Adoration ou oraison ?

Que penser de la distinction entre ‘oraison’ et ‘adoration’. Éléments de réponses …

L’oraison, c’est le cœur-à-Cœur. L’adoration, c’est le face-à-Face ! L’un n’est pas mieux que l’autre, mais les deux participent au même mouvement d’union avec Jésus-Christ dans son cœur.

Pour le priant, ce qui compte, c’est bien sûr le cœur-à-Cœur ! Mais reconnaissons que ce n’est pas facile ! Prier une heure chez soi, sans être dérangé, sans rien faire d’autre que de contempler le Dieu invisible qui demeure au fond de son âme… Il faut une vraie formation spirituelle à l’école du Carmel, un accompagnement approprié et beaucoup de persévérance. Aussi, tant de personnes sont si blessées aujourd’hui, qu’il leur est pratiquement impossible de se décentrer d’eux-mêmes et de leurs souffrances pour se centrer sur la présence du Christ en eux…

L’Eucharistie est le moyen sublime que Dieu donne dans la surabondance de son amour pour que l’homme s’unisse à lui. C’est la présence personnelle et infiniment aimante de Jésus pour nous aujourd’hui. Il est là, avec son Corps, avec la lumière de sa Résurrection… Être face à la Présence corporelle du Christ, le regarder, lui parler, l’adorer, c’est entrer en relation avec Jésus dans un vrai cœur à Cœur. Oui le face-à-Face de l’adoration conduit au cœur-à-Cœur de l’oraison. Certains peuvent s’en passer et beaucoup de courants spirituels dans l’Église ne pratiquent pas cette forme de prière devant le Saint Sacrement. Mais l’Église encourage vivement la pratique de l’adoration eucharistique, comme chemin pour renforcer l’amitié et la rencontre personnelle avec le Christ.

Pour nous rejoindre dans notre corps et notre âme, Dieu s’est incarné ! Et l’Eucharistie est l’extension et le prolongement de l’incarnation aujourd’hui. St Jean parle de voir, toucher, contempler le Christ pour l’annoncer. Dans l’adoration, nous portons notre regard sur cette présence. Comme la femme hémorroïsse qui touche Jésus par sa foi en touchant son manteau, dans l’adoration, nous touchons le Christ par la foi et il déverse dans notre cœur son amour transformant. Refuser l’adoration eucharistique, c’est se priver d’un levier spirituel puissant que Dieu donne à son Église… Cela pour l’aider à prier, pour s’unir à lui et pour être immergé dans la charité divine de ce sacrement de l’Amour. 


Jésus parle au Père Gaston Courtois de l’adoration

“C’est sous la radiance eucharistique que tu enrichis ton âme de ma présence, j’allais presque dire de mon parfum… Si je désire être exposé à vos regards dans le sacrement de mon Eucharistie, ce n’est pas pour moi, c’est pour vous. Je sais mieux que personne à quel point votre foi a besoin, pour fixer son attention, d’être attirée vers un signe qui exprime une réalité divine. Votre adoration a souvent besoin de soutenir le regard de votre foi par la vue de l’Hostie consacrée. C’est là une concession à la faiblesse humaine, mais c’est parfaitement conforme aux lois de la psychologie… Ici, c’est la loi de l’incarnation qui joue : tant que vous êtes sur terre, vous n’êtes pas de purs esprits, ni des intelligences abstraites ; il est nécessaire que tout votre être physique et moral collabore à l’expression de votre amour pour l’intensifier. Il est possible à certaines âmes privilégiées de s’en passer au moins pour un temps, mais pourquoi refuser à la masse des hommes de bonne volonté ce qui peut les aider à mieux prier, à mieux s’unir, à mieux aimer ?” (Père Gaston Courtois, Quand le Seigneur parle au cœur, Ed Mediaspaul, 13è Ed, Paris, 1993, p173-174)


Le Silence autour du “moi” en compagnie du “Toi” (Benoît XVI)

Dans la vie d’aujourd’hui, souvent bruyante et chaotique, il est plus important que jamais de retrouver la capacité de silence intérieur et de recueillement : l’adoration eucharistique permet de le faire non seulement autour du “moi”, mais en compagnie de ce “Toi” plein d’amour qui est Jésus Christ, “le Dieu qui nous est proche”. (Benoît XVI, Angélus, Fête-Dieu, 10 juin 2007)


Interview de Nicolas Buttet dans “Familles Chrétiennes”, n°1520, page 23

Vous êtes plutôt adoration ou oraison ?
Je ne vois pas d’opposition. Sainte Thérèse d’Avila dit que l’oraison est «un commerce d’amitié avec un Dieu dont on se sait aimé et que l’on veut aimer en retour». L’adoration, c’est exactement cela : un dialogue d’amour. Mais comme je suis tellement pauvre et nul, Dieu se met en face de moi pour m’aider.  

