dieu qui ne trouve sa pleine réalisation que dans la rencontre avec son Créateur. La route de la vie est dirigée vers la rencontre définitive avec le Seigneur.
Le Livre de la Genèse affirme que l’homme a été créé à l’image et ressemblance de Dieu, qui est Père et Fils et Saint-Esprit, une relation d’amour parfaite qui est unité. A partir de cela, nous pouvons comprendre que nous avons tous été créés pour entrer dans une relation parfaite d’amour, en nous donnant et en nous recevant sans cesse, pour pouvoir ainsi trouver la plénitude de notre être.
Quand Moïse, face au buisson ardent, reçoit l’appel de Dieu, il lui demande quel est son nom. Et que répond Dieu?: «Je suis celui qui est» (Ex 3, 14). Cette expression, dans son sens originel, exprime présence et faveur, et en effet, Dieu ajoute immédiatement après: «Yahvé, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob» (v. 15). Le Christ lui aussi, quand il appelle ses disciples, les appelle afin qu’ils soient avec Lui. Il s’agit donc de la plus grande grâce: pouvoir faire l’expérience que la Messe, l’Eucharistie est le moment privilégié pour être avec Jésus, et, à travers Lui, avec Dieu et avec nos frères.
Prier, comme tout véritable dialogue, est également savoir demeurer en silence — dans les dialogues il y a des moments de silence —, en silence avec Jésus. Quand nous allons à la Messe, nous arrivons peut-être cinq minutes à l’avance et nous commençons à bavarder avec celui qui est à côté de nous. Mais ce n’est pas le moment de bavarder: c’est le moment du silence pour nous préparer au dialogue. C’est le moment de nous recueillir dans notre cœur pour nous préparer à la rencontre avec Jésus. Le silence est si important! Rappelez-vous ce que j’ai dit la semaine dernière: nous n’allons pas à un spectacle, nous allons à la rencontre du Seigneur et le silence nous prépare et nous accompagne. Demeurer en silence avec Jésus. Et du mystérieux silence de Jésus jaillit sa Parole qui retentit dans notre cœur. Jésus lui-même nous enseigne comment il est réellement possible «d’être» avec le Père et il nous le démontre par sa prière. Les Evangiles nous montrent Jésus qui se retire dans des lieux apartés pour prier; les disciples, en voyant sa relation intime avec le Père, sentent le désir d’y participer, et ils lui demandent: «Seigneur apprends-nous à prier» (Lc 11, 1). C’est ce que nous avons entendu dans la première Lecture, au début de l’audience. Jésus répond que la première chose nécessaire pour prier est de savoir dire «Père». Soyons attentifs: si je ne suis pas capable de dire «Père» à Dieu, je ne suis pas capable de prier. Nous devons apprendre à dire «Père», c’est-à-dire à nous mettre en sa présence dans une confiance filiale. Mais pour pouvoir apprendre, il faut humblement reconnaître que nous avons besoin d’être instruits, et dire avec simplicité: Seigneur, apprends-moi à prier.
C’est le premier point: être humbles, se reconnaître comme ses fils, reposer dans le Père, avoir confiance en Lui. Pour entrer dans le Royaume des cieux il est nécessaire de devenir petits comme des enfants. A savoir que les enfants savent avoir confiance, ils savent que quelqu’un se préoccupera pour eux, de ce qu’ils mangeront, de comment ils s’habilleront et ainsi de suite (cf. Mt 6, 25-32). C’est la première attitude: confiance et confidence, comme un enfant à l’égard de ses parents; savoir que Dieu se rappelle de toi, prend soin de toi, de toi, de moi, de tous.
La deuxième prédisposition, elle aussi propre aux enfants, est de se laisser surprendre. L’enfant pose toujours mille questions parce qu’il désire découvrir le monde; et il s’émerveille même de petites choses, car tout est nouveau pour lui. Pour entrer dans le Royaume des cieux il faut se laisser émerveiller. Dans notre relation avec le Seigneur, dans la prière — je pose la question — nous laissons-nous émerveiller ou pensons-nous que la prière signifie parler à Dieu comme le font les perroquets? Non, c’est avoir confiance et ouvrir son cœur pour se laisser émerveiller. Nous laissons-nous surprendre par Dieu qui est toujours le Dieu des surprises? Car la rencontre avec le Seigneur est toujours une rencontre vivante, ce n’est pas une rencontre de musée. C’est une rencontre vivante et nous allons à la Messe, pas au musée. Nous allons à une rencontre vivante avec le Seigneur.
Dans l’Evangile on parle d’un certain Nicodème (Jn 3, 1-21), un homme âgé, qui faisait autorité en Israël, qui se rend auprès de Jésus pour le connaître; et le Seigneur lui parle de la nécessité de «renaître d’en haut» (cf. v. 3). Mais qu’est-ce que cela signifie? Peut-on «renaître»? Est-il possible de recommencer à éprouver du goût, de la joie, de l’émerveillement pour la vie, même devant les si nombreuses tragédies? Il s’agit d’une question fondamentale de notre foi et cela est le désir de tout véritable croyant: le désir de renaître, la joie de recommencer. Eprouvons-nous ce désir? Chacun de nous a-t-il envie de toujours renaître pour rencontrer le Seigneur? Eprouvez-vous ce désir en vous? En effet, on peut facilement le perdre, car à cause de tant d’activités, de nombreux projets à mettre en œuvre, il reste à la fin peu de temps et nous perdons de vue ce qui est fondamental: la vie de notre cœur, notre vie spirituelle, notre vie qui est une rencontre avec le Seigneur dans la prière.
En vérité, le Seigneur nous surprend en nous montrant qu’Il nous aime également dans nos faiblesses. Jésus Christ «est victime de propitiation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier» (1 Jn 2, 2). Ce don, source de véritable consolation — mais le Seigneur nous pardonne toujours, cela console, c’est une véritable consolation — est un don qui nous est donné à travers l’Eucharistie, ce banquet nuptial au cours duquel l’Epoux rencontre notre fragilité. Est-ce que je peux dire que lorsque je fais la communion pendant la Messe, le Seigneur rencontre ma fragilité? Oui! Nous pouvons le dire parce que c’est vrai! Le Seigneur rencontre notre fragilité pour nous reconduire à notre premier appel: celui d’être à l’image et à la ressemblance de Dieu. Tel est le cadre de l’Eucharistie, telle est la prière.
AUDIENCE GÉNÉRALE - Mercredi 22 novembre 2017
La Sainte Messe - 3. La messe est le mémorial du mystère pas cal du Christ.
Chers frères et soeurs, Bonjour !
Poursuivant les catéchèses sur la messe, nous pouvons nous demander : qu'est-ce qu'est essentiellement la messe. La Messe est le mémorial du Mystère pascal du Christ. Elle nous rend participants de sa victoire sur le péché et sur la mort, et donne pleine signification à notre vie. Se faisant pain rompu pour nous, le Seigneur Jésus répand sur nous sa miséricorde et son amour, comme il l’a fait sur la croix, au point de renouveler notre cœur, notre existence et notre relation avec lui et avec les frères. Chaque célébration est un rayon de ce soleil sans déclin qu’est Jésus Christ ressuscité. Participer à la messe signifie entrer dans la victoire du Ressuscité, être illuminés de sa lumière, réchauffés de sa chaleur. L’Esprit nous rend participants de la vie divine qui est capable de transfigurer tout notre être mortel. Dans la Messe nous nous unissons au Christ. Son sang nous libère de la domination de la mort physique et de la mort spirituelle qu’est le mal, le péché. Il est la plénitude de la vie, qui a anéanti la mort pour toujours. Sa Pâque est la victoire définitive sur la mort, car il a transformé la sienne en un acte suprême d’amour. Dans l’Eucharistie, il nous communique cet amour victorieux. En le recevant avec foi, nous pouvons vraiment aimer Dieu et le prochain, aimer comme lui nous a aimés, en donnant sa vie. La participation à l’Eucharistie nous fait passer avec le Christ de la mort à la vie.
AUDIENCE GÉNÉRALE- Mercredi 20 décembre 2017
Chers frères et sœurs, bonjour!
Aujourd’hui, je voudrais entrer dans le vif de la célébration eucharistique. La Messe est composée de deux parties, qui sont la liturgie de la Parole et la liturgie eucharistique, si étroitement liées entre elles qu’elles forment un unique acte de culte (cf.Sacrosanctum Concilium, n. 56; Présentation générale du Missel romain, n. 28). Introduite par plusieurs rites préparatoires et conclue par d’autres, la célébration est donc un unique corps et ne peut être séparée, mais pour une meilleure compréhension, je m’efforcerai d’expliquer ses divers moments, dont chacun est capable de toucher et d’interpeller une dimension de notre humanité. Il est nécessaire de connaître ces signes saints pour vivre pleinement la Messe et apprécier toute sa beauté.
