SAINT MANUEL GONZALES (1877 – 1940)

LE SAINT DES TABERNACLES ABANDONNES

Tous ces textes traduits de l’espagnol sont publiés dans le n° 113 du Brasier Eucharistique. Consultez le ou commandez le.

Le 16 octobre 2016, l’Eglise a élevé à la gloire des autels un évêque espagnol surnommé « le saint des tabernacles abandonnés ». La canonisation de saint Manuel Gonzales est un don précieux du Seigneur pour l’Eglise du 21ème siècle. Il fait partie des saints que nous serions en droit d’appeler saint du Saint Sacrement. Certes, tous les saints sont d’une manière ou d’une autre « eucharistiques », mais certains d’entre eux sont caractérisés par une dévotion plus particulière envers le Très Saint Sacrement. La vie et la mission de saint Manuel furent entièrement et explicitement eucharistiques.

L’évêque des tabernacles abandonnés était fier d’être un ambassadeur du Roi eucharistique dans le monde. Sa plus grande joie était de parler de l’amour de ce Souverain silencieux et ainsi d’amener des âmes à son Sacré-Cœur. Peut-être est-ce le saint qui, depuis le curé d’Ars, a parlé de manière la plus éloquente de la présence vivante du Christ au tabernacle.

  1. SA VIE EUCHARISTIQUE

Saint Manuel Gonzales est né à Séville le 25 février 1877. De parents très pieux, Manuel fut élevé dans une atmosphère profondément catholique. Sa vocation sacerdotale put se développer en toute sécurité. Un peu avant ses 10 ans, il rejoint le chœur d’enfants de la cathédrale de Séville, appelé « Los Seises ». Ce fameux chœur chantait avec grande révérence devant le très Saint Sacrement à l’occasion des grandes fêtes liturgiques, comme la Fête-Dieu ou l’Immaculée Conception. En rejoignant ce chœur, il put approfondir son amour pour l’Eucharistie et pour la Bienheureuse Vierge Marie. Il put très tôt apprendre que la dévotion à Marie est le chemin le plus sûr et le plus court vers l’union avec le Seigneur eucharistique.

A 10 ans, sans en avertir ses parents, il demande à entrer au petit séminaire de Séville. C’est seulement après avoir réussi les examens d’entrée qu’il leur annonce la bonne nouvelle ! Ils acceptèrent cette surprise comme étant la volonté de Dieu sur leur fils. Conscient des difficultés économiques de ses parents, il doit alors travailler pour financer ses études au séminaire. Il excelle dans toutes les matières et suscite l’admiration de ses professeurs. Il obtient par la suite un doctorat en théologie et un en droit canon. Le 21 septembre 1901, il est ordonné prêtre par le bienheureux cardinal Spinola.

En 1902, celui-ci l’envoie dans la paroisse de Palomares del Rio pour sa première mission. C’est dans cette ville que sa vie et son sacerdoce vont être profondément transformés par une grâce spéciale qui guidera et inspirera tous ses travaux eucharistiques. Le Père Manuel voyagea par bateau de Séville à Palomares del Rio. En arrivant près de la ville, il est accueilli par le sacristain qui le conduit vers sa paroisse à dos d’âne. Le Père Manuel est très excité et a de grandes attentes pour cette première mission. On lui a dit peu de choses sur cette paroisse. Il pense secrètement arriver dans une église pleine d’âmes prêtes à écouter ses sermons, à prier le rosaire avec ferveur avec lui, à organiser de belles processions dans la ville… Il s’imagine les foules venant à la messe dominicale et recevant avec dévotion la sainte communion.

Alors qu’ils sont en chemin, le jeune prêtre commence à questionner son compagnon de voyage. Habituellement, quand un nouveau prêtre arrive dans une nouvelle paroisse, les enfants viennent en nombre l’accueillir sur le parvis de l’église. Le prêtre demande si cette tradition a bien lieu dans cette paroisse. Voici la conversation qui va suivre :  

Dites-moi, est ce que cette ville compte beaucoup d’enfants ?

Oui, mais ils sont en ce moment aux champs. Et même s’ils étaient là, ils ne sont pas intéressés par l’Eglise. L’ancien curé, à cause de ses douleurs et des difficultés rencontrées ici n’y passe pas beaucoup de temps. Il réside dans une autre ville et ne vient ici que le dimanche. Il ne veut pas voir les enfants parce qu’ils sont trop bruyants, et en plus les parents ne viennent pas à l’église non plus.

Mais alors, qui vient à la messe dans cette ville ?

Seulement ceux qui se marient ou ceux qui baptisent leurs enfants. Monsieur Antonio et moi-même venons aussi, quand je ne dois pas être aux champs.

Est-ce qu’ils reçoivent la Sainte Communion ?

La Sainte Communion ? Parfois, les gens qui se marient communient.

Personne d’autre ?

Non, personne d’autre.

Et le prêtre, a-t-il des amis ici ? Au moins ses amis doivent venir à la messe, non ?

Des amis ? Le prêtre ne peut pas vraiment visiter les personnes ici. La politique est très présente dans cette ville.

Mais qu’est-ce que la politique a à voir avec le fait que le prêtre ait des amis ?

C’est très simple. Puisque nous avons beaucoup de partis politiques, si le prêtre rend visite à quelqu’un qui appartient à l’un des partis, cela veut dire que le prêtre soutient ce parti. Même à la messe et dans les sermons, nous avons de la politique. Donc le prêtre passe très peu de temps ici. Et quand il vient, il parle à très peu de personnes. Il termine ce qu’il doit faire au plus vite et repart immédiatement.

