Brève Histoire de l’Adoration eucharistique

La Sainte Réserve

La Fête-Dieu

Les saluts au Saint-Sacrement

Les Quarante Heures

Le Sacré-Coeur de Jésus

L’Adoration Perpétuelle

Les Congrès Eucharistiques

Prodiges Eucharistiques


Saint Tarcisius

L’histoire du martyre de Saint Tarcisius, qui connaîtra un grand succès, repose uniquement sur une épitaphe en vers composée par le pape Damase pour la sépulture de Tarcisius dans les catacombes de Saint Calliste : “Tarcisius portait les sacrements du Christ. C’est alors qu’une troupe d’excités le pressa de les montrer aux impies. Il préféra donner sa vie plutôt que de montrer à ces chiens enragés les célestes membres”. Saint Tarcisius sera donné en exemple à la jeunesse catholique. L’Église le nommera “patron des enfants de chœur”. Cf Catéchèse de Benoit XVI sur le saint (cliquez ici).


La Sainte Réserve

Dès les premiers siècles, le pain consacré lors de la célébration eucharistique fut conservé pour que les mourants et les malades puissent communier, sans oublier d’autres fidèles qui n’avaient pu communier pendant la messe.

L’Eucharistie était gardée dignement dans la Sainte Réserve (un placard au début) en dehors de la messe. Le pain consacré pouvait aussi être emporté sur soi pour implorer la protection divine pendant un voyage.

L’Eucharistie partagée était enfin le signe de l’unité entre évêques : après avoir communié, un évêque envoyait l’autre partie du pain consacré à un autre évêque. Lorsque ce dernier communiait, il exprimait sa communion avec le premier évêque…

Dans les catacombes, “une lampe avec de l’huile véritable et pure” brillait en permanence devant le tabernacle comme dans le Temple du Seigneur dans la première alliance (cf Lv 24, 2-4). Cette lampe rappelle que le Christ est la vraie lumière des hommes. Le tabernacle est l’accomplissement de la présence de Dieu au milieu de son peuple comme la tente du Rendez-vous le préfigurait au temps de Moïse… (cf. Ex 33, 7-11, Ex 34, 33-35).

“Par l’approfondissement de la foi en la présence réelle du Christ dans son Eucharistie, l’Église a pris conscience du sens de l’adoration silencieuse du Seigneur présent sous les espèces eucharistiques.

Catéchisme de l’Église Catholique, n°1379

La piété des premiers fidèles leur avait inspiré d’orner magnifiquement et d’enrichir de décorations splendides les lieux qu’ils avaient consacrés au culte de l’Eucharistie : ces ornements étaient tous à l’intérieur, l’Église ne jouissant pas encore de la liberté de construire des édifices religieux en public. Le païen Lucien, au Ier siècle, se moquait de leur générosité :

J’ai traversé, disait-il, des portes de fer et des parvis d’airain ; après avoir gravi plusieurs escaliers, je suis arrivé dans une salle dont le plafond est d’or, tel que fut le palais de Ménélas, au dire d’Homère ; j’admirais, stupéfait, toutes ces merveilles, et en même temps je voyais des hommes prier le front prosterné dans la poussière.

In Philopatre, cité par Bona

Les diacres prendront les restes des Saintes Espèces et les mettront dans le tabernacle.

Constitutions apostoliques (vers 370)

On prit l’habitude de s’agenouiller en signe d’adoration devant le Tabernacle. Cette coutume de s’agenouiller vient du temps des Empereurs et des Rois devant lesquels on s’agenouillait en signe de respect : il convient à plus forte raison de s’agenouiller devant Dieu qui est plus grand que tout.

Au IIIème siècle apparaît des tabernacles en forme de colombe surélevée avec un jeu de poulie, puis mobiles et posés sur l’autel au XIIIème et fixes au XVème siècle.

Au IVème siècle, le synode de Verdun prescrit : “Que l’endroit où l’on garde le précieux dépôt de l’Eucharistie soit un lieu éminemment digne.”