Quand le peuple est rassemblé, la célébration s’ouvre par les rites d’introduction, qui comprennent l’entrée des célébrants ou du célébrant, le salut — «Le Seigneur soit avec vous», «la paix soit avec vous» — l’acte de pénitence, «je confesse», au cours duquel nous demandons pardon pour nos péchés — le Kyrie eleison, l’hymne du Gloria, et la prière de la collecte: elle s’appelle «prière de la collecte» non pas parce que l’on fait la collecte des offrandes: c’est la collecte des intentions de prière de tous les peuples; et cette collecte de l’intention des peuples monte au ciel comme une prière. Leur but — de ces rites d’introduction — est de faire en sorte que «les fidèles qui se réunissent réalisent une communion et se disposent à bien entendre la parole de Dieu et à célébrer dignement l’Eucharistie» (Présentation générale du Missel romain, n. 46). Ce n’est pas une bonne habitude de regarder sa montre et de dire: «Je suis dans les temps, j’arrive après le sermon et avec cela, j’accomplis le précepte». La Messe commence avec le signe de la croix, avec ces rites d’introduction, parce que c’est là que nous commençons à adorer Dieu en tant que communauté. C’est pour cela qu’il est important de prévoir de ne pas arriver en retard, mais en avance, pour préparer son cœur à ce rite, à cette célébration de la communauté.
Alors que, généralement, a lieu le chant d’entrée, le prêtre, accompagné des autres ministres, arrivent en procession au presbytérium, et là, il salue l’autel en s’inclinant et, en signe de vénération, il le baise et, s’il y a de l’encens, il l’encense. Pourquoi? Parce que l’autel est le Christ: c’est la figure du Christ. Quand nous regardons l’autel, nous regardons précisément là où il y a le Christ. Ces gestes, qui risquent de passer inaperçus, sont très significatifs, parce qu’ils expriment depuis le début que la Messe est une rencontre d’amour avec le Christ, qui, «[en livrant] son corps sur la croix [...] est à lui seul l’autel, le prêtre et la victime» (Préface de Pâques V). En effet, l’autel, en tant que signe du Christ, «est le centre de l’action de grâce qui s’accomplit pleinement par l’Eucharistie» (Présentation générale du Missel romain, n. 296), et de toute la communauté autour de l’autel, qui est le Christ; non pas pour regarder le visage les uns des autres, mais pour regarder le Christ, parce que le Christ est au centre de la communauté, il n’est pas éloigné d’elle.
Il y a ensuite le signe de la croix. Le prêtre qui préside le fait sur lui et tous les membres de l’assemblée font de même, conscients que l’acte liturgique s’accomplit «au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit». Et ici, je passe à une autre petite question. Vous avez vu comment les enfants font le signe de la croix? Ils ne savent pas ce qu’ils font: parfois, ils font un dessin, qui n’est pas le signe de la croix. S’il vous plaît, les pères, les mères, les grands-parents, apprenez aux enfants, dès le début — dès leur plus jeune âge — à bien faire le signe de la croix. Toute la prière se déroule, pour ainsi dire, dans l’espace de la Très Sainte Trinité — «au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit» — qui est un espace de communion infinie; elle a comme origine et comme fin l’amour de Dieu un et Trine, qui nous a été manifesté et donné dans la Croix du Christ. En effet, son mystère pascal est un don de la Trinité, et l’Eucharistie jaillit toujours de son cœur transpercé. En nous marquant du signe de la croix, donc, non seulement nous faisons mémoire de notre baptême, mais nous affirmons que la prière liturgique est la rencontre avec Dieu en Jésus Christ, qui pour nous s’est incarné, est mort sur la croix et a ressuscité dans la gloire.
Le prête adresse donc le salut liturgique, à travers l’expression: «Le Seigneur soit avec vous» ou une autre semblable — il y en a plusieurs —; et l’assemblée répond: «Et avec ton esprit». Nous sommes en dialogue; nous sommes au début de la Messe et nous devons penser à la signification de tous ces gestes et paroles. Nous entrons dans une «symphonie», dans laquelle retentissent diverses tonalités de voix, y compris des temps de silence, en vue de créer l’«accord» entre tous les participants, c’est-à-dire de nous reconnaître comme étant animés par un unique Esprit et pour une même fin. En effet, «cette salutation et la réponse du peuple manifestent le mystère de l’Eglise rassemblée» (Présentation générale du Missel romain, n. 50). On exprime ainsi la foi commune et le désir réciproque d’être avec le Seigneur et de vivre l’unité avec toute la communauté.
Et cela est une symphonie orante, qui se crée et qui présente immédiatement un moment très touchant, parce que celui qui préside invite chacun à reconnaître ses péchés. Nous sommes tous pécheurs. Je ne sais pas, peut-être que quelqu’un parmi vous n’est pas pécheur... Si quelqu’un n’est pas pécheur, qu’il lève la main, s’il vous plaît, que nous puissions tous voir. Mais il n’y a pas de main levée, c’est bien: vous êtes de bonne foi! Nous sommes tous pécheurs; et pour cela, au début de la Messe, nous demandons pardon. C’est l’acte de pénitence. Il ne s’agit pas seulement de penser aux péchés commis, mais beaucoup plus: c’est l’invitation à se confesser pécheurs devant Dieu et devant la communauté, devant nos frères, avec humilité et sincérité, comme le publicain au temple. Si l’Eucharistie rend véritablement présent le mystère pascal, c’est-à-dire le passage du Christ de la mort à la vie, alors la première chose que nous devons faire est reconnaître quelles sont nos situations de mort pour pouvoir ressusciter avec Lui à la vie nouvelle. Cela nous fait comprendre combien l’acte pénitentiel est important. C’est pour cette raison que nous reprendrons ce thème lors de la prochaine catéchèse.
Nous avançons pas à pas dans l’explication de la Messe. Mais surtout: enseignez bien aux enfants à faire le signe de la croix, s’il vous plaît!
AUDIENCE GÉNÉRALE- Mercredi 3 janvier 2018
Chers frères et sœurs, bonjour!
En reprenant les catéchèses sur la célébration eucharistique, nous prenons aujourd’hui en considération, dans le contexte des rites d’introduction, l’acte pénitentiel. Dans sa sobriété, celui-ci favorise l’attitude avec laquelle se disposer à célébrer dignement les saints mystères, c’est-à-dire en reconnaissant nos péchés devant Dieu et nos frères, en reconnaissant que nous sommes pécheurs. En effet, l’invitation du prêtre s’adresse à toute la communauté en prière, parce que nous sommes tous pécheurs. Que peut donner le Seigneur à celui qui a le cœur plein de lui-même, de son propre succès? Rien, parce que le présomptueux est incapable de recevoir le pardon, rassasié comme il l’est de sa prétendue justice. Pensons à la parabole du pharisien et du publicain, où seul le second — le publicain — revient chez lui justifié, c’est-à-dire pardonné (cf. Lc 18, 9-14). Celui qui est conscient de ses propres misères et qui baisse les yeux avec humilité, sent se poser sur lui le regard miséricordieux de Dieu. Nous savons par expérience que seul celui qui sait reconnaître ses erreurs et demander pardon reçoit la compréhension et le pardon des autres.
Ecouter en silence la voix de la conscience permet de reconnaître que nos pensées sont éloignées des pensées divines, que nos paroles et nos actions sont souvent mondaines, c’est-à-dire qu’elles ne sont guidées que par des choix contraires à l’Evangile. C’est pourquoi, au début de la Messe, nous accomplissons de manière communautaire l’acte pénitentiel à travers une formule de confession générale, prononcée à la première personne du singulier. Chacun confesse à Dieu et à ses frères d’avoir «péché, en parole, par action et par omission». Oui, aussi par omission, c’est-à-dire d’avoir négligé de faire le bien que j’aurais pu faire. Nous nous sentons souvent de braves personnes parce que — disons-nous — «je n’ai fait de mal à personne». En réalité, il ne suffit pas de ne pas faire de mal à son prochain, il faut choisir de faire le bien en saisissant les occasions pour rendre un bon témoignage du fait que nous sommes des disciples de Jésus. Il est bon de souligner que nous confessons aussi bien à Dieu qu’à nos frères que nous sommes pécheurs: cela nous aide à comprendre la dimension du péché qui, alors qu’il nous sépare de Dieu, nous divise également de nos frères et inversement. Le péché coupe: il coupe la relation avec Dieu et il coupe la relation avec nos frères, la relation dans la famille, dans la société, dans la communauté: le péché coupe toujours, il sépare, il divise.