Saint Manuel ne trouva pas de mots et comprit que sa connaissance de la situation culturelle et religieuse de la région était gravement défectueuse. Le choc de cette conversation avec le sacristain n’est cependant pas la plus grande épreuve qu’il aura à affronter pendant cette journée. Il arrive finalement à l’église paroissiale de Palomares del Rio. Là, son cœur allait être transpercé par la terrible vérité qui l’attendait. Il découvrit une église très sale. Elle semblait abandonnée. Il se dirigea immédiatement vers le tabernacle et le trouva recouvert de poussières et de toiles d’araignées. Les habits liturgiques étaient troués et usés. De l’huile coulait de la lampe du sanctuaire et tombait à terre. En considérant l’état de la pauvre église, sa réaction première fut de fuir loin de cette ville sans se retourner. Mais il s’efforça de rester. En plein désarroi, il s’agenouilla devant le tabernacle pendant un long moment, essayant de trouver comment mener à bien une mission dans un tel endroit. C’est à ce moment précis que tout changea pour lui. Il y avait Quelqu’un qui le regardait, et ce Quelqu’un avait désespérément besoin d’un ami. Plus tard, il essaya de décrire l’expérience de ce qu’il perçut pendant ce moment de grâce :

« Ma foi regardait Jésus à travers la porte du tabernacle, si silencieux, si patient, si bon, posant son regard sur moi en retour… Son regard me disait tant, mais me demandait bien plus encore. C’était un regard dans lequel la tristesse de l’évangile se reflétait : la tristesse du « pas de place à l’hôtellerie », la tristesse du « est-ce que vous voulez partir vous aussi ? », la tristesse du pauvre Lazare mendiant les miettes de la table de l’homme riche, la tristesse de la trahison de Judas, du reniement de Pierre, du coup de lance du soldat, des crachats du prétoire, de l’abandon de tous. Toute cette tristesse était là dans le tabernacle, oppressant et écrasant le doux Cœur de Jésus et faisant couler des larmes amères de ses yeux. Bienheureuses larmes de ces yeux ! Le regard de Jésus dans ce tabernacle était l’un de ces regards qui transpercent l’âme et que l’on ne peut oublier. J’essayais de ne pas pleurer pour ne pas rendre Jésus plus triste encore. Son regard exprimait la douleur de quelqu’un qui aime mais qui ne trouve personne qui veut recevoir cet amour ».

« Pour moi, ce fut le point de départ pour entrevoir, comprendre et ressentir ce qui consumera la totalité de mon ministère sacerdotal. Cet après-midi-là, au pied du tabernacle, j’ai compris que mon sacerdoce consisterait en un travail que je n’avais jamais imaginé auparavant. Toutes les illusions sur le genre de prêtre que je serais disparurent. Je me retrouvais être un prêtre dans une ville qui n’aimait pas Jésus, et je devais l’aimer au nom de tous les habitants de cette ville. Je devais dédier mon sacerdoce à prendre soin de Jésus et aux besoins de sa vie au tabernacle, de le nourrir de mon amour, de le consoler par ma présence, de le divertir par mes conversations, de le défendre contre l’ingratitude et l’abandon, de lui donner le repos pour son Cœur par mes sacrifices, de le servir par mes pieds en l’emmenant partout où il était désiré, par mes mains en donnant des aumônes en son Nom, même à ceux qui ne l’aiment pas, et par ma bouche en parlant de Lui et en consolant les autres en son Nom, et en criant à ceux qui ne veulent pas l’entendre, jusqu’à ce que finalement ils l’écoutent et commencent à le suivre. Ce sera un beau sacerdoce ! »

Ce pauvre tabernacle abandonné lui en apprit beaucoup plus sur l’amour de Jésus que ses longues années d’études théologiques. La théologie a enseigné à son esprit brillant la science de la foi en Jésus-Christ, mais maintenant le tabernacle lui enseignait la science de l’amour de Jésus-Christ. C’est une science qui s’apprend plus par le cœur que par l’intelligence, une science qui est infusée directement par le Cœur eucharistique de Jésus et le Cœur immaculé de la Vierge Marie. Le manque de propreté de l’église était le signe qui rendait manifeste une absence totale de foi et d’amour en la présence vivante du Seigneur Jésus dans son Eucharistie. Mais au lieu de le décourager, cette crise spirituelle l’a motivé à mettre toute son énergie pour œuvrer à conduire les âmes à la fontaine de l’Amour dans le Saint Sacrement. Il explique :

« Qu’est-ce que ce Tabernacle m’a enseigné ? Je ne pense pas que notre religion pourrait avoir un stimulus plus puissant pour notre devoir de gratitude, un principe plus efficace pour aimer, ou une motivation plus forte pour l’action, que ce tabernacle abandonné. Peut-être qu’une foi faible peut se scandaliser de cela, mais une foi qui médite et un cœur qui cherche profondément découvrira dans ce tabernacle le Cœur de Jésus, qui demeure là accompagné seulement par les toiles d’araignées. Il reste là jour et nuit, année après année, sans jamais quitter le tabernacle. Il continue d’envoyer son soleil le matin, son eau pour étancher notre soif, son pain pour apaiser notre faim ainsi que sa force et sa vie pour tous ceux qui le traitent si durement ».

Cette expérience du tabernacle abandonné poussa le père Manuel à fonder l’Union pour la Réparation Eucharistique. Pendant les premières années de son ministère, il se dévouera à un travail pastoral zélé pour développer une foi profonde et un grand amour envers le Saint Sacrement. Plus tard, il sera envoyé à Huelva où il vivra onze ans et où il s’attachera à fonder des écoles et à donner des enseignements sur le Cœur eucharistique de Jésus. Il s’occupera aussi des vieillards et des classes populaires, en procurant de la nourriture aux enfants des familles les plus pauvres.