Au Vème siècle, on note une évolution du mystère : le prêtre baisse la voix pendant la consécration pour donner plus de sens au mystère. Dans les églises orientales apparaît l’iconostase. C’est une cloison à trois portes décorée d’icônes, fermant le chœur où officie le prêtre à la consécration…

Dès le VIIème siècle, dans quelques églises, il existait des processions dans lesquelles on transportait le Saint-Sacrement enfermé dans un tabernacle. Ce n’était pas le Saint-Sacrement que l’on voulait honorer spécialement, mais Notre-Seigneur considéré dans quelqu’une des circonstances de sa vie terrestre. Par exemple, on portait le Saint-Sacrement en procession destinée à honorer l’entrée triomphale de Notre-Seigneur à Jérusalem, le jour des Rameaux.

Au moyen âge, le relâchement du pouvoir central de l’Église aux Xème et XIème siècles causa de sérieuses attaques contre la Présence réelle comme celle de Béranger de Tours qui réduisit l’Eucharistie à un simple signe… Il sera condamné par trois conciles. Les grands théologiens St Bonaventure, St Thomas d’Aquin réagissent et développent la théologie de la transsubstantiation.

Aux XIIIème et XIVème siècles, en réponse aux hérésies contre la présence réelle, au climat de tiédeur et à la rareté de la communion eucharistique, les fidèles demandèrent à voir le Corps du Christ. Ils voulaient fixer les yeux sur l’Hostie en guise de profession de foi bien concrète. Les paroissiens ont demandé que l’on élève l’Hostie. C’est à Paris, à Notre-Dame, que l’Hostie fut élevée pour la première fois. Les évêques encouragèrent alors les célébrants à lever l’Hostie après la Consécration. Plus tard les fidèles diront “Mon Seigneur et mon Dieu” pendant l’élévation.

Saint François d’Assise (1182-1226) passait des nuits entières devant le tabernacle en prière. La nuit, il priait ; le jour il reconstruisait les chapelles en l’honneur du divin hôte. Contemplant la grandeur de cet amour caché dans l’Eucharistie si souvent ignoré et méprisé, il disait : “L’amour n’est pas aimé”… “Admirable grandeur et stupéfiante bonté ! Ô humilité sublime ! Le maître de toutes choses, Dieu, Fils de Dieu, s’humilie à ce point que, pour notre salut, sous une modique parcelle de pain, il se cache.”

Des confréries du Saint-Sacrement s’organisent pour adorer le Saint-Sacrement tout en continuant leurs œuvres de miséricorde habituelles. La première confrérie est établie en Avignon en 1226. Celle-ci sera gratifiée d’un prodige eucharistique en 1433.

Des femmes “recluses” s’installent, à la demande de communautés paroissiales, dans des maisons tout contre les églises. On perce une ouverture dans le mur de l’église commun avec leur maison de sorte qu’elles puissent voir en permanence le Saint-Sacrement de chez elle à l’intérieur de l’église…

Voici des prodiges accomplis par St Antoine avec la mule (Cliquez ici).


La Fête-Dieu (Corpus Domini)

Julienne du mont Cornillon (1256), qui était en adoration devant le tabernacle, vit devant ses yeux, le globe de la lune se déplacer. La lune rayonnait d’une douce lumière mais une ligne noire et obscure déchirait l’astre de la nuit. Ce n’est que deux ans plus tard qu’elle eut la réponse à cette mystérieuse vision, alors qu’elle était en adoration devant le Saint-Sacrement :

Le globe de la lune représente l’Église militante et le cycle mystique de l’année chrétienne. La tache qui en défigure la beauté représente l’absence d’une fête principale que Dieu veut voir établir pour honorer le très saint Corps de Jésus-Christ, c’est à dire le Très-Saint-Sacrement de l’autel. Déjà, il est vrai, le Jeudi de la semaine sainte est consacré à la mémoire de l’institution de l’adorable sacrement ; mais en ce temps, d’autres mystères pleins de douleurs empêchent l’Église de fêter comme il convient ce Mystère de joie et d’amour. Il faut donc choisir une autre jour où, par une fête solennelle, l’univers entier célèbre dans le triomphe et les chants d’allégresse le Corps sacré de Jésus-Christ. Et voici les raisons de ce culte nouveau : il affermira la foi au Mystère eucharistique, qui devient chaque jour plus languissante et va encore diminuer dans les siècles suivants ; il fera connaître aux chrétiens fidèles la source de vie où ils doivent puiser des forces nouvelles pour faire de plus grands progrès dans la vertu ; enfin le but de cette fête est de réparer par des adorations profondes et des honneurs magnifiques les irrévérences et les injures qui attaquent sans cesse la Majesté divine dans le Sacrement.