Les mots que nous prononçons avec la bouche sont accompagnés par le geste de se frapper la poitrine, en reconnaissant que j’ai péché précisément par ma faute, et non par la faute des autres. Il arrive en effet souvent que, par peur ou par honte, nous pointions le doigt pour accuser les autres. Cela coûte d’admettre d’être coupables, mais cela nous fait du bien de le confesser avec sincérité. Confesser ses propres péchés. Je me souviens d’une anecdote, qu’un missionnaire âgé racontait, à propos d’une femme qui est allée se confesser et qui a commencé à raconter les fautes de son mari; ensuite, elle a poursuivi en racontant les fautes de sa belle-mère et ensuite les péchés de ses voisins. A un certain moment, le confesseur lui a dit: «Mais dites-moi, Madame: vous avez fini? – Très bien: vous avez fini avec les péchés des autres. Maintenant, commencez à dire les vôtres». Dire ses propres péchés!
Après la confession du péché, nous supplions la Bienheureuse Vierge Marie, les anges et les saints de prier le Seigneur pour nous. En cela aussi, la communion des saints est précieuse: c’est-à-dire que l’intercession de ces «amis et modèles de vie» (Préface du 1er novembre) nous soutient sur le chemin vers la pleine communion avec Dieu, quand le péché sera définitivement anéanti.
Outre le «Je confesse», on peut accomplir l’acte pénitentiel avec d’autres formules, par exemple: «Seigneur, accorde-nous ton pardon / Nous avons péché contre toi / Montre-nous ta miséricorde» (cf. Ps 123, 3; 85, 8; Jr 14, 20). Le dimanche, en particulier, on peut accomplir la bénédiction et l’aspersion de l’eau en mémoire du baptême (cf. Présentation générale du Missel romain, n. 51), qui efface tous les péchés. Il est aussi possible, comme partie de l’acte pénitentiel, de chanter le Kyrie eléison: avec une antique expression grecque, nous acclamons le Seigneur — Kyrios — et nous implorons sa miséricorde (ibid., n. 52).
L’Ecriture Sainte nous offre de lumineux exemples de figures «pénitentes» qui, en revenant en elle-même après avoir commis le péché, trouvent le courage d’ôter leur masque et de s’ouvrir à la grâce qui renouvelle le cœur. Pensons au roi David et aux paroles qui lui sont attribuées dans le Psaume: «Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché» (51, 3). Pensons au fils prodigue qui revient auprès de son père; ou à l’invocation du publicain: «Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis!» (Lc 18, 13). Pensons également à saint Pierre, à Zacchée, à la femme samaritaine. Se mesurer avec la fragilité de l’argile dont nous sommes façonnés est une expérience qui nous fortifie: alors qu’elle nous place en face de notre faiblesse, elle ouvre notre cœur pour invoquer la miséricorde divine qui transforme et convertit. Et c’est cela que nous accomplissons dans l’acte pénitentiel au début de la Messe.
AUDIENCE GÉNÉRALE- Mercredi 10 janvier 2018
Chers frères et sœurs, bonjour!
Dans le parcours de catéchèses sur la célébration eucharistique, nous avons vu que l’acte de pénitence nous aide à nous dépouiller de nos présomptions et à nous présenter à Dieu tels que nous sommes réellement, conscients d’être des pécheurs, dans l’espérance d’être pardonnés.
C’est précisément de la rencontre entre la pauvreté humaine et la miséricorde divine que prend vie la gratitude exprimée dans le «Gloria», «une hymne très ancienne et vénérable par laquelle l’Eglise, rassemblée dans l’Esprit Saint, glorifie Dieu le Père ainsi que l’Agneau qu’elle supplie» (Présentation générale du missel romain, n. 53).
Le début de cette hymne «Gloire à Dieu au plus haut des cieux» reprend le chant des Anges à la naissance de Jésus à Bethléem, annonce joyeuse de l’union entre le ciel et la terre. Ce chant nous touche nous aussi, qui sommes recueillis en prière: «Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime».
Après le «Gloria», ou encore, en l’absence de celui-ci, immédiatement après l’acte de pénitence, la prière revêt une forme particulière dans l’oraison appelée «collecte», au moyen de laquelle est exprimé le caractère propre de la célébration, qui varie selon les jours et les temps de l’année (cf. ibid., n. 54). Avec l’invitation «prions», le prêtre exhorte le peuple à se recueillir avec lui dans un moment de silence, afin de prendre conscience d’être en présence de Dieu et de faire ressortir, chacun dans son cœur, les intentions personnelles avec lesquelles il participe à la Messe (cf. ibid., n. 54). Le prêtre dit: «prions»; puis a lieu un moment de silence, et chacun pense aux choses dont il a besoin, qu’il veut demander, dans la prière.
Le silence ne se réduit pas à l’absence de paroles, mais signifie se disposer à écouter d’autres voix: celle de notre cœur et surtout, la voix de l’Esprit Saint. Dans la liturgie, la nature du silence sacré dépend du moment où il a lieu: «Pendant l’acte pénitentiel et après l’invitation à prier, chacun se recueille; après une lecture ou l’homélie, on médite brièvement ce qu’on a entendu; après la communion, le silence permet la louange et la prière intérieure» (ibid., n. 45). Donc, avant la prière initiale, le silence aide à nous recueillir en nous-mêmes et à penser à la raison pour laquelle nous sommes là. D’où l’importance d’écouter notre âme pour l’ouvrir ensuite au Seigneur. Peut-être venons-nous de connaître des jours de fatigue, de joie, de douleur, et nous voulons le dire au Seigneur, invoquer son aide, demander qu’il soit proche de nous; peut-être avons-nous des parents et des amis malades ou qui traversent des périodes difficiles; peut-être désirons-nous confier à Dieu le destin de l’Eglise et du monde. C’est à cela que sert le bref silence avant que le prêtre, recueillant les intentions de chacun, ne récite à haute voix à Dieu, au nom de tous, la prière commune qui conclut les rites d’introduction, en faisant précisément la «collecte» des intentions individuelles. Je recommande vivement aux prêtres d’observer ce moment de silence et de ne pas se presser: «prions», et que l’on fasse silence. Je recommande cela aux prêtres. Sans ce silence, nous risquons de négliger le recueillement de l’âme.
Le prêtre récite cette supplique, cette prière de collecte, les bras ouverts, c’est la position de l’orant, adoptée par les chrétiens depuis les premiers siècles — comme en témoignent les fresques des catacombes romaines — pour imiter le Christ les bras ouverts sur le bois de la croix. Et là, le Christ est l’orant et dans le même temps la prière! Dans le crucifié, nous reconnaissons le prêtre qui offre à Dieu le culte qu’il aime, c’est-à-dire l’obéissance filiale.
Dans le rite romain, les prières sont concises, mais riches de signification: on peut faire beaucoup de belles méditations sur ces prières! Si belles! En méditer à nouveau les textes, même en dehors de la Messe, peut nous aider à apprendre comment nous adresser à Dieu, que demander, quelles paroles utiliser. Puisse la liturgie devenir pour nous tous une véritable école de prière.
AUDIENCE GÉNÉRALE- Mercredi 14 février 2018
Chers frères et sœurs, bonjour!
Bonjour, même si ce n’est pas une très belle journée. Mais si l’âme est en joie, c’est toujours un bon jour. Alors, bonjour! Aujourd’hui, l’audience aura lieu dans deux endroits: un petit groupe de malades est dans la salle, à cause du temps, et nous nous sommes ici. Mais nous les voyons et ils nous voient sur écran géant. Saluons-les par un applaudissement.
Poursuivons la catéchèse sur la Messe. L’écoute des lectures bibliques, prolongée dans l’homélie, répond à quoi? Elle répond à un droit: le droit spirituel du peuple de Dieu à recevoir avec abondance le trésor de la Parole de Dieu (cf. Introduction au lectionnaire, n. 45). En allant à la Messe, chacun de nous a le droit de recevoir en abondance la Parole de Dieu bien lue, bien dite, puis bien expliquée dans l’homélie. C’est un droit! Et quand la Parole de Dieu n’est pas bien lue, qu’elle n’est pas prêchée avec ferveur par le diacre, par le prêtre ou par l’évêque, on contrevient au droit des fidèles. Nous avons le droit d’écouter la Parole de Dieu. Le Seigneur parle pour tous, pasteurs et fidèles. Il frappe au cœur de ceux qui participent à la Messe, chacun dans sa condition de vie, âge, situation. Le Seigneur console, appelle, suscite des germes de vie nouvelle et réconciliée. Et cela au moyen de sa Parole. Sa Parole frappe au cœur et change les cœurs!
C’est pourquoi, après l’homélie, un temps de silence permet d’enraciner dans l’âme la semence reçue, afin que naissent des intentions d’adhésion à ce que l’Esprit a suggéré à chacun. Le silence après l’homélie. Un beau silence doit se créer alors et chacun doit penser à ce qu’il a entendu.