A la fin de l’année 1912, le père Manuel aura une audience privée avec le pape Pie X. Le saint pape lui montra un grand intérêt pour son œuvre et sa dévotion eucharistique lumineuse. Le 6 décembre 1915, le pape Benoit XV nomma le père Manuel évêque auxiliaire de Malaga. Il fêta sa nomination en invitant au banquet non pas les autorités, mais les enfants les plus pauvres de la ville. 3000 enfants vinrent au banquet puis l’accompagnèrent au palais épiscopal. En 1920, il devint évêque de Malaga. En 1931, au moment de la proclamation de la république, une révolte détruisit par le feu sa résidence. L’évêque dût s’exiler à Gibraltar puis rejoint en 1932 la ville de Madrid d’où il tentât de gouverner son diocèse. Il sera ensuite nommé évêque de Palencia par le pape Pie XI en 1935. Au cours de sa visite à Saragosse en 1932, il tomba gravement malade. Il fut de nouveau transféré à Madrid où il mourût le 4 janvier 1940. Avant de partir, il déclara :

« Je demande à être enterré près du tabernacle, pour que mes os après la mort, tout comme ma langue et ma plume pendant ma vie, puissent dire à ceux qui passent devant : Jésus est là, ne partez pas, ne le laissez pas abandonné ? Mère Immaculée, saint Jean, sainte Marie Madeleine, emmenez mon âme dans l’éternité, avec le Cœur de Jésus au Ciel ! »

Le 29 avril 2001, l’évêque Manuel fut béatifié par saint Jean Paul II. Un second miracle fut approuvé par le pape François le 3 mars 2016, permettant sa canonisation le 16 octobre de la même année.

  • SON MESSAGE POUR L’ÉGLISE

Saint Manuel fut un auteur prolifique. Dans ses écrits, il communique toujours son amour extraordinaire pour l’Eucharistie. Il offre une formation eucharistique pour les fidèles, surtout pour les catéchistes et les prêtres. Dans son travail pastoral, l’Eucharistie était toujours le point de départ de ses enseignements sur la spiritualité, sur la pédagogie catéchétique, et sur tous ses projets. Pour lui, la personne du Christ dans l’Eucharistie doit être la source, le centre et le sommet de l’évangélisation et de la catéchèse de l’Église. Il a expérimenté de manière très profonde la primauté du mystère eucharistique pour tous les aspects de sa vie personnelle. Bien qu’il ait vécu dans des temps très troublés pour l’Église d’Espagne, il était toujours capable de puiser l’espérance dans la présence réelle du Christ au Saint Sacrement. Il savait que tant qu’il y aurait des âmes généreuses désirant tenir compagnie au Christ dans l’adoration eucharistique, l’Église traverserait même les plus grandes épreuves.

Sa piété eucharistique contient de manière achevée les trois dimensions fondamentales du mystère eucharistique : le Saint Sacrifice de la messe, le don sacramentel de la Sainte Communion, et la présence réelle du Seigneur au Saint Sacrement. Il a enseigné sur ces trois dimensions et a pu bénéficier d’une plénitude de grâce prodiguée dans le mystère eucharistique. Mais c’est sur cette dernière dimension (la présence réelle du Christ dans le tabernacle) que l’évêque fonda le message de l’Adoration et de la Réparation. Cela constitue le point central de son enseignement. Son désir le plus cher était de répandre l’adoration eucharistique et une révérence amoureuse pour le tabernacle abandonné.

Extrait de l’homélie de saint Jean Paul II à l’occasion de la béatification de Manuel Gonzales :

« Le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : C’est le Seigneur (Jean 21,17). Dans l’évangile, nous avons entendu que les disciples reconnurent Jésus après avoir vu le miracle. Les autres le reconnaîtront plus tard. En nous présentant Jésus « qui est venu et a pris du pain et le leur donna » (Jean 21, 13), l’évangile nous montre quand et comment nous pouvons rencontrer le Christ ressuscité : dans l’Eucharistie. Là Jésus est vraiment présent sous les apparences du pain et du vin. Il serait bien triste, si après tant d’années, la présence aimante du Sauveur était toujours ignorée par l’humanité. Telle fut la grande passion du nouveau bienheureux Manuel Gonzales Garcia, évêque de Malaga et plus tard de Palencia. Son expérience devant un tabernacle abandonné à Palomares del Rio devait marquer sa vie entière. A partir de ce moment, il se dévoua à répandre la dévotion eucharistique, proclamant les paroles qu’il a par la suite choisi comme épitaphe : Jésus est ici, Il est là, ne l’abandonnez pas. Bienheureux Manuel Gonzales, fondateur des missionnaires eucharistiques de Nazareth, est un modèle de foi eucharistique dont l’exemple continue de parler à l’Eglise aujourd’hui ».

  • LES TABERNACLES ABANDONNÉS

A chaque fois qu’il écrivait sur l’Eucharistie, l’homme de Dieu encourageait une méditation attentive de ses paroles pour permettre à la vérité qu’ils contiennent de pénétrer le cœur. Il écrit : « j’aimerais que ces notes soient lues très lentement, pour que la tête puisse apprendre, que le cœur puisse être mû, et pour que la grâce de Dieu puisse agir. Après les avoir lu de cette manière, méditez-les en prière devant le tabernacle ».