Ainsi, le Seigneur dit à sœur Julienne qu’il manquait à l’Église une fête annuelle en l’honneur du Saint-Sacrement de l’autel. Malgré une vive persécution contre sœur Julienne et contre ceux qui souhaitaient que cette fête se répande, le diocèse de Liège l’institua ; puis l’Église universelle ajouta cette fête au calendrier liturgique par le pape Urbain IV (ami de Julienne) qui la rendit obligatoire pour l’Église entière en 1264. La décision du pape était confirmée par un prodige eucharistique à Orvietto en 1264.

La fête du Très-Saint-Sacrement, appelée dans le langage liturgique, la fête du Corps du Christ, et dans le langage populaire, la Fête-Dieu, est une fête dans laquelle l’Église rend les honneurs publics et solennels à Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la sainte Eucharistie.

La procession eucharistique et l’exposition solennelle de l’Hostie consacrée nous manifestent autrement ce que nous vivons dans chaque Eucharistie : la présence du Christ au milieu de son peuple. Et notre adoration personnelle ou communautaire est une manière parmi d’autres :

  1. de dire au Seigneur notre amour,
  2. de le remercier pour le don qu’il nous a fait de lui-même,
  3. de rendre à sa personne divine le même culte que ses contemporains lui rendait…
  4. C’est aussi un moyen pour les communautés chrétiennes qui ne peuvent pas célébrer fréquemment l’Eucharistie par manque de prêtres de célébrer la présence du Seigneur et de lui rendre grâce pour le don de son amour.
  5. Il en est de même pour les chrétiens qui ne peuvent pas communier à cause de leur situation personnelle (l’adoration eucharistique est une véritable communion spirituelle.)

Qu’en ce jour, les foules empressées du peuple fidèle, accourent dans les temples avec une nouvelle ferveur ; que le clergé et le peuple se lèvent pour faire éclater leur joie dans des cantiques de louanges ; que les cœurs et les désirs, les voix et les lèvres chantent des hymnes joyeux ; que la foi chante, que l’espérance bondisse, que la charité tressaille, que la dévotion applaudisse, que le chœur des prêtres jubile, que l’assemblée des vierges soit remplie de consolation ; que chacun vienne avec un cœur fervent, une volonté empressée, qu’il rende ses devoirs avec zèle, pour célébrer dignement la solennité d’un si grand jour, et puissent tous les enfants du Christ être enflammés d’une telle ardeur pour son service, qu’augmentant de jour en jour le trésor de leurs mérites, ils soient jugés dignes de recevoir comme leur récompense, au terme de leur course, Celui qui sur la croix se livra pour leur rédemption, et dans le Sacrement se donne à eux en nourriture.

Extrait de la Bulle d’Urbain IV pour l’institution de la Fête-Dieu dans l’Église universelle, 1264

Jean XXII, en 1318 ordonna de compléter la fête par une procession solennelle où le très Saint-Sacrement serait porté en triomphe. On fait une procession solennelle le jour de la Fête-Dieu pour sanctifier et bénir, par la présence de Jésus-Christ, les rues et les maisons de nos villes et de nos villages. Saint Thomas d’Aquin prépara la liturgie de cette fête.

Ces hymnes permirent aux fidèles une catéchèse simple et belle sur la Présence Réelle. Cet office contient “oculi omnium” “aux yeux de tous”, faisant penser à une ostension de l’Hostie où il est question des “yeux des fidèles” espérant recevoir de Dieu la nourriture de leurs âmes. Au moins trois monstrances eucharistiques datent du XIIIème siècle, mais elles auraient servi à l’exposition d’Hosties miraculeuses. Les fidèles étaient fort curieux de contempler à loisir les hosties privilégiées… Cette forme d’exposition fut en usage avant d’être rattaché à la Fête-Dieu. L’influence de sainte Gertrude d’Hefta, grande mystique allemande, contribua à l’exposition du Saint-Sacrement dans de nombreuses églises. On utilise des monstrances ou reliquaires, desquelles on enlève les reliques du saint et que l’on remplace par l’Hostie consacrée pour être contemplée et adorée…

Les processions du Saint-Sacrement s’inspirent de 1 Roi 8, lorsque Salomon fit transporter l’Arche au Temple. Dès 675, on fit une procession du Saint-Sacrement du Tabernacle. Ces processions du tabernacle étaient courantes et avaient lieu le dimanche ou pendant le Tridium au XIème siècle.