Après ce silence, comment se poursuit la Messe? La réponse personnelle de foi s’insère dans la profession de foi de l’Eglise, exprimée dans le «Credo». Nous récitons tous le «Credo» lors de la Messe. Récité par toute l’assemblée, le Symbole manifeste la réponse commune à ce que l’on a écouté ensemble de la Parole de Dieu (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, nn. 185-197). Il existe un lien vital entre écoute et foi. Elles sont unies. En effet, celle-ci — la foi — ne naît pas de l’imagination d’esprits humains mais, comme le rappelle saint Paul, elle «naît de la prédication et la prédication se fait par la parole du Christ» (Rm 10, 17). La foi s’alimente donc par l’écoute et conduit au sacrement. Ainsi, la récitation du «Credo» fait que l’assemblée liturgique «se rappelle et professe les grands mystères de la foi avant que ne commence leur célébration dans l’Eucharistie» (Présentation générale du Missel romain, n. 67).
Le Symbole de foi lie l’Eucharistie au baptême, reçu «au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit», et nous rappelle que les sacrements sont compréhensibles à la lumière de la foi de l’Eglise.
La réponse à la Parole de Dieu accueillie avec foi s’exprime ensuite dans la supplication commune, appelée Prière universelle, parce qu’elle englobe les nécessités de l’Eglise et du monde (cf. PGMR, nn. 69-71; Introduction au lectionnaire, nn. 30-31). Elle est également appelée Prière des fidèles.
Les Pères de Vatican ii ont voulu rétablir cette prière après l’Evangile et l’homélie, en particulier le dimanche et les fêtes, afin qu’«avec la participation du peuple, on fasse des supplications pour la sainte Eglise, pour ceux qui détiennent l’autorité publique, pour ceux qui sont accablés par diverses détresses, et pour tous les hommes et le salut du monde entier» (Const. Sacrosanctum Concilium, n. 53; cf. 1 Tm 2, 1-2). C’est pourquoi, sous la direction du prêtre qui introduit et conclut, «le peuple [...] exerçant la fonction de son sacerdoce baptismal, présente à Dieu des prières pour le salut de tous» (PGMR, n. 69). Et après chaque intention, proposée par le diacre ou par un lecteur, l’assemblée unit sa voix en invoquant: «Seigneur, écoute-nous».
Rappelons-nous, en effet, de ce que nous a dit le Seigneur Jésus: «Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et vous l’aurez» (Jn 15, 7). «Mais nous ne croyons pas cela, car nous avons peu de foi». Mais si nous avions la foi — dit Jésus — comme le gré de sénevé, nous aurions tout reçu. «Demandez ce que vous voudrez, et vous l’aurez». Et en ce moment de la prière universelle après le Credo c’est le moment de demander au Seigneur les choses les plus fortes pendant la Messe, les choses dont nous avons besoin, ce que nous voulons. «Vous l’aurez»; d’une façon ou d’une autre, mais «vous l’aurez». «Tout est possible à celui qui croit», a dit le Seigneur. Qu’a répondu cet homme auquel le Seigneur s’est adressé pour dire cette parole — tout est possible à celui qui croit —? Il a dit: «Je crois Seigneur. Viens en aide à mon peu de foi». Nous aussi nous pouvons dire: «Seigneur, je crois. Viens en aide à mon peu de foi». Et nous devons faire cette prière avec cet esprit de foi: «Je crois Seigneur. Viens en aide à mon peu de foi». Les prétentions de logiques mondaines, en revanche, ne décollent pas vers le Ciel, tout comme les demandes auto-référentielles ne trouvent pas d’écoute (cf. Jc, 4, 2-3). Les intentions pour lesquelles le peuple est invité à prier doivent donner voix aux besoins concrets de la communauté ecclésiale et du monde, en évitant de recourir à des formules conventionnelles et myopes. La prière «universelle», qui conclut la liturgie de la Parole, nous exhorte à faire nôtre le regard de Dieu, qui prend soin de tous ses enfants.
AUDIENCE GÉNÉRALE- Mercredi 7 mars 2018
Chers frères et sœurs, bonjour!
Nous poursuivons les catéchèses sur la Messe et avec cette catéchèse, nous nous arrêtons sur la Prière eucharistique. Après le rite de la présentation du pain et du vin, commence la Prière eucharistique, qui qualifie la célébration de la Messe et en constitue le moment central, organisé autour de la sainte Communion. Cela correspond à ce que Jésus lui-même fit, à table avec les apôtres au cours de la Dernière Cène, alors qu’il «rendit grâce» sur le pain, puis sur la coupe du vin (cf. Mt 26, 27; Mc 14, 23; Lc, 22, 17.19; 1 Co 11, 24): son action de grâce revit dans chaque Eucharistie, en nous associant à son sacrifice de salut.
Et dans cette prière solennelle — la prière eucharistique est solennelle — l’Eglise exprime ce qu’elle accomplit quand elle célèbre l’Eucharistie et la raison pour laquelle elle la célèbre, c’est-à-dire faire la communion avec le Christ réellement présent dans le pain et le vin consacrés. Après avoir invité le peuple à élever son cœur au Seigneur et à lui rendre grâce, le prêtre prononce la prière à haute voix, au nom de toutes les personnes présentes, en s’adressant au Père au moyen de Jésus Christ dans l’Esprit Saint. «Le sens de cette prière est que toute l’assemblée des fidèles s’unisse au Christ dans la confession des hauts faits de Dieu et dans l’offrande du sacrifice (Présentation générale du Missel romain, n. 78). Et pour s’unir, il doit comprendre. C’est pourquoi, l’Eglise a voulu célébrer la Messe dans la langue que les gens comprennent, afin que chacun puisse s’unir à cette louange et à cette grande prière avec le prêtre. En vérité, «le sacrifice du Christ et le sacrifice de l’Eucharistie sont un unique sacrifice» (Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 1367).
Dans le Missel existent diverses formules de Prière eucharistique, toutes constituées par des éléments caractéristiques, que je voudrais rappeler (cf. PGMR, n. 79, CEC, n. 1352-1354). Elles sont toutes très belles. Avant tout, il y a la Préface,qui est une action de grâce pour les dons de Dieu, en particulier pour l’envoi de son Fils comme Sauveur. La Préface se conclut par l’acclamation du «Saint», normalement chantée. Il est beau de chanter le «Saint»: «Saint, Saint, Saint est le Seigneur». Il est beau de le chanter. Toute l’assemblée unit sa voix à celle des anges et des saints pour louer et glorifier Dieu.
Il y a ensuite l’invocation de l’Esprit afin que sa puissance consacre le pain et le vin. Nous invoquons l’Esprit afin qu’il vienne et que, dans le pain et le vin, il y ait Jésus. L’action de l’Esprit Saint et l’efficacité des paroles mêmes du Christ proférées par le prêtre, rendent réellement présents, sous les espèces du pain et du vin, son Corps et son Sang, son sacrifice offert sur la croix une fois pour toutes (cf. CEC, n. 1375). En cela, Jésus a été très clair. Nous avons entendu saint Paul, au début, rapporter les paroles de Jésus: «Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang». «Ceci est mon Sang, ceci est mon Corps». C’est Jésus lui-même qui a dit cela. Nous ne devons pas avoir d’étranges pensées. «Mais, comment se fait-il que...». C’est le Corps de Jésus; c’est tout! La foi: la foi nous vient en aide; avec un acte de foi, nous croyons que c’est le Corps et le Sang de Jésus. C’est le «mystère de la foi», comme nous disons après la consécration. Le prêtre dit: «Mystère de la foi» et nous répondons par une acclamation. En célébrant le mémorial de la mort et de la résurrection du Seigneur, dans l’attente de son retour glorieux, l’Eglise offre au Père le sacrifice qui réconcilie ciel et terre: elle offre le sacrifice pascal du Christ en s’offrant avec Lui et en demandant, en vertu de l’Esprit Saint, de devenir «dans le Christ un seul corps et un seul esprit» (Prière euch. III; cfr Sacrosanctum Concilium, 48; PGMR, n. 79f). L’Eglise veut nous unir au Christ et devenir un seul corps et un seul esprit avec le Seigneur. C’est la grâce et le fruit de la Communion sacramentelle: nous nous nourrissons du Corps du Christ pour devenir, nous qui en mangeons, son Corps vivant aujourd’hui dans le monde.
Le mystère de communion est celui-ci, l’Eglise s’unit à l’offrande du Christ et à son intercession et dans cette lumière, «dans les catacombes, l’Eglise est souvent représentée comme une femme en prière, les bras largement ouverts en attitude d’orante, l’Eglise orante, qui prie. Il est beau de penser que l’Eglise est orante, qu’elle prie. Il y a un passage dans le Livre des Actes des apôtres; quand Pierre était en prison, la communauté chrétienne dit qu’“elle priait sans cesse pour lui”. L’Eglise qui prie, l’Eglise orante. Et quand nous allons à la Messe, c’est pour faire cela: l’Eglise orante. Comme le Christ qui a étendu les bras sur la croix, par lui, avec lui et en lui, elle s’offre et intercède pour tous les hommes» (CEC, n. 1368).