Avec ses propres mots, il affirme que l’expérience des tabernacles abandonnés est celle qui le marqua le plus profondément : « comme je te remercie Jésus, car parmi toutes les impressions de ma vie, tu as voulu que le tabernacle abandonné soit l’impression la plus dominante, et presque la seule pour diriger ma vie. Comme je te remercie de m’avoir appelé à vivre cette expérience et à prêcher sur le tabernacle abandonné ».

Le saint était conscient que la foi eucharistique doit être nourrie par l’adoration quotidienne ; que cette adoration est ce qui nous permet de recevoir avec fruit la sainte communion. L’adoration eucharistique permet un contact spirituel avec la personne du Christ dans l’Hostie. Cela permet un contact personnel profond avec Lui quand Il vient à nous dans la sainte communion. C’est seulement si nous rencontrons le Christ comme personne vivante dans le tabernacle que nous serons en mesure de Le rencontrer comme personne vivante dans la sainte communion. Sans ce contact (par l’adoration), nous consommons le pain de vie, mais nous risquons de ne recevoir aucune force pour notre santé spirituelle :

« A cause de nos limites et de des faiblesses de notre condition, nous avons du mal à vivre de la foi, car il est difficile d’aller contre notre nature humaine. En dépit de nos communions fréquentes, nous avons tendance à être distraits, fatigués, tièdes et même coupés de toute communication d’avec celui que nous ne pouvons connaître et aimer, dans cette vie présente, sans la foi et l’abnégation. Seuls ceux qui marcheront sur ce chemin de la foi et du renoncement pourront donner au Cœur de Jésus la compagnie qu’il désire, et seuls ceux-là recevront de Lui tous les fruits que l’on peut espérer retirer de la sainte communion et de notre union avec Lui. D’un autre côté, si rien de tout cela n’est présent, et si au lieu d’une foi vivante il y a un manque de foi, ou une ignorance du catéchisme, et si au lieu du renoncement à soi il y a l’orgueil, la dureté de cœur ou des cœurs centrés sur eux-mêmes, on aura beau manger la plus saine des nourritures, on ne sera pas surpris de constater aucun accroissement de santé et de force ».

La foi vivante et le renoncement à soi s’expriment par les visites fréquentes au Saint Sacrement. Il n’y a pas de plus grande pénitence que de renoncer à toutes nos activités pour donner du temps à l’adoration eucharistique. Un tabernacle abandonné est un signe que la foi vive est absente de la paroisse. Nous pouvons être certains du peu de fruits reçus par la sainte communion. Plus un tabernacle est abandonné, plus une paroisse est malade spirituellement. L’amour du Seigneur eucharistique est le signe authentique de la foi de la communauté chrétienne et de sa bonne santé spirituelle.

Qu’est-ce qu’un tabernacle abandonné ?

Saint manuel nous fournit ici une explication de ce qu’il entend par l’expression « tabernacle abandonné » :

« Les évangélistes sont ceux qui m’ont appris le mot « abandon ». J’ai décidé d’utiliser cette expression non pas pour parler de la haine, de l’envie ou de la persécution de la part des ennemis de Jésus, mais plutôt pour parler de la déloyauté, de la froideur, de l’ingratitude, de l’indélicatesse, de la lâcheté que Jésus expérimente de la part de ses amis. Le fait de le laisser au moment où ils auraient dû être avec lui, le fait de ne pas le combler de leur présence et de leur loyauté inconditionnelle quand il en avait le plus besoin, c’est ce que les évangélistes appellent l’abandon : « Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous » (Marc 14, 50).

Il y a deux manières par lesquelles le tabernacle est abandonné. La première est extérieure : l’absence volontaire et habituelle des catholiques qui connaissent Jésus et ne lui rendent pas visite. Je ne parle pas des incroyants ou des irréligieux ou des catholiques non catéchisés, de qui le Seigneur Jésus au Saint Sacrement se sent persécuté, haï, calomnié plutôt qu’abandonné. Je parle des catholiques qui croient et savent que Notre-Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme est réellement présent et vivant au Saint Sacrement. Mais ils ne le reçoivent pas dans la sainte communion, ne lui rendent pas visite et n’ont pas de relation amicale avec Lui, même s’ils vivent à proximité d’une église et ont du temps et de l’énergie pour des activités récréatives.

La deuxième est intérieure : c’est aller à Lui mais sans être réellement avec Lui. C’est le recevoir avec le corps mais pas avec le cœur. C’est aller à Lui en disant des paroles, en inclinant la tête, en s’agenouillant, mais sans y mettre le cœur. C’est lorsque nous ne méditons pas sur ce que l’on reçoit, ou quand nous ne nous préparons pas à le recevoir avec un cœur pur et une grand faim spirituelle. C’est quand nous ne goutons pas et ne remercions pas pour la Nourriture que nous avons reçue, quand nous ne parlons pas ou n’écoutons pas l’Hôte qui nous rend visite. C’est lorsque nous ne sommes pas enclins à recevoir et garder les grâces qu’il nous apporte, les avertissements qu’il nous donne, l’exemple à imiter, les désirs qu’il nous révèle, l’amour qu’il nous partage. Combien de fois le Maître devra répéter à certains communiants et visiteurs du Saint Sacrement : « ce peuple m’honore des lèvres, mais leur cœur est loin de moi » (Mt 15, 7).