Quelle joie de semer des fleurs sous les pas du bon Dieu ! Mais avant de les y laisser tomber, je les lançais le plus haut que je pouvais et je n’étais jamais aussi heureuse qu’en voyant mes roses effeuillées toucher l’Ostensoir sacré.

Sainte Thérèse de Lisieux

Si quelqu’un dit que, dans le Saint-Sacrement de l’Eucharistie, le Christ, Fils de Dieu, ne doit pas être adoré d’un culte de latrie, même extérieur et que, en conséquence, il ne doit pas être vénéré par une célébration festive particulière, ni être porté solennellement en procession selon le rite et la coutume louables et universels de la Sainte Église, ni être proposé publiquement à l’adoration du peuple, ceux qui l’adorent étant des idolâtres : qu’il soit anathème…

Concile de Trente, XIII session, 11 oct 1551

Le culte eucharistique s’est développé de plus en plus depuis le XIVème siècle. À ce moment, l’Ostensoir apparaît en Allemagne et en France où l’hostie consacrée est exposée à l’adoration des fidèles. La pratique courante de l’exposition date de la période de l’instauration de la Fête-Dieu.

“Un nouveau printemps eucharistique” : Audience générale du Benoit XVI sur Sainte Julienne de Cornillon (17 novembre 2010) : cliquez ici.


Les saluts au Saint-Sacrement

Dès le XIVème siècle, on voit se multiplier les ostensoirs utilisés pour l’exposition et les processions… C’est progressivement que l’ostension de l’Hostie en dehors de la messe se développe hors du jour de la Fête-Dieu. En 1530 à Amiens, un document fournit la preuve que l’Exposition du Saint-Sacrement était régulièrement organisée…

L’exposition du Saint-Sacrement comme l’élévation furent vivement attaqués par les Réformateurs du XVIème siècle. Luther croit en la présence réelle, mais il rejette la permanence de présence réelle après la messe. Jean Calvin renie catégoriquement la présence réelle et la réduit à une présence spirituelle. Il écrivait: “Quelle idolâtrie y a-t-il au monde si ceste-la ne l’est d’adorer les dons au lieu du donateur.” Les guerres de religion provoquent quantité de profanations d’Hosties consacrées. Malgré cela, l’exposition allait connaître un éclatant triomphe au XVIIème siècle.

Dès le XVème siècle, on prit l’habitude de bénir la foule avec l’Ostensoir au moment des complies autour du chant à Marie : Salve Regina par le Salut (bénédiction) du Saint-Sacrement.

Mais les saluts du Saint-Sacrement n’apparaissent pas en France sous leur forme moderne avant le début du XVIIème siècle. Emblématiques du grand essor de la piété eucharistique qui fait suite au concile de Trente, ils rencontrent un succès et une diffusion considérable qui en font une des cérémonies les plus importantes de la vie religieuse des Français sous l’Ancien Régime. Desservis par le discrédit dont souffre la liturgie post-tridentine auprès des historiens, les saluts du Saint-Sacrement n’ont jamais fait l’objet d’études spécifiques. L’intérêt pour la cérémonie se borne à la question de ses origines médiévales, sujet abondamment traité à partir de la fin du XIXème siècle.

Parmi les œuvres qui se répandirent largement, à cette époque, il faut noter l’œuvre de l’Adoration nocturne. Elle commença en 1538 à Rome en l’église de la Minerve, à l’instigation de pères dominicains. Elle fut reconnue officiellement en 1592. Elle existe aujourd’hui encore dans plus de quarante pays. Le siège central est à Madrid. Paul VI encourageait l’œuvre de l’adoration nocturne en insistant sur le fait que « l’adoration nocturne correspond aux besoins spirituels de notre temps ». Les controverses de la Réforme au sujet de la présence réelle conduisirent les catholiques à développer ces célébrations liturgiques pour affirmer leur foi. Des fidèles s’associèrent alors pour organiser des temps de prière autour du Saint-Sacrement, (pendant « quarante heures » en réparation des péchés commis pendant le carnaval, par exemple) ou pour assurer l’adoration perpétuelle en se relayant, comme le font certaines congrégations religieuses.