La Prière eucharistique demande à Dieu de rassembler tous ses enfants dans la perfection de l’amour, en union avec le Pape et l’évêque, mentionnés par leur nom, signe que nous célébrons en communion avec l’Eglise universelle et avec l’Eglise particulière. La supplique, comme l’offrande, est présentée à Dieu pour tous les membres de l’Eglise, vivants et défunts, dans l’attente de la bienheureuse espérance de partager l’héritage éternel du ciel, avec la Vierge Marie. (cf. CEC, n. 1369-1371). Rien ni personne n’est oublié dans la Prière eucharistique, mais chaque chose est reconduite à Dieu, comme le rappelle la doxologie qui la conclut. Personne n’est oublié. Et si je connais des personnes, des parents, des amis, qui sont dans le besoin ou qui sont passés dans l’autre monde, je peux les mentionner à ce moment, intérieurement et en silence, ou demander par écrit que leur nom soit mentionné. «Père, combien dois-je payer pour que mon nom soit mentionné là?». «Rien, c’est compris? Rien! La Messe ne se paye pas. La Messe est le sacrifice du Christ, qui est gratuit. La rédemption est gratuite». Si tu veux faire une offrande tu peux, mais on ne paye pas. Il est important de comprendre cela.
Cette formule codifiée de prière, peut sans doute nous sembler un peu éloignée — c’est vrai, c’est une formule antique — mais si nous en comprenons bien la signification, alors assurément, nous participerons mieux. En effet, elle exprime tout ce que nous accomplissons dans la célébration eucharistique; en outre, elle nous enseigne à cultiver trois attitudes qui ne devraient jamais manquer aux disciples de Jésus. Les trois attitudes: d’abord, apprendre à «rendre grâce, toujours et en tout lieu», et pas seulement en certaines occasions, quand tout va bien; deuxièmement, faire de notre vie un don d’amour, libre et gratuit; troisièmement, construire la communion concrète, dans l’Eglise et avec tous. Donc, cette prière centrale de la Messe nous éduque, peu à peu, à faire de toute notre vie une «eucharistie», c’est-à-dire une action de grâce.
AUDIENCE GÉNÉRALE- Mercredi 14 mars 2018
Chers frères et sœurs, bonjour!
Nous poursuivons la catéchèse sur la Messe. Lors de la Dernière Cène, après que Jésus ait pris le pain et la coupe du vin, et qu’il eut rendu grâce à Dieu, nous savons qu’il «rompit le pain». C’est à cette action que correspond, dans la liturgie eucharistique de la Messe, la fraction du Pain, précédée par la prière que le Seigneur nous a enseignée, c’est-à-dire le «Notre Père».
C’est ainsi que commencent les rites de communion, en prolongeant la louange et la supplique de la Prière eucharistique par la récitation communautaire du «Notre Père». Ce n’est pas l’une des nombreuses prières chrétiennes, mais c’est la prière des enfants de Dieu: c’est la grande prière que Jésus nous a enseignée. En effet, nous étant remis le jour de notre baptême, le «Notre Père» fait retentir en nous les mêmes sentiments qui furent ceux de Jésus Christ. Quand nous prions avec le «Notre Père», nous prions comme Jésus priait. C’est la prière qu’a faite Jésus, et il nous l’a enseignée; quand les disciples lui ont dit: «Maître, enseigne-nous à prier comme tu pries». Et Jésus priait ainsi. Il est si beau de prier comme Jésus! Formés à son enseignement divin, nous osons nous adresser à Dieu en l’appelant «Père», parce que nous sommes renés comme ses enfants à travers l’eau et l’Esprit Saint (cf. Ep 1, 5). Personne, en vérité, ne pourrait l’appeler familièrement «Abbà» — «Père» — sans avoir été engendré par Dieu, sans l’inspiration de l’Esprit, comme l’enseigne saint Paul (cf. Rm 8, 15). Nous devons penser: personne ne peut l’appeler «Père» sans l’inspiration de l’Esprit. Combien de fois des gens récitent le «Notre Père», mais sans savoir ce qu’ils disent. Car en effet, c’est le Père, mais est-ce que tu sens que quand tu dis «Père», Il est le Père, ton Père, le Père de l’humanité, le Père de Jésus Christ? As-tu un rapport avec ce Père? Quand nous récitons le «Notre Père», nous nous mettons en liaison avec le Père qui nous aime, mais c’est l’Esprit qui nous met en liaison, qui nous donne ce sentiment d’être des enfants de Dieu.
Quelle meilleure prière que celle enseignée par Jésus peut nous disposer à la communion sacramentelle avec Lui? Outre que pendant la Messe, le «Notre Père» est récité, le matin et le soir, pendant les laudes et les vêpres; de cette manière, l’attitude filiale envers Dieu et de fraternité avec notre prochain contribue à donner une forme chrétienne à nos journées.
Dans la prière du Seigneur — dans le «Notre Père» — nous demandons notre «pain quotidien», dans lequel nous apercevons une référence particulière au Pain eucharistique, dont nous avons besoin pour vivre comme enfants de Dieu. Nous implorons aussi «le pardon de nos offenses», et pour être dignes de recevoir le pardon de Dieu, nous nous engageons à pardonner ceux qui nous ont offensés. Et cela n’est pas facile. Pardonner les personnes qui nous ont offensés n’est pas facile; c’est une grâce que nous devons demander: «Seigneur enseigne-moi à pardonner comme tu m’as pardonné». C’est une grâce. Nous ne pouvons pas le faire avec nos forces: pardonner est une grâce de l’Esprit Saint. Ainsi, alors qu’il ouvre notre cœur à Dieu, le «Notre Père» nous dispose aussi à l’amour fraternel. Enfin, nous demandons aussi à Dieu de «nous délivrer du mal» qui nous sépare de Lui et nous divise de nos frères. Comprenons bien que ce sont des requêtes très adaptées à nous préparer à la communion (cf. Présentation générale du Missel romain, n. 81).
En effet, ce que nous demandons dans le «Notre Père» est prolongé par la prière du prêtre qui, au nom de tous, supplie: «Délivre-nous, Seigneur, de tout mal et donne la paix à notre temps». Et elle reçoit ensuite une sorte de sceau dans le rite de la paix: en premier lieu, on invoque du Christ que le don de sa paix (cf. Jn 14, 27) — si différente de la paix du monde — fasse grandir l’Eglise dans l’unité et dans la paix, selon sa volonté; puis, à travers le geste concret échangé entre nous, nous exprimons «la communion dans l’Eglise ainsi que leur amour mutuel avant de communier au sacrement» (PGMR, n. 82). Dans le rite romain, l’échange du signe de paix, placé dès l’antiquité avant la communion, a pour objectif la communion eucharistique. Selon l’avertissement de saint Paul, il n’est pas possible de communier à l’unique Pain qui fait de nous un seul Corps dans le Christ, sans nous reconnaître pacifiés par l’amour fraternel (cf. 1 Co 10, 16-17; 11, 29). La paix du Christ ne peut pas s’enraciner dans un cœur incapable de vivre la fraternité et de la recomposer après l’avoir blessée. C’est le Seigneur qui donne la paix: Il nous donne la grâce de pardonner ceux qui nous ont offensés.
Le geste de la paix est suivi de la fraction du Pain, qui dès les temps apostoliques a donné nom à toute la célébration de l’Eucharistie (cf. PGMR, n. 83; Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 1329). Accompli par Jésus au cours de la Dernière Cène, rompre le Pain est le geste révélateur qui a permis aux disciples de le reconnaître après sa résurrection. Rappelons les disciples d’Emmaüs, qui, en parlant de la rencontre avec le Ressuscité, racontent «qu’ils l’avaient reconnu lors de la fraction du pain» (cf. Lc 24, 30-31.35).
La fraction du Pain eucharistique est accompagnée par l’invocation de l’«Agneau de Dieu», la figure avec laquelle Jean-Baptiste a indiqué en Jésus «celui qui enlève le péché du monde» (Jn 1, 29). L’image biblique de l’Agneau parle de la rédemption (cf. Ex 12, 1-14; Is 53, 7; 1 P 1, 19; Ap 7, 14). Dans le Pain eucharistique, rompu pour la vie du monde, l’assemblée en prière reconnaît le véritable Agneau de Dieu, c’est-à-dire le Christ Rédempteur, et elle le supplie: «Prends pitié de nous… Donne-nous la paix».
«Prends pitié de nous», «Donne-nous la paix» sont des invocations qui, de la prière du «Notre Père» à la fraction du Pain, nous aident à disposer notre âme à participer au banquet eucharistique, source de communion avec Dieu et avec nos frères.
N’oublions pas la grande prière: celle que Jésus a enseignée, et qui est la prière avec laquelle Il priait le Père. Et cette prière nous prépare à la communion.
AUDIENCE GÉNÉRALE- Mercredi 21 mars 2018
Chers frères et sœurs, bonjour !