Qu’il est douloureux pour une personne d’être ignorée ! Si quelqu’un entre dans sa maison chaque jour sans même remarquer la présence d’un autre membre de la famille, ou si une personne âgée est laissée seule dans une maison de retraite et que personne ne vient lui rendre visite, nous reconnaissons immédiatement l’injustice d’une telle situation. Nous y voyons le manque extrême d’amour des membres de la famille qui ne se donnent pas la peine de prendre du temps pour montrer leur amour à la personne en question. Eh bien, Jésus qui est personnellement présent au tabernacle et dans la sainte communion est très souvent ignoré et traité avec la même négligence par les siens aujourd’hui. Saint Manuel explique :

« Jésus, seul, abandonné dans le cœur de ses amis ! Jésus visite les âmes et les vies dans les maisons de ses amis (par la sainte communion), sans être compris ou écouté ou aidé ou sans qu’on lui demande son avis ! Cet abandon intérieur est répété dans des proportions alarmantes ! »

Tout comme la visite au Saint Sacrement, il est de la plus grande importance d’être attentif au Christ lorsqu’il vient à nous par la sainte communion. La pratique de passer du temps en silence après la messe est un moyen essentiel d’exprimer notre gratitude pour le don sublime que nous recevons dans l’Eucharistie. C’est également le seul moyen réel de communiquer intérieurement avec l’Hôte divin qui reste présent en nous de manière corporelle au moins quinze minutes après la sainte communion. Pendant ce temps, nous sommes réellement des tabernacles vivants, et nous devons faire attention à ne pas devenir des tabernacles abandonnés : avec Jésus réellement présent en nous et nos esprits complètement ailleurs !

Les effets de l’abandon

Jésus reste en permanence avec nous dans l’Eucharistie où il désire déverser ses grâces continuellement. Cependant, saint Manuel était bien conscient que pour bénéficier de ces grâces, nous devons l’adorer au Saint Sacrement. Aujourd’hui, le Christ est toujours présent dans nos églises. Il n’y a pas de défaut dans sa puissance divine. Toutefois, il déverse généreusement sa puissance d’amour quand les âmes viennent à Lui, en se tenant à ses pieds, et désirent ses bienfaits :

« Si l’Eucharistie est le miracle de la présence perpétuelle de Jésus avec nous, l’abandon des tabernacles est la frustration pratique de ce miracle, et par là même de la finalité miséricordieuse et sainte de cette même présence. L’abandon de l’Eucharistie empêche Jésus, à cause de sa déception si grande et si amère, et prive ainsi les âmes et les sociétés de recevoir les flots des grâces célestes ».

Beaucoup d’âmes affirment leur foi en la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie, mais elles n’agissent pas vraiment comme s’Il était réellement présent au tabernacle. Elles n’ont aucun contact personnel avec Lui. En dépit de leur foi eucharistique, elles traitent Notre Seigneur comme un objet mort. A ce propos, saint Manuel écrit :

« L’abandon est le mal de ceux qui savent que Jésus a des yeux mais ne lui permettent pas de les regarder. Ils savent qu’Il a des oreilles, mais ne Lui parlent pas. Ils savent que Jésus a des mains, et ils ne vont pas à Lui pour recevoir ses dons. Ils savent qu’Il a un Cœur qui brûle d’amour pour eux, mais ils ne l’aiment pas et n’essaient pas de Lui plaire. Cet abandon intérieur blesse le Cœur de Jésus, et lui cause une grande amertume. C’est l’amertume d’un espoir anéanti, une demande d’aide éconduite. Cet abandon est révélateur d’un vrai manque d’amour. Oh injuste manque d’amour, tu ressembles plus à de la haine ! Et si c’est ce que tu es pour lui, que seras tu pour les âmes ? »

  • COMMENT ADORER

De nouveau, saint Manuel insiste sur le fait que la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie n’est pas une présence statique mais au contraire vivante et personnelle. Une telle présence nous oblige à une grande attention :

« Jésus dans nos tabernacles n’est pas simplement présent à la manière d’une statue, mais bien comme une personne réelle et vivante. Ainsi, nous sommes appelés à Lui répondre, non pas simplement par notre présence physique, comme si nous étions une bougie ou un objet de décoration. Au contraire, nous devrions chercher à être présent devant Lui avec nos facultés rationnelles et notre être tout entier. En fait, il faudrait une double présence : corporelle et spirituelle. Mais allons plus loin…

Si Jésus est présent dans nos tabernacles avec ses yeux qui me regardent, alors il faut que, lorsque je suis devant Lui, je regarde l’hostie sainte avec mes yeux de chair et avec les yeux de mon âme, c’est-à-dire regarder à l’intérieur de l’Hostie. Si Jésus est au tabernacle avec ses oreilles toujours prêtes à m’écouter, alors il faut que j’aille devant Lui pour l’écouter avec toute mon attention et avec un grand désir de lui parler. Si Jésus est présent au tabernacle avec ses mains pleines de dons pour les nécessiteux qui viennent demander ces dons, alors il faut que j’aille devant Lui avec ma pauvreté pleinement exposée, dans une grande confiance.

En d’autres termes, si Jésus est présent au tabernacle pour prolonger, étendre et perpétuer son incarnation et sa rédemption, le moins que je puisse faire est de Lui présenter toute mon âme avec toutes ses facultés, et tout mon corps avec ses sens, pour qu’ils puissent recevoir et être remplis des sentiments, des idées et des affections de Jésus notre Rédempteur incarné ».