Les Quarante-Heures

En 1527, à Milan Jean-Antoine Bellotti institua des Quarante Heures chaque trimestre. Mais c’est Saint Antoine Marie Zaccarie qui passe pour être le véritable fondateur de cette chaîne ininterrompue de prière, suivant les mots de Clément VII dans la Constitution étendant cette pratique au monde entier.

Pourquoi 40 Heures ? Le nombre 40 est cité presque cent fois dans la Bible. Le plus souvent, il symbolise une plénitude de vie ou une durée idéale. Mais alors que, pour nous, un nombre est le concept de base des mathématiques, pour les civilisations sémitiques, les nombres avaient surtout une valeur symbolique. Le nombre 40 désigne les années d’une génération. Ainsi le déluge se déroule dans une quadruple série de 40 jours (Gn 7). Moïse demeure pendant 40 jours et 40 nuits sur la montagne en présence de Dieu. Le temps du désert pour Israël fut de 40 ans : temps de la présence prévenante de Dieu mais surtout temps de l’épreuve. Jésus jeûne 40 jours et 40 nuits. L’Ascension a lieu 40 jours après la Résurrection…

Et que se passe-t-il pendant ces Quarante Heures ? Tout d’abord, ouverture de la cérémonie par une messe suivie d’une procession et de l’exposition du Saint-Sacrement pendant Quarante Heures, et son achèvement par une messe pour la paix. Cette pratique se répand avec beaucoup de force et de fruits. Elle allait être à l’origine de l’adoration perpétuelle.


Le Fête du Sacré-Coeur de Jésus

Sainte Marguerite-Marie-Alacoque (1648-1690) reçoit de Jésus des révélations privées. Il enseigne entre autre la pratique de l’Heure-Sainte chaque semaine dans la nuit du jeudi au vendredi en réparation des ingratitudes contre sa présence au Saint-Sacrement. Jésus demande aussi une fête en l’honneur de son Sacré-Cœur dans l’octave du Saint-Sacrement :

Voici ce Cœur qui a tant aimé les hommes qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour. Et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour. Mais ce qui m’est encore le plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. C’est pour cela que je te demande que le premier Vendredi d’après l’octave du Saint-Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Cœur, en communiant ce jour-là et en lui faisant réparation d’honneur par une amende honorable, pour réparer les indignités qu’il a reçues pendant le temps qu’il a été exposé sur les autels. Je te promets aussi que mon Cœur se dilatera pour répandre avec abondance les influences de son divin amour sur ceux qui lui rendront cet honneur et qui procureront qu’il lui soit rendu…

Autobiographies, sainte Marguerite-Marie Alacoque

Cette solennité est célébrée vendredi après le dimanche Corpus Domini ou la Fête-Dieu.


L’adoration Perpétuelle (7j/7, 24h/24)

Une œuvre du XVIIème siècle fit beaucoup de bruit : la « Compagnie du Saint-Sacrement ». Elle réunissait une élite de plus de 4 000 personnes. Molière s’y attaqua avec verve et sarcasme, appelant cette œuvre la «cabale des dévots» et n’y voyant qu’une reconquête obscurantiste. La réalité était bien différente. Cette œuvre est née d’une lumière particulière reçue par un laïc, le duc de Ventadour. Avec le Père Philippe d’Angoumois, le Père Suffren et le Père Condren, ils se mirent au travail à la fin de l’année 1629. Le nom de la confrérie s’imposa peu à peu : la Compagnie du Saint-Sacrement. Elleprit pour blason une figure de la sainte Hostie dans un soleil, et pour devise: «Loué soit le Très-Saint-Sacrement de l’autel ». Le but était clair : «honorer et faire honorer partout le Saint-Sacrement de l’autel et procurer en tout lieu et en tout temps qu’on Lui rende, par tous les moyens possibles, tout le culte, l’honneur et la révérence qui sont dus à sa divine Majesté ». La Fête-Dieu est la fête de la Compagnie. Corollaire direct de la vie profondément eucharistique de cette Compagnie : le service des plus pauvres. Les confrères pratiquent non seulement l’aumône individuelle mais montent différentes œuvres de charité qui rassemblent des sommes colossales pour différentes actions. On y retrouve notamment la construction d’hôpitaux et le financement des Missions étrangères. Cette Compagnie en pleine expansion, fut supprimée par le roi en 1660. Mais les fruits qu’elle a portés entre 1630 et 1660 furent nombreux et survécurent à sa suppression. La Compagnie du Saint-Sacrement influença de nombreux membres pour introduire dans leurs paroisses de nouvelles manifestations de piété envers Jésus.