C’est aujourd’hui le premier jour du printemps: bon printemps ! Mais qu’arrive-t-il au printemps ? Les plantes fleurissent, les arbres fleurissent. Je vais vous poser quelques questions. Un arbre ou une plante malades fleurissent-ils bien s’ils sont malades ? Non ! Un arbre, une plante qui ne sont pas arrosés par la pluie ou artificiellement, peuvent-ils bien fleurir ? Non. Et un arbre ou une plante qui a coupé ses racines ou qui n’a pas de racines, peut-il fleurir ? Non. Mais sans racines, peut-on fleurir ? Non! Et cela est un message: la vie chrétienne doit être une vie qui doit fleurir dans les œuvres de charité, en faisant le bien. Mais si tu n’as pas de racines, tu ne pourras pas fleurir, et qui est la racine? Jésus! Si tu n’es pas avec Jésus, là, dans la racine, tu ne fleuriras pas. Si tu n’arroses pas ta vie par la prière et les sacrements, aurez-vous des fleurs chrétiennes ? Non ! Parce que la prière et les sacrements arrosent les racines et notre vie fleurit. Je souhaite que ce printemps soit pour vous un printemps fleuri, de même que Pâques sera fleurie. Fleurie de bonnes œuvres, de vertus, de bien fait aux autres. Rappelez-vous cela, c’est un très beau dicton de mon pays : « Ce que l’arbre a de fleuri vient de ce qu’il a d’enterré ». Il ne faut jamais couper les racines avec Jésus.
Poursuivons à présent la catéchèse sur la Messe. La célébration de la Messe, dont nous parcourrons les divers moments, a pour objectif la communion sacramentelle, c’est-à-dire nous unir à Jésus. La communion sacramentelle : pas la communion spirituelle, que tu peux faire chez toi en disant: « Jésus je voudrais te recevoir spirituellement ». Non, la communion sacramentelle, avec le corps et le sang du Christ. Nous célébrons l’Eucharistie pour nous nourrir du Christ, qui se donne lui-même à nous dans la Parole et dans le sacrement de l’autel, pour nous configurer à Lui. Le Seigneur lui-même le dit : « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (Jn 6, 56). En effet, le geste de Jésus qui donna son Corps et son Sang à ses disciples lors de la dernière Cène, continue encore aujourd’hui à travers le ministère du prêtre et du diacre, ministres ordinaires de la distribution à leurs frères du Pain de la vie et de la Coupe du salut.
Pendant la Messe, après avoir rompu le Pain consacré, c’est-à-dire le Corps de Jésus, le prêtre le montre aux fidèles en les invitant à participer au banquet eucharistique. Nous connaissons les paroles qui retentissent du saint autel : « Heureux les invités au repas du Seigneur : Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Inspiré d’un passage de l’Apocalypse — « Heureux les gens invités au festin de noce de l'Agneau » (Ap 19, 9): il dit « noce » parce que Jésus est l’époux de l’Eglise — cette invitation nous appelle à faire l’expérience de l’union intime avec le Christ, source de joie et de sainteté. C’est une invitation qui réjouit et qui, dans le même temps, incite à un examen de conscience illuminé par la foi. Si d’une part, en effet, nous voyons la distance qui nous sépare de la sainteté du Christ, de l’autre, nous croyons que son Sang est « versé pour la rémission des péchés ». Nous sommes tous pardonnés dans le baptême, et nous sommes tous pardonnés ou serons pardonnés à chaque fois que nous nous approchons du sacrement de la pénitence. Et n’oubliez pas : Jésus pardonne toujours. Jésus ne se lasse pas de pardonner. C’est nous qui nous lassons de demander pardon. Précisément en pensant à la valeur salvifique de ce Sang, saint Ambroise s’exclame : « Moi qui pèche toujours, je dois toujours disposer du remède » (De sacramentis, 4, 28: PL 16, 446A). Avec cette foi, nous tournons nous aussi notre regard vers l’Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde et nous l’invoquons : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir; mais dis seulement une parole et je serai guéri ». Nous le disons lors de chaque Messe.
Bien que que nous nous déplacions en procession pour faire la communion, nous allons vers l’autel en procession pour faire la communion, c’est en réalité le Christ qui vient à notre rencontre pour nous assimiler à lui. Il y a une rencontre avec Jésus! Se nourrir de l’Eucharistie signifie se laisser transformer en ce que nous recevons. Saint Augustin nous aide à le comprendre, quand il raconte la lumière qu’il a reçue en entendant le Christ lui dire : « Je suis la nourriture des forts; grandis, et tu me mangeras. Mais tu ne me changeras pas en toi comme la nourriture de ta chair. C’est toi qui seras changé en moi » (Confessions VII, 10, 16: PL 32, 742). Chaque fois que nous faisons la communion, nous ressemblons davantage à Jésus, nous nous transformons davantage en Jésus. De même que le pain et le vin sont convertis en Corps et Sang du Seigneur, ceux qui les reçoivent avec foi sont transformés en Eucharistie vivante. Au prêtre qui te dit, en distribuant l’Eucharistie : « Le Corps du Christ », tu réponds: « Amen », c’est-à-dire que tu reconnais la grâce et l’engagement que comporte le fait de devenir le Corps du Christ. Car quand tu reçois l’Eucharistie, tu deviens le corps du Christ. Cela est beau; cela est très beau. Alors qu’elle nous unit au Christ, en nous arrachant à nos égoïsmes, la communion nous ouvre et nous unit à tous ceux qui sont un avec Lui. Voilà le prodige de la communion: nous devenons ce que nous recevons !
L’Eglise désire vivement que les fidèles reçoivent eux aussi le Corps du Seigneur avec des hosties consacrées pendant la Messe; et le signe du banquet eucharistique s’exprime avec une plus grande plénitude si la communion est faite sous les deux espèces, tout en sachant que l’Eglise catholique enseigne que, sous une seule espèce, on reçoit le Christ tout entier (cf. Présentation générale du Missel romain, n. 85; 281-282). Selon la pratique ecclésiale, le fidèle s’approche normalement de l’Eucharistie en procession, comme nous l’avons dit, et il communie debout, ou bien agenouillé, selon ce qui est établi par la conférence épiscopale, en recevant le sacrement dans la bouche ou bien, là où cela est autorisé, dans la main, comme il le préfère (cf. PGMR, 160-161). Après la communion, le silence, la prière silencieuse nous aide à conserver le don reçu dans notre cœur. Prolonger un peu ce moment de silence, en parlant avec Jésus dans notre cœur nous aide beaucoup, ainsi que chanter un psaume ou un hymne de louange (cf. PGMR, 88) qui nous aidera à demeurer avec le Seigneur.
La liturgie eucharistique est conclue par la prière après la communion. Dans celle-ci, au nom de tous, le prêtre s’adresse à Dieu pour lui rendre grâce d’avoir fait de nous ses convives et demander que ce que nous avons reçu transforme notre vie. L’Eucharistie nous rend forts pour donner des fruits de bonnes œuvres, pour vivre en chrétiens. La prière d’aujourd’hui est significative, quand nous demandons au Seigneur que « cette communion à tes mystères, Seigneur, nous procure la guérison que toi seul peut donner: qu’elle arrache de nos cœurs jusqu’aux racines du mal, qu’elle nous protège et nous fortifie à jamais. Par Jésus Christ Notre Seigneur » (Missel romain, Mercredi de la Ve semaine de carême). Approchons-nous de l’Eucharistie: recevoir Jésus qui nous transforme en Lui, nous rend plus forts. Le Seigneur est si bon et si grand !
AUDIENCE GÉNÉRALE- Mercredi 4 avril 2018
Chers frères et sœurs, bonjour et bonnes Pâques!
Vous voyez qu’aujourd’hui il y a des fleurs: les fleurs expriment la joie, la gaieté. Dans certains lieux, Pâques est appelée également la «Pâque fleurie», parce que le Christ ressuscité fleurit: c’est la fleur nouvelle; notre justification fleurit; la sainteté de l’Eglise fleurit. C’est pour cela qu’il y a beaucoup de fleurs: c’est notre joie. Toute la semaine, nous fêtons la Pâque, toute la semaine. C’est pourquoi nous échangeons tous, une fois de plus, les vœux de «Bonnes Pâques». Nous disons ensemble: «Bonnes Pâques», tous! [les fidèles répondent: «Bonnes Pâques!»]. Je voudrais également que nous souhaitions de bonnes Pâques — parce qu’il a été Evêque de Rome — au bien-aimé Pape Benoît, qui nous suit à la télévision. Au Pape Benoît, nous souhaitons tous de bonnes Pâques: [les fidèles disent: «Bonnes Pâques!»]. Et des applaudissements, forts.