La compagnie de compassion

Saint Manuel soutenait que l’adoration eucharistique apporte une grande consolation au Sacré-Cœur de Jésus. Venir adorer, c’est se mettre en présence d’un ami ; c’est donner du temps à son Ami plein de douleurs au tabernacle. Voilà pourquoi Manuel a organisé des associations et des groupes de prière en vue de la Réparation en présence du Saint Sacrement. Même lorsqu’il travailla dans une maison pour vieillards, il en a convaincu beaucoup de passer de longues heures avec Jésus. Pour lui, l’adoration consistait à tenir une « compagnie de compassion » au Seigneur. La compassion unit deux personnes et elles ne font plus qu’un. Il écrit :

« C’est la compagnie de compassion, celle qui existe entre Jésus et moi et qui implique une communication, un échange de regards et de mots, de besoins et d’affections. C’est lui qui me fait voir, parler, écouter, demander, recevoir, avoir confiance, ressentir et aimer comme Lui et avec Lui. Oh âme, toi qui crois d’une foi vive en la réelle présence de Jésus dans l’Eucharistie, peux-tu comprendre l’immensité de l’amour que le Cœur de Jésus pourrait recevoir au tabernacle, et la douceur, l’assurance et la paix qui t’inonderait si ton cœur battait à l’unisson du Cœur de Jésus au Saint Sacrement ? Deux cœurs qui battent au même rythme n’en forment qu’un. C’est le travail de la compassion parfaite ».

« Faire confiance, c’est croire fermement que Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme est vraiment présent au tabernacle, avec la même puissance qu’Il a au Ciel, avec le Cœur même qui a consolé et guéri tant de douleurs et de misères pendant sa vie terrestre. Nous devons croire que dans ce tabernacle, ni sa puissance ni son Cœur sont inactifs. Nous devons réaliser que tout le zèle et l’intérêt que nous avons pour le succès des bonnes œuvres, le Cœur vivant, réel et puissant du Seigneur au tabernacle est encore plus intéressé par cela ! Il aime sa gloire et notre salut infiniment plus que nous ! »

  • Pourquoi Jésus veut que nous recevions la sainte communion

Saint Manuel nous explique les effets que Jésus désirait lorsqu’il a institué la Très Sainte Eucharistie :

« Pourquoi Jésus a-t-il voulu que nous recevions la sainte Communion ? L’a-t-il voulu comme un cadeau seulement ? Comme un ornement pour les âmes saintes, à la manière dont on donne des bonbons aux enfants sages ? Ou pour rendre aisé l’acquisition de telle ou telle vertu, pour atteindre un degré de ferveur plus intense ? Ou encore, pour qu’Il puisse ainsi être l’invité de nos demeures, l’ami de notre pèlerinage ? En fait, bien plus que tout cela ! Jésus désire être reçu dans la sainte Communion pour une finalité bien plus nécessaire et absolue. Cette finalité est révélée dans l’évangile de Jean : « ma chair est une vraie nourriture ». Le but est donc de nourrir la vie spirituelle de l’homme avec sa chair vivante et de transformer (doucement et graduellement) la totalité de l’homme en Lui ».

Jésus nous a donné la nourriture mystique afin de nous nourrir de son Etre même et pour revivre sa propre vie sainte en nous. Le Christ a vécu les saints mystères de sa vie mortelle de manière parfaite il y a 2000 ans. Maintenant, il continue à vivre ces mêmes mystères ainsi que ses vertus de manière mystique dans les vies des fidèles par la puissance de la sainte communion. Le saint nous explique les effets de cette sainte nourriture :

« Par sa propre puissance, et si nous n’y mettons pas d’obstacles volontairement, la sainte Communion nous unit à Dieu par assimilation, nous permettant de vivre la propre vie du Christ, non seulement comme homme mais aussi comme Dieu. Grâce à cette union intime et cette ressemblance de vie, la sainte Communion, par sa propre puissance et par l’intention de son Auteur divin, ne cesse pas d’agir sur le communiant jusqu’à ce qu’il devienne un véritable enfant de Dieu, un frère parfait de Jésus, un participant et un héritier de tous ses biens et mérites. En un mot : un autre Jésus ».

Le plus grand acte de gratitude que nous pouvons donner à Jésus pour le don de la sainte communion chaque jour est de nous efforcer de lui ressembler pendant la journée. Bien que par nous-mêmes nous ne pouvons pas imiter ses vertus, par la puissance de l’Eucharistie, nous le pouvons vraiment. Nous pouvons même imiter sa présence au tabernacle où il est silencieusement disponible pour tous, lui qui ne se plaint pas malgré la manière dont il est traité :

« Mon action de grâce pour la sainte Communion d’aujourd’hui : faire le plus de bien en suivant le chemin de l’obéissance, garder la paix d’une bonne conscience, demeurer dans le plus grand silence au sujet de mes désirs, et attendre le regard de Jésus comme mon unique récompense. C’est cela imiter l’hostie silencieuse du tabernacle, et c’est la meilleure action de grâce pour l’avoir reçu dans la sainte Communion ».

  • L’ADORATION ET L’ÉVANGILE

Notre saint eucharistique était convaincu que pour bien adorer la Sainte Hostie et entrer en dialogue avec le Christ, il faudrait toujours méditer le saint Evangile. C’est une erreur de séparer le Christ du tabernacle du Christ des évangiles. Il n’y a qu’un seul Christ. Dans les méditations qui suivent, saint Manuel nous enseigne comment utiliser les évangiles pour faire la lumière sur l’activité de Jésus au Saint Sacrement. Il nous donne aussi un aperçu de sa propre vie intérieure et de ses conversations mystiques avec le Seigneur, la cause de sa joie. Certains pourront au départ être surpris par le langage utilisé pour décrire la présence réelle. Mais saint Manuel essayait de nous éveiller tous au fait que le Seigneur eucharistique est vivant et tout puissant dans son tabernacle. Si nous ne sommes pas pleinement conscients de cette vérité, essayons de découvrir le très grand bonheur de connaître la vie de Jésus au Saint Sacrement. L’apôtre des tabernacles abandonnés nous guide à une telle découverte lumineuse. Nous citerons ici ses propres mots abondamment.