Dès le XVIIè siècle, la pratique de l’adoration perpétuelle se répand dans certaines communautés religieuses comme Mère Mechtilde (Catherine de Bar), fondatrice des bénédictines du Saint-Sacrement. En 1837, Rome avalise l’adoration perpétuelle.

Saint Pierre-Julien Eymard fondera, à partir de cette intuition, les pères du Saint-Sacrement et les servantes du Saint-Sacrement le 26 mai 1864. Ces religieuses ont pour mission d’adorer par roulement, perpétuellement, le Saint-Sacrement exposé. Chaque sœur adore trois fois en 24 heures de telle façon que chaque religieuse ait vécu toutes les heures du jour en présence du Seigneur au cours de la semaine. Elles s’associent à Marie au Cénacle, non seulement à sa vie de retraite, de silence et d’adoration, mais aussi à ses services et son apostolat. La première supérieure et cofondatrice fut Mère Marguerite du Saint-Sacrement (Marguerite Guillot, 1815-1885). Avec Pierre-Julien Eymard, de nombreuses congrégations vont répandre le culte de la présence réelle, ainsi Marie Hébert de la Rousselière au Canada.

Au Sacré-Cœur de Paris, depuis 1885, le prière d’adoration perpétuelle, jour et nuit, a été la part la plus importante de la vie et des activités de ce sanctuaire mondialement connu. La basilique du Sacré-Cœur est un lieu de pèlerinage où les chapelains et les sœurs bénédictines du Sacré-Cœur accueillent les pèlerins, les fidèles adorateurs et tous ceux qui cherchent Dieu.

En 1908, le Pape Pie X rappela aux Pères du Saint-Sacrement, réunis en Chapitre général, le cœur de leur vocation comme l’avait voulue Saint Pierre-Julien Eymard.

Il est vivement recommandé que, dans es villes ou du moins dans les cités les plus importantes, l’évêque diocésain désigne une église pour l’adoration perpétuelle.

Redemptionis sacramentum, 2004

Aujourd’hui, plus de deux mille paroisses dans le monde ont institué l’adoration perpétuelle eucharistique jour et nuit. Chaque paroissien est invité à choisir une heure de la semaine pour la passer fidèlement en adoration du Saint-Sacrement. Toutes les heures du jour et de la nuit sont organisées de sorte qu’il y ait toujours au moins une personne devant notre Seigneur au Saint-Sacrement et la paroisse a ainsi établi de l’adoration perpétuelle, source de fécondité spirituelle…


Œuvres et Congrès Eucharistiques

Marie-Marthe-Émilie Tamisier (1834-1910) eut successivement comme pères spirituels saint Pierre-Julien Eymard et le bienheureux Antoine Chevrier. Ce n’est pas sans conséquences qu’une personne fréquente de tels saints ! Émilie baignait donc dans un climat profondément marqué par la dévotion eucharistique. Le 29 juin 1873, elle se trouvait à Paray-le-Monial dans la chapelle de la Visitation, là où sainte Marguerite-Marie avait eu les visions du Sacré-Cœur de Jésus. Soixante députés français – qui en représentaient en fait deux cents – entourés de milliers de fidèles, s’étaient donnés rendez-vous en ce lieu. Au pied du Saint-Sacrement exposé, ils se consacrèrent eux-mêmes, consacrèrent le Parlement et la France au Sacré-Cœur de Jésus. C’est à ce moment qu’Émilie Tamisier eut comme une vision : Dieu l’appelait à se vouer au « salut social par l’Eucharistie ». Ce fut d’ailleurs le titre d’une des premières brochures qu’elle publia…

Congrès eucharistique de Québec (juin 2008)