Avec cette catéchèse, nous concluons le cycle consacré à la Messe, qui est précisément la commémoration, mais pas seulement comme mémoire, on vit à nouveau la Passion et la Résurrection de Jésus. La dernière fois, nous sommes arrivés à la communion et à la prière après la communion; après cette prière, la Messe se conclut par la bénédiction donnée par le prêtre et l’envoi du peuple (cf. Présentation générale du Missel romain, n. 90). De même qu’elle avait commencé avec le signe de la croix, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, c’est encore au nom de la Trinité que se conclut la Messe, c’est-à-dire l’action liturgique.
Toutefois, nous savons bien que si la Messe finit, l’engagement du témoignage chrétien commence. Les chrétiens ne vont pas à la Messe pour accomplir un devoir hebdomadaire et puis ils oublient, non. Les chrétiens vont à la Messe pour participer à la Passion et à la Résurrection du Seigneur, et pour vivre ensuite davantage en tant que chrétiens: l’engagement du témoignage chrétien commence. Nous sortons de l’église pour «aller en paix», apporter la bénédiction de Dieu dans les activités quotidiennes, dans nos maisons, sur les lieux de travail, parmi les occupations de la cité terrestre, «en glorifiant le Seigneur par notre vie». Mais si nous sortons de l’église en bavardant et en disant: «Regarde celui-ci, regarde celle-là...», avec la langue bien pendue, la Messe n’est pas entrée dans mon cœur. Pourquoi? Parce que je ne suis pas capable de vivre le témoignage chrétien. Chaque fois que je sors de la Messe, je dois sortir meilleur que je ne suis entré, avec plus de vie, avec plus de force, avec plus de volonté d’apporter un témoignage chrétien. A travers l’Eucharistie, le Seigneur Jésus entre en nous, dans notre cœur et dans notre chair, afin que nous puissions «exprimer dans la vie le sacrement reçu dans la foi» (Missel romain, Collecte du lundi de l’octave de Pâques).
De la célébration à la vie, donc, conscients que la Messe trouve son accomplissement dans les choix concrets de qui participe en première personne aux mystères du Christ. Nous ne devons pas oublier que nous célébrons l’Eucharistie pour apprendre à devenir des hommes et des femmes eucharistiques. Qu’est-ce que cela signifie? Cela signifie laisser agir le Christ dans nos œuvres: que ses pensées soient nos pensées, ses sentiments nos sentiments, ses choix nos choix. Et cela est la sainteté: faire comme a fait le Christ, c’est cela la sainteté chrétienne. C’est ce qu’exprime précisément saint Paul, en parlant de son assimilation à Jésus, et il dit: «Je suis crucifié avec le Christ; et ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi» (Ga 2, 19-20). Voilà le témoignage chrétien. L’expérience de Paul nous illumine également: dans la mesure où nous mortifions notre égoïsme, c’est-à-dire que nous faisons mourir ce qui s’oppose à l’Evangile et à l’amour de Jésus, se crée en nous un plus grand espace pour la puissance de son Esprit. Les chrétiens sont des hommes et des femmes qui laissent leur âme s’élargir par la force de l’Esprit Saint, après avoir reçu le Corps et le Sang du Christ. Laissez élargir votre âme! Pas ces âmes si étroites et fermées, petites, égoïstes, non! Des âmes larges, des âmes grandes, avec de grands horizons... Laissez élargir votre âme par la force de l’Esprit, après avoir reçu le Corps et le Sang du Christ.
Etant donné que la présence réelle du Christ dans le Pain consacré ne se termine pas avec la Messe (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 1374), l’Eucharistie est conservée dans le tabernacle pour la communion des malades et pour l’adoration silencieuse du Seigneur dans le Très Saint Sacrement; le culte eucharistique en dehors de la Messe, tant sous forme privée que communautaire, nous aide en effet à demeurer dans le Christ (cf. ibid., nn. 1378-1380).
Les fruits de la Messe sont donc destinés à mûrir dans la vie de chaque jour. Nous pouvons ainsi dire, en forçant un peu l’image: la Messe est comme le grain, le grain de blé qui croît ensuite dans la vie ordinaire, qui croît et mûrit dans les bonnes œuvres, dans les comportements qui nous font ressembler à Jésus. Les fruits de la Messe sont donc destinés à mûrir dans la vie de chaque jour. En vérité, en accroissant notre union au Christ, l’Eucharistie renouvelle la grâce que l’Esprit nous a donnée dans le baptême et dans la confirmation, afin que notre témoignage chrétien soit crédible (cf. ibid., nn. 1391-1392).
De plus, en allumant dans nos cœurs la charité divine, que fait l’Eucharistie? Elle nous sépare du péché: «Plus nous participons à la vie du Christ et plus nous progressons dans son amitié, plus il nous est difficile de rompre avec Lui par le péché mortel» (ibid., n. 1395).
Nous approcher régulièrement de la Table eucharistique renouvelle, fortifie et approfondit le lien avec la communauté chrétienne à laquelle nous appartenons, suivant le principe selon lequel l’Eucharistie fait l’Eglise (cf. ibid., n. 1396), elle nous unit tous.
Enfin, participer à l’Eucharistie engage à l’égard des autres, en particulier des pauvres, en nous éduquant à passer de la chair du Christ à la chair de nos frères, dans lesquels il attend d’être reconnu, servi, honoré et aimé par nous (cf. ibid., n. 1397).
En apportant le trésor de l’union avec le Christ dans des vases d’argile (cf. 2 Co 4, 7), nous avons constamment besoin de revenir au saint autel, jusqu’à ce que nous goûtions pleinement, au paradis, à la béatitude du banquet des noces de l’Agneau (cf. Ap 19, 9).
Rendons grâce au Seigneur pour le chemin de redécouverte de la Messe qu’il nous a donné d’accomplir ensemble, et laissons-nous attirer avec une foi renouvelée vers cette rencontre réelle avec Jésus, mort et ressuscité pour nous, notre contemporain. Et que notre vie soit toujours «fleurie» ainsi, comme Pâques, avec les fleurs de l’espérance, de la foi, des bonnes œuvres. Que nous trouvions toujours la force pour cela dans l’Eucharistie, dans l’union avec Jésus. Bonnes Pâques à tous!
EXHORTATION APOSTOLIQUE « GAUDETE ET EXSULTATE »
SUR L’APPEL À LA SAINTETÉ DANS LE MONDE ACTUEL
Voici quelques passages sur l’importance de la prière constante
147. Finalement, même si cela semble évident, souvenons-nous que la sainteté est faite d’une ouverture habituelle à la transcendance, qui s’exprime dans la prière et dans l’adoration. Le saint est une personne dotée d’un esprit de prière, qui a besoin de communiquer avec Dieu. C’est quelqu’un qui ne supporte pas d’être asphyxié dans l’immanence close de ce monde, et au milieu de ses efforts et de ses engagements, il soupire vers Dieu, il sort de lui-même dans la louange et élargit ses limites dans la contemplation du Seigneur. Je ne crois pas dans la sainteté sans prière, bien qu’il ne s’agisse pas nécessairement de longs moments ou de sentiments intenses.
148. Saint Jean de la Croix recommandait de « s’efforcer de vivre toujours en la présence de Dieu, soit réelle, soit imaginaire, soit unitive, selon que les actions commandées le permettent ». Au fond, c’est le désir de Dieu qui ne peut se lasser de se manifester de quelque manière dans notre vie quotidienne : « Efforcez-vous de vivre dans une oraison continuelle, sans l’abandonner au milieu des exercices corporels. Que vous mangiez, que vous buviez [...], que vous parliez, que vous traitiez avec les séculiers, ou que vous fassiez toute autre chose, entretenez constamment en vous le désir de Dieu, élevez vers lui vos affections ».
149. Cependant, pour que cela soit possible, il faut aussi quelques moments uniquement pour Dieu, dans la solitude avec lui. Pour sainte Thérèse d’Avila, la prière, c’est « un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé ». Je voudrais insister sur le fait que ce n’est pas seulement pour quelques privilégiés, mais pour tous, car « nous avons tous besoin de ce silence chargé de présence adorée ». La prière confiante est une réaction du cœur qui s’ouvre à Dieu face à face, où on fait taire tous les bruits pour écouter la voix suave du Seigneur qui résonne dans le silence.
150. Dans le silence, il est possible de discerner, à la lumière de l’Esprit, les chemins de sainteté que le Seigneur nous propose. Autrement, toutes nos décisions ne pourront être que des ‘‘décorations’’ qui, au lieu d’exalter l’Évangile dans nos vies, le recouvriront ou l’étoufferont. Pour tout disciple, il est indispensable d’être avec le Maître, de l’écouter, d’apprendre de lui, d’apprendre toujours. Si nous n’écoutons pas, toutes nos paroles ne seront que du bruit qui ne sert à rien.