« Que fait et que dit Jésus au tabernacle » ?

« Pourquoi ces pages ? Pour proposer un voyage au pays des divines surprises. En dépit de la beauté de ce pays, le chemin qui y conduit est très rarement pris et ses visiteurs sont peu nombreux ! Connaissez-vous ce pays ? C’est l’intérieur du tabernacle. Un lieu de délices et de merveilles ! C’est le tabernacle goûté, vu et entendu de l’intérieur ! »

« Jésus au tabernacle n’est pas silencieux ou inactif malgré les apparences »

« Et la puissance du Seigneur se manifestait par des guérisons » (Lc 5, 17). « Ici nous avons affaire à une question qui laisse perplexe de nombreux chrétiens et sans doute aussi quelques âmes pieuses. Que fait Jésus, et que dit-il ? Avons-nous déjà considéré le fait qu’il y a Quelqu’un qui parle et travaille avec une puissance cachée dans le tabernacle ?

Pour de nombreux chrétiens, l’idée qu’ils se font du tabernacle est celle-ci : un endroit qui doit être grandement respecté parce qu’y demeure le Seigneur, majestueux et tout puissant, mais sans mouvement et silencieux. Ce n’est pas qu’ils ne croient pas qu’Il soit présent au tabernacle comme il est présent au ciel. Ils croient assurément qu’Il est présent, corps, âme et divinité, et donc avec les yeux qui voient, les oreilles qui entendent, les mains qui bougent et la bouche qui peut parler. Oui, ils ont foi en tout cela, mais c’est une foi qui reste dans la tête et qui ne descend pas au cœur. Et certainement pas aux sens. C’est une foi qui est devenue stagnante, qui n’a pas été cultivée dans la vie de la personne et qui n’a pas la persuasion ou l’enthousiasme qui les pousse à agir à partir d’elle.

Cette foi est comme des semences de grandes plantes placées dans des petits pots. Même si la semence est très fertile et reçoit quantité d’eau et de lumière, si les racines n’ont pas le terreau et l’espace nécessaire pour s’étendre, la plante ne pourra qu’être rabougrie. Il y a des chrétiens qui font cela avec leur foi. Ils la noient avec leur manière routinière de comprendre. Sans nier la foi, ils montrent à peine des signes de vie ou d’influence. Je suis convaincu que lorsque les gens font du mal, ce n’est pas parce qu’ils ne connaissent pas le bien, mais parce qu’ils ne vivent ni ne mettent en acte le bien qu’ils connaissent. Pratiquement parlant, je pense que la cause fréquente de l’indifférence religieuse et de tant de péchés (publics et privés) n’est pas un manque de connaissance, mais un manque d’actualisation de celle-ci.

Je crois que ce qu’ils ont fait de mal, c’est d’enterrer la semence de leur foi dans un pot de leurs routines, de leur confort, de leur idiosyncrasie (tempérament), de leur égoïsme, et je répète de leur égoïsme, parce que c’est ce dernier qui recouvre et étouffe la foi dans l’âme. L’arrogance et l’amour propre, qui composent l’égoïsme, obstruent et détruisent la connaissance spirituelle acquise. Ainsi, le remède a tout ceci est de briser ce pot en petits morceaux, pour que la foi, comme les racines de la plante captive, puisse se répandre librement dans l’âme et se transformer en amour, en œuvres et en habitude d’une véritable vie chrétienne.

Une foi non mise en action est ce qu’il y a de pire en ce qui concerne l’Eucharistie. C’est savoir qui est là, mais sans en avoir une conscience vive. Je serais très heureux si mes écrits peuvent réveiller chez quelques chrétiens une prise de conscience envers l’Eucharistie. Je serais très heureux si les chrétiens qui lisent ces lignes se lèvent de manière déterminée et se rendent auprès du tabernacle pour voir ce qui y est fait et entendre ce qui y est dit par le meilleur et le plus constant des amants.

Faire ? Dire ? Mais, qui peut découvrir ce qui est dit et ce qui est fait en un endroit où on entend et ne voit rien ? Le Seigneur dans le tabernacle est tellement silencieux et immobile. Il semble qu’il ne demande rien d’autre que notre adoration silencieuse. Néanmoins, je puis vous dire qu’il n’y a aucun endroit sur terre où l’activité est plus féconde qu’au pied du tabernacle. Ce n’est pas aux yeux et aux oreilles de la chair de percevoir ces choses, mais aux yeux et aux oreilles de l’âme. Avec ces yeux et ces oreilles attentives, nous pouvons écouter et voir ce qui est dit et ce qui est fait au tabernacle.

Je ne m’attends pas à ce que vous croyiez facilement mes paroles. Mais pour confirmer que ce que j’écris est une réalité et non une illusion pieuse, je propose ce petit questionnaire. Il montrera de manière convaincante ce qui est dit et accompli dans l’immobilité et le silence apparent du tabernacle.