Pourtant, ne suffit-il pas de descendre en nous-même pour trouver Dieu ?
Prier, c’est effectivement descendre dans le grand silence de son âme, pour être seul avec le Seul. Mais ce cœur-à-Cœur est difficile sans face-à-Face. La plupart du temps, en soi-même, on ne fait que trouver soi-même. On prend ses pensées pour Dieu. Au final, c’est trop souvent moi que j’explore en croyant rencontrer Dieu. L’adoration est un vis-à-vis qui conduit à un cœur-à-Cœur. Elle permet de sortir de soi-même. Elle objective ma relation à Dieu : il est là. C’est du réalisme : l’acte de foi a un support réel, l’hostie. Dans l’Eucharistie, Dieu simplifie. C’est une véritable thérapie contre tout ce qu’on a tellement compliqué dans la vie de foi. Et dans une société où la subjectivité est tellement exaltée, cette objectivité de la présence de Dieu permet d’éviter de rester centré sur son ego. Je prie un Dieu qui n’est pas ma propre idée, mais ce qu’il me dit de lui-même.  


Pourquoi adorer l’Eucharistie si Dieu est caché en nous ? (“Initiation à la prière et à l’adoration”, Anne-Françoise Vater)

“Eh bien, c’est tout simple ! Quand nous adorons Jésus Hostie, nous l’adorons à la fois présent substantiellement dans l’hostie et tout aussi réellement, mais spirituellement, en nous. Le ciel est à la fois sur l’autel et dans notre cœur. Nous sommes comme une de ces belles éponges plongées dans l’océan. Nous sommes dans l’eau, mais l’eau est aussi en nous : «Demeurez en moi, comme moi en vous». Nous nous laissons envahir de toute part par l’amour de notre Dieu, de l’extérieur et de l’intérieur. Quel est notre rôle ? Il est simple aussi. Rappelons-nous les paroles de saint Jean : «Jésus est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas accueilli.» Si la belle éponge se rétracte, se ferme, elle ne peut pas absorber l’eau qui lui est offerte… Aussi demandons à l’Esprit Saint de nous aider à nous ouvrir à l’amour, offert en nous et devant nous. Accueillons-le, laissons-nous faire, abandonnons-nous dans la confiance, «tout éveillés, dans la foi, à l’action créatrice de Dieu en nous». Accueillons le plus possible cet amour offert, afin que le trop-plein de l’éponge que nous sommes se déverse sur les autres. Telle est la source d’eau vive que le Seigneur a promise à la Samaritaine.” (Anne Françoise Vater, Initiation à la prière et à l’adoration, page 152) Notre temps d’adoration eucharistique nourrit tous les temps de prière de la semaine et accroît notre conscience de la présence de Dieu dans toutes les activités…


L’Eucharistie nous rend présents à Jésus

«Dieu était dans le monde mais le monde ne L’a pas reconnu» (Jn 1, 10). L’Incarnation de Jésus ne signifie pas que Dieu est descendu du ciel pour venir sur la terre où Il n’était pas encore : «Il était dans le monde mais le monde ne L’a pas reconnu». L’Incarnation signifie la venue parmi nous d’une Humanité devenue infiniment présente à Dieu. De même l’Eucharistie ne veut pas dire que Jésus-Christ, Notre-Seigneur, devient présent alors qu’Il ne l’était pas, puisque Jésus est toujours présent à l’humanité non seulement par Sa divinité, mais bien encore par Son humanité. Et il faut dire plus : l’Humanité de Notre-Seigneur est toujours présente à chacun de nous. Il est la lumière qui éclaire tout homme, et toute grâce nous vient par Son Humanité. L’Humanité de Notre-Seigneur ne cesse jamais de nous être présente, c’est nous qui ne sommes pas présents à l’Humanité de Notre-Seigneur. Notre-Seigneur est présent, c’est nous qui sommes absents, et le mystère de l’Eucharistie est de nous ouvrir à cette Présence et de la faire circuler en nous. Si vous le voulez, pour prendre une comparaison très imparfaite et qu’il faudra aussitôt oublier, Notre-Seigneur est toujours présent par sa divinité et par son humanité, comme sont présentes les ondes de la radio : la Consécration, c’est l’ouverture de la radio qui permet de capter cette Présence déjà donnée mais sur laquelle nous n’avions pas prise. (Maurice Zundel, “Un autre regard sur l’homme”, p. 337)


Les Anoméens disaient : «Nous pouvons bien prier chez nous ; nous n’avons que faire d’aller au temple.» Saint Jean Chrysostome leur répondit : «Vous êtes dans une grande erreur ; car, bien que vous puissiez, il est vrai, prier dans votre demeure, cependant vous ne le ferez pas aussi bien que dans l’église» (Hom XXX)