151. Souvenons-nous que « c’est la contemplation du visage de Jésus mort et ressuscité qui recompose notre humanité, même celle qui est fragmentée par les vicissitudes de la vie, ou celle qui est marquée par le péché. Nous ne devons pas apprivoiser la puissance du visage du Christ ». J’ose donc te demander : Y a-t-il des moments où tu te mets en sa présence en silence, où tu restes avec lui sans hâte, et tu te laisses regarder par lui ? Est-ce que tu laisses son feu embraser ton cœur ? Si tu ne lui permets pas d’alimenter la chaleur de son amour et de sa tendresse, tu n’auras pas de feu, et ainsi comment pourras-tu enflammer le cœur des autres par ton témoignage et par tes paroles ? Et si devant le visage du Christ tu ne parviens pas à te laisser guérir et transformer, pénètre donc les entrailles du Seigneur, entre dans ses plaies, car c’est là que la miséricorde divine a son siège.
152. Mais je prie pour que nous ne considérions pas le silence priant comme une évasion niant le monde qui nous entoure. Le ‘‘pèlerin russe’’, qui marchait dans une prière continue, raconte que cette prière ne le séparait pas de la réalité extérieure : « Lorsqu’il m’arrivait de rencontrer des gens, ils me semblaient aussi aimables que s’ils avaient été de ma famille [...] Ce bonheur n’illuminait pas seulement l’intérieur de mon âme ; le monde extérieur aussi m’apparaissait sous un aspect ravissant ».
153. L’histoire ne disparaît pas non plus. La prière, précisément parce qu’elle s’alimente du don de Dieu qui se répand dans notre vie, devrait toujours faire mémoire. La mémoire des actions de Dieu se trouve à la base de l’expérience de l’alliance entre Dieu et son peuple. Puisque Dieu a voulu entrer dans l’histoire, la prière est tissée de souvenirs. Non seulement du souvenir de la Parole révélée, mais aussi de la vie personnelle, de la vie des autres, de ce que le Seigneur a fait dans son Église. C’est la mémoire reconnaissante dont parle également saint Ignace de Loyola dans sa ‘‘Contemplation pour parvenir à l’amour’’, quand il nous demande de ramener à la mémoire tous les bénéfices que nous avons reçus du Seigneur. Regarde ton histoire quand tu pries et tu y trouveras beaucoup de miséricorde. En même temps, cela alimentera ta conscience du fait que le Seigneur te garde dans sa mémoire et ne t’oublie jamais. Cela a donc un sens de lui demander d’éclairer encore les petits détails de ton existence, qui ne lui échappent pas.
154. La supplication est l’expression d’un cœur confiant en Dieu, qui sait que seul il est impuissant. Dans la vie du peuple fidèle de Dieu, nous trouvons beaucoup de supplications débordantes d’une tendresse croyante et d’une confiance profonde. N’ôtons pas de la valeur à la prière de demande, qui bien des fois donne de la sérénité à notre cœur et nous aide à continuer de lutter avec espérance. La supplication d’intercession a une valeur particulière, car c’est un acte de confiance en Dieu et en même temps une expression d’amour du prochain. Certains, par préjugés spiritualistes, croient que la prière devrait être une pure contemplation de Dieu, sans distractions, comme si les noms et les visages des frères étaient une perturbation à éviter. Au contraire, la réalité, c’est que la prière sera plus agréable à Dieu et plus sanctifiante si, à travers elle, par l’intercession, nous essayons de vivre le double commandement que Jésus nous a donné. L’intercession exprime l’engagement fraternel envers les autres quand grâce à elle nous sommes capables d’intégrer la vie des autres, leurs plus pressantes angoisses et leurs plus grands rêves. Recourant aux paroles bibliques, on peut dire de celui qui se dévoue généreusement à intercéder : « Celui-ci est l’ami de ses frères, qui prie beaucoup pour le peuple » (2 M 15, 14).
155. Si nous reconnaissons vraiment que Dieu existe, nous ne pouvons pas nous lasser de l’adorer, parfois dans un silence débordant d’admiration, ou de le chanter dans une louange festive. Nous exprimons ainsi ce que vivait le bienheureux Charles de Foucauld quand il disait : « Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour Lui ». Il y a aussi, dans la vie du peuple pèlerin, de nombreux gestes simples de pure adoration, comme par exemple lorsque « le regard du pèlerin se fixe sur une image qui symbolise la tendresse et la proximité de Dieu. L’amour s’arrête, contemple le mystère, le savoure dans le silence ».
156. La lecture priante de la Parole de Dieu, « plus douce que le miel » (Ps 119, 103) et « plus incisive qu’aucun glaive à deux tranchants » (He 4, 12) nous permet de nous arrêter pour écouter le Maître afin qu’il soit lampe sur nos pas, lumière sur notre route (cf. Ps 119, 105). Comme les Évêques de l’Inde l’ont bien rappelé : « La Parole de Dieu n’est pas seulement une dévotion parmi tant d’autres, certes belle mais optionnelle ; elle appartient au cœur et à l’identité même de la vie chrétienne. La Parole a en elle-même le pouvoir de transformer les vies ».
157. La rencontre avec Jésus dans les Écritures nous conduit à l’Eucharistie, où cette même Parole atteint son efficacité maximale, car elle est présence réelle de celui qui est la Parole vivante. Là, l’unique Absolu reçoit la plus grande adoration que puisse lui rendre cette terre, car c’est le Christ qui s’offre. Et quand nous le recevons dans la communion, nous renouvelons notre alliance avec lui et nous lui permettons de réaliser toujours davantage son œuvre de transformation.
162. La Parole de Dieu nous invite clairement à « résister aux manœuvres du diable » (Ep 6, 11) et à éteindre « tous les traits enflammés du Mauvais » (Ep 6, 16). Ce ne sont pas des paroles romantiques, car notre chemin vers la sainteté est aussi une lutte constante. Celui qui ne veut pas le reconnaître se trouvera exposé à l’échec ou à la médiocrité. Nous avons pour le combat les armes puissantes que le Seigneur nous donne : la foi qui s’exprime dans la prière, la méditation de la parole de Dieu, la célébration de la Messe, l’adoration eucharistique, la réconciliation sacramentelle, les œuvres de charité, la vie communautaire et l’engagement missionnaire.
Texte intégral (cliquez ici)
LA FAÇON DE PRIER DU PAPE FRANCOIS
Interview aux revues jésuites, août 2013, extraits
• Son naturel optimiste
«Je n'aime pas utiliser le mot “optimiste” parce qu'il décrit une attitude psychologique. Je préfère le mot “espérance”. (…) L'espérance chrétienne n'est pas un fantôme et elle ne trompe pas. C'est une vertu théologale et donc, finalement, un cadeau de Dieu qui ne peut pas se réduire à l'optimisme qui n'est qu'humain.»
• Sa façon de prier
«Je prie l'Office chaque matin. J'aime prier avec les psaumes. Je célèbre ensuite la messe. Et je prie le rosaire. Ce que je préfère vraiment, c'est l'Adoration du soir, même quand je suis distrait, que je pense à autre chose, voire quand je sommeille dans ma prière. Entre 7 et 8 heures du soir, je me tiens devant le saint sacrement pour une heure d'adoration. Mais je prie aussi mentalement quand j'attends chez le dentiste ou à d'autres moments de la journée. La prière est toujours pour moi une prière “mémorieuse” (memoriosa), pleine de mémoire, de souvenirs, la mémoire de mon histoire ou de ce que le Seigneur a fait dans son Église ou dans une paroisse particulière. (…) Je me demande: “Qu'ai-je fait pour le Christ? Qu'est-ce que je fais pour le Christ? Que dois-je faire pour le Christ?” (…) Par-dessus tout, je sais que le Seigneur se souvient de moi. Je peux L'oublier, mais je sais que Lui, jamais. Jamais Il ne m'oublie.»
• Sa vision de Dieu
«Mais le Dieu “concret”, pour ainsi dire, est aujourd'hui. C'est pourquoi les lamentations ne nous aideront jamais à trouver Dieu. Les lamentations qui dénoncent un monde “barbare” finissent par faire naître à l'intérieur de l'Église des désirs d'ordre entendu comme pure conservation ou réaction de défense. Non: Dieu se rencontre dans l'aujourd'hui.»
Méditation du Pape lors de la retraite sacerdotale à saint-Jean-de-Latran à Rome
vendredi 12 juin, fête du Sacré Coeur.
Si tu es là, devant le Saint-Sacrement et que tu dors, ne t’inquiète pas ! Laisse-toi regarder par Lui [le Seigneur, présent dans le Saint-Sacrement], mais vas-y, vas-y, devant ce tabernacle ! Ne le lâche pas ! Et si tu ne sais pas quoi Lui dire, si tu es fatigué, dis-Lui que tu es fatigué ; et si tu t’endors, demande-Lui de te regarder et que l’Esprit-Saint prie pour toi, là, dans ce dialogue qui est un dialogue d’amour, un dialogue silencieux, sans parole.