Croyons-nous par la foi que Notre Seigneur Jésus Christ est entièrement présent dans l’hostie consacrée ? – Oui

S’il est entièrement là, n’est-il pas vrai qu’il a une bouche, des yeux, des mains et un cœur ? – Oui

Tandis que, à cause de nos limites, le Sacrement demeure un mystère pour nous (c’est-à-dire la manière dont notre Seigneur est présent dans l’hostie consacrée), cependant pouvons-nous croire que la vertu et la puissance de ses membres physiques et de ses facultés humaines sont empêchées d’agir ? – Non

Par conséquent, si Jésus-Christ a une bouche dans l’hostie sacrée, Il peut parler à travers elle ; s’il a des yeux, il peut voir ; s’Il a un cœur, Il peut aimer. Est-ce que cela est vrai ? – Oui

La seule objection à cette doctrine est que nos yeux et oreilles physiques ne voient rien et n’entendent rien près du tabernacle. Mais contre cette objection, la droite raison et la foi surnaturelle proclament que Jésus Christ au tabernacle est si grand qu’il a d’autre moyens pour que nous puissions percevoir sa présence. Nos sens sont si limités qu’ils ne peuvent aspirer à percevoir Jésus Christ dans tous ses chemins à moins qu’Il choisisse de nous les révéler. Devrions-nous nier ce que Jésus dit ou fait, ou bien qu’il soit présent au tabernacle, simplement parce que nos instruments de perception sont inadéquats ?

Mes chers amis, cela correspond à la grandeur de Jésus de parler si doucement et avec une délicatesse telle que nos oreilles si grossières ne le perçoivent pas toujours. Sa majesté se manifeste avec une beauté souveraine si délicate et douce que nos yeux grossiers ne le voient pas à moins qu’Il le permette.

Jésus qui vient dans le monde et passe à travers le sein de sa Mère en le laissant intact, qui est transfiguré sur le mont Thabor, qui marche sur les eaux, qui meurt quand il le veut et qui ressuscite d’entre les morts, qui apparaît à Marie-Madeleine et à ses disciples, qui se laisse connaitre comme il veut et à qui il veut, qui se rend à la maison de ses apôtres malgré les portes closes…. Ce même Jésus qui contrôle l’espace, l’optique, l’acoustique, la vitesse et les propriétés de la matière et de l’intelligence humaine, n’est-il pas capable d’être au tabernacle et d’y parler sans demander la permission aux yeux et oreilles de l’homme ? Oui, je le répète, en dépit de son silence et de son immobilité au tabernacle, Jésus Christ parle et agit… »

Le révélateur du tabernacle

« Qui vous écoute m’écoute » (Luc 10, 16)

« Après avoir montré que le Cœur de Jésus n’est pas silencieux ou inactif au tabernacle, une autre question peut nous venir à l’esprit. On pourrait objecter que puisque sa présence est si mystérieuse, comment pouvons-nous savoir ce qu’il dit et fait ? Comment discerner le secret de ses actions et ses conversations ineffables ? Devons-nous nous tourner vers les révélations faites à certaines âmes ? Devons-nous chercher des miracles et des manifestations extraordinaires du Dieu caché au tabernacle ?

Qui va nous révéler ces trésors de beauté et de merveilles ? Il est maintenant temps de vous dévoiler le grand révélateur du tabernacle, le grand confident, l’ami intime qui peut nous ouvrir l’accès au palais des merveilles mystérieuses qu’est le tabernacle. Etes-vous pressé de découvrir qui c’est ? Son nom est : l’évangile ! C’est le doigt puissant qui va enlever le voile de nos yeux afin que nous découvrions ses secrets. C’est le messager que le Bon Dieu nous envoie pour que nos yeux et oreilles de chair puissent voir et entendre ce qui est dit et ce qui est accompli au tabernacle. Nous n’avons aucun besoin de miracles ou de révélations spéciales.

L’évangile ! Connaissez-vous la valeur de l’évangile ? Parfois, nous nous lamentons sur le fait que la photographie n’était pas encore inventée au temps de Jésus et que nous n’avons pas de photo de Jésus. Quelle joie de pouvoir contempler une image et de dire : c’était Lui. Mais en fait cette image ne nous donnerait pas de joie plus grande que celle que l’évangile nous donne déjà. Une image de Jésus, aussi belle et parfaite qu’elle soit, ne serait simplement qu’une représentation extérieure et dans une seule attitude ! L’évangile est la photo de Jésus de l’intérieur et de l’extérieur et dans différentes attitudes.

C’est un livre qui nous montre une image vivante de la personne la plus aimée de notre cœur, avec ses pleurs lorsqu’il est persécuté, avec ses triomphes en tant que Roi et Dieu. Il nous enseigne ses miracles et ses vertus, ses paraboles, ses promesses. Et pour évacuer tout doute, il nous est présenté avec toutes les garanties d’authenticité divines et humaines. Ce n’est pas un simple saint ayant des révélations célestes ou l’évidence d’un miracle par un certain nombre de témoins, mais c’est au contraire la troisième Personne de la sainte Trinité qui a pris soin de nous donner une image du Fils de Dieu précise et vraie. Chers amis, remercions le Saint Esprit mille fois pour le don merveilleux du saint évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ. Remercions-le de nous faire connaitre véritablement ce que Notre Seigneur a dit et fait, et même ce qu’il a pensé et souhaité, dans toutes ces années entre l’incarnation et l’ascension.

Par l’intermédiaire de l’Evangile, nous avons la douce assurance de pouvoir dire lorsque nous prions : c’est la manière dont a prié mon Maître Jésus. Et quand nous pardonnons une offense : c’est ainsi que mon Maître Jésus a pardonné. Quand nous manquons de nourriture ou n’avons pas de toit pour dormir : c’est la manière dont mon Maître Jésus a vécu. Et quand nous rencontrons la croix : c’est ainsi que mon Maître a vécu et est mort. Bienheureuse assurance ! Et, ne pouvons-nous pas avoir la même certitude avec Jésus au tabernacle ?