Nous ne craignons pas de l’affirmer, le culte de l’Exposition est le besoin de notre temps… Il est nécessaire pour sauver la société. La société se meurt, parce qu’elle n’a plus de centre de vérité et de charité. Plus de vie de famille : chacun s’isole, se concentre, veut se suffire. La dissolution est imminente. Mais la société renaîtra, pleine de vigueur, quand tous ses membres viendront se joindre autour de Notre Emmanuel. Les rapports d’esprit se réformeront tout naturellement, sous une vérité commune : les liens de l’amitié vraie et forte se renoueront sous l’action d’un même amour. » « Le grand mal du temps, c’est qu’on ne va pas à Jésus-Christ. On délaisse le seul fondement, la seule loi, la seule grâce de salut. » « Remonter à la source de la vie, à Jésus, et non pas seulement à Jésus de passage en Judée, ou à Jésus glorifié dans le Ciel, mais encore et surtout à Jésus dans l’Eucharistie. Il le faut faire sortir de sa retraite, pour qu’il se mette de nouveau à la tête de nos sociétés chrétiennes, qu’il dirigera, qu’il sauvera. Il faut Lui reconstruire un palais, un trône royal, une cour de fidèles serviteurs, une famille d’amis, un peuple d’adorateurs.

Saint Pierre-Julien Eymard

L’œuvre commença tout d’abord par un certain nombre de pèlerinages aux lieux de miracles eucharistiques. Des milliers de personnes y participèrent. Le premier pèlerinage au Saint-Sacrement eut lieu en 1874 à Avignon où, depuis plusieurs siècles le Saint-Sacrement était exposé jour et nuit. Ce fut ensuite le pèlerinage à l’Hostie miraculeuse de Faverney. Ces pèlerinages prirent peu à peu la forme de petits congrès avec des célébrations liturgiques et des conférences. Mgr Mermillod, tant préoccupé du renouveau de l’Église dans le domaine spirituel et social, lui suggéra l’idée d’un Congrès eucharistique universel qui pourrait servir à restaurer efficacement le règne social du Christ. Cette idée rejoignit le désir qui brûlait le cœur d’Émilie Tamisier de rallumer la flamme de l’Eucharistie pour embraser le monde de charité.

Que subsiste-t-il à présent de cette revendication, parfois teintée de nostalgies évidentes, d’un « règne du Cœur de Jésus » ? Au lieu du concept triomphal d’un « règne social de Jésus-Christ », aisément travesti en restauration théocratique, celui, plus recevable aujourd’hui, d’une « civilisation de l’amour », dont la semence sera discrètement, si elle doit jamais advenir, le Cœur, enfoui au cœur du monde, du Rédempteur de l’homme. Inauguré par Paul VI le 8 décembre 1975, ce thème prophétique imprègne en profondeur la pensée politique de son successeur ; et celui-ci ne manque aucune occasion d’inviter notre actuelle société permissive à transiter vers cette « civilisation de la vérité et de l’amour », qui, seule, pourra donner son véritable contenu à la liberté humaine.

Le premier Congrès eucharistique international fut organisé à Lille en juin 1881. Comme les Pères du Saint-Sacrement et les Pères assomptionnistes refusaient de se charger de l’organisation, ce furent des laïcs, dont M. Philibert Vrau, qui organisèrent en moins de deux mois ce premier congrès. Des milliers de personnes se rassemblèrent à cette occasion, venant de dix pays différents. Léon XIII fut sollicité pour accorder sa bénédiction au projet des Congrès eucharistiques, ce qu’il fit avec empressement. En 1878, il fit cette confidence à un proche : « Pour les œuvres eucharistiques, j’accorderai tout ».

En 1897, Léon XIII a déclaré Pascal Baylon Patron des Oeuvres eucharistiques.

Liste des congrès eucharistiques et histoire…

L’Église et le monde ont un grand besoin de culte eucharistique. Jésus nous attend dans ce sacrement d’amour. Ne mesurons pas notre temps pour aller le rencontrer dans l’adoration, dans la contemplation pleine de foi et prête à réparer les grandes fautes et les grands délits du monde. Que notre adoration ne cesse jamais…

Saint Jean-Paul II, ‘Dominicae Cenae’

Le mystère eucharistique – sacrifice, présence, banquet – n’admet ni réduction ni manipulation ; il doit être vécu dans son intégrité, que ce soit dans l’acte de la célébration ou dans l’intime échange avec Jésus que l’on vient de recevoir dans la communion, ou encore dans le temps de prière et d’adoration eucharistique en dehors de la Messe…

Saint Jean-Paul II, ‘Ecclesia de Eucharistia’