Saint Pierre-Julien Eymard (1811-1868)

Dominé par le mystère de l’Eucharistie, le Père Pierre-Julien Eymard fonde la Congrégation du Saint-Sacrement au milieu du XIXe siècle. Il veut ainsi donner à Jésus un Corps d’adorateurs entièrement consacrés à son service par l’adoration perpétuelle. Il est béatifié par le pape Pie XI le 12 juillet 1925, avant d’être canonisé le 9 décembre 1962 par saint Jean XXIII. Exactement 33 ans plus tard, le 9 décembre 1995, il est inscrit au calendrier romain et présenté à toute l’Église comme l’Apôtre de l’Eucharistie.

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I. Biographie

LA JEUNESSE 1811-1839

Veuf de sa 1ère épouse qui lui donne 2 enfants, il prend Marie-Madeleine Pélorse qui lui donnera 4 enfants dont les 3 premiers mourront en bas âge. Pierre-Julien est le dernier né. Seuls trois des dix enfants de Julien survivent : Antoine, Marie-Anne qui a douze ans quand vient au monde Pierre-Julien, le 4 février 1811. M. Eymard fait baptiser le nouveau-né dès le lendemain. La mère de Pierre-Julien ne passe pas un seul jour sans aller s’agenouiller quelques minutes à l’église : elle y emporte dans son tablier le petit Pierre-Julien, et l’offre à Jésus pendant la bénédiction du Saint-Sacrement. Dès que l’enfant sait marcher, il accompagne sa mère à l’église, et bientôt y va tout seul plusieurs fois par jour. Dès 6 ans, il veut recevoir sa 1ère communion. Puisqu’il est trop jeune, il se penche sur le cœur de sa sœur après qu’elle ait communié et lui dis : « tu sens bon Jésus ». Marie-Anne le surprend une fois derrière l’autel, sur un escabeau, la tête penchée contre le tabernacle : « C’est que j’écoute, et je l’entends mieux d’ici », explique Pierre-Julien à 7 ans. Une extraordinaire passion pour le Saint-Sacrement prend racine en son cœur. A mesure qu’il grandit, l’attrait pour l’Eucharistie fait grandir en lui le désir du sacerdoce. Le jour tant attendu de la première Communion arrive alors que Pierre-Julien a déjà 12 ans. « Quelles grâces le Seigneur m’a faites ce jour-là! » s’écrira-t-il trente ans plus tard avec larmes. C’est à ce moment qu’il entend l’appel de Jésus : « veux tu être mon prêtre ? » De ce jour, il ne pense qu’au sacerdoce.

Pierre-Julien Eymard fut conditionné par son environnement culturel aussi bien que par le milieu socio-politique de son temps. La vie en France durant la première partie du 18ème siècle constitue la toile de fond sur laquelle s’est écrite la vie de Pierre-Julien. Au cours des années antérieures, la Révolution Française de 1789 avait radicalement changé les structures politiques, légales, sociales et religieuses du pays. Au moment de son adolescence, la révolution industrielle avait changé la figure de l’Europe. Durant sa jeunesse, Eymard fut témoin de l’aube de l’Age du Romantisme dans l’art, la musique et la littérature. Dans la société francaise, il y avait un fort anticléricalisme.

Le cheminement de Pierre-Julien Eymard vers le sacerdoce, de même que sa vie de prêtre, furent marqués par la Croix. La famille Eymard était pauvre et le père de Pierre-Julien était opposé au choix de son fils. Pierre-Julien apprend le latin en cachette. Un premier essai pour parvenir au sacerdoce se solda par un échec à cause d’une grave maladie. Entré par la suite au grand Séminaire de Grenoble, il fut ordonné prêtre de ce diocèse le 20 juillet 1834, à 23 ans. Il sera prêtre du diocèse de Grenoble pendant cinq ans, d’abord vicaire à la Chatte puis curé à Monteynard. Par son zèle pastoral, Eymard renouvelle sa paroisse grâce à sa spiritualité marquée par l’amour.

Le jansénisme qui imprégnait le monde religieux de l’époque considérait l’être humain comme pécheur et indigne en face d’un Dieu transcendant et parfait. Le Père Eymard comme séminariste et jeune prêtre, fut donc influencé par cette spiritualité de réparation et il devra lutter tout au long de sa vie pour chercher cette perfection intérieure qui pourrait l’habiliter à offrir à Dieu le don de sa personnalité.

Ce furent probablement l’intensification de ce souci de perfection spirituelle jointe au désir d’accomplir de grandes choses pour Dieu qui ont conduit le Père Eymard à la vie religieuse. Le 20 août 1839, le Père Eymard devenait membre de la Congrégation Mariste en faisant profession des voeux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance.

LES ANNÉES MARISTES 1839-1856

Il commence son noviciat à Belley (1839-1844) et reçoit la tache de directeur spirituel du collège séminaire de Belley. Le P. Colin l’appelle ensuite à Lyon où il devient provincial des Maristes. Il organisera le Tiers Ordre de Marie qui connait une extension importante. C’est là qu’il reçoit le 25 mai 1845 une confirmation d’un attrait ” de ne prêcher que Jésus-Christ et Jésus-Christ eucharistique “.

Durant toute sa vie, Pierre-Julien eut une fervente dévotion à Marie, Mère de Dieu. Il connaissait les apparitions de Notre-Dame de La Salette et aimaient visiter les différents sanctuaires dédiés à Marie (à travers la France). Le travail apostolique du Père Eymard dans la Société le mit en contact avec les divers courants de piété eucharistique qui fleurissaient dans l’Église de France.

Pierre-Julien, malgré sa faible santé, était un prêtre religieux d’une énergie et d’une capacité de travail exceptionnelles. Voyages, correspondances, prédication, direction spirituelle et responsabilités de supérieur provincial ne lui laissait pas tout le temps désiré pour s’adonner fréquemment à la contemplation. Qu’a fait le Père Eymard comme Mariste ? Il fut un remarquable organisateur d’associations laïques, un éducateur dévoué, un prédicateur recherché et quelque peu prophète auprès des confrères prêtres et souvent auprès de ses supérieurs religieux. Le Père Eymard avait beaucoup de succès dans la prédication des dévotions eucharistiques telles que les Quarante-heures.

Il vit une nouvelle étape marquée d’une grâce reçue en 1851 au sanctuaire lyonnais de Fourvière. Pendant qu’il priait, il devint ” fortement impressionné ” par la pensée de l’état d’abandon spirituel dans lequel se trouvaient les prêtres séculiers, du manque de formation des laïcs, de la pitoyable dévotion envers le Saint-Sacrement et des sacrilèges commis contre la sainte Eucharistie. De là lui vint cette idée d’un Tiers-Ordre masculin dévoué à l’adoration réparatrice ; projet qui, dans les années suivantes, deviendra celui de créer une congrégation religieuse entièrement consacrée au culte et à l’apostolat de l’Eucharistie : ” J’ai souvent réfléchi sur les remèdes à cette indifférence universelle qui s’empare d’une manière effrayante de tant de catholiques, et je n’en trouve qu’un : l’Eucharistie, l’amour à Jésus Eucharistique. La perte de la foi vient de la perte de l’amour “. Et en février 1852, il écrit : 

” Maintenant il faut se mettre à l’oeuvre, sauver les âmes par la divine Eucharistie, et réveiller la France et l’Europe engourdies dans un sommeil d’indifférence parce qu’elles ne connaissent pas le don de Dieu : Jésus l’Emmanuel Eucharistique. C’est la torche de l’amour qu’il faut porter dans les âmes fidèles et qui se croient pieuses, et ne le sont pas parce qu’elles n’ont pas établi leur centre et leur vie dans Jésus au saint Tabernacle “.

LES ANNÉES ” PÈRES DU SAINT-SACREMENT ” 1856-1868

Fonder la Congrégation du Saint-Sacrement ne fut pas une tâche facile. Pour répondre à l’Esprit de Dieu en tant que Fondateur, le Père Eymard s’est retrouvé au milieu de conflits de personnalités, des situations embarrassantes, des inquiétudes financières, ce qui acheva de ruiner sa santé. Sa première difficulté fut d’obtenir l’approbation de la fondation de la Congrégation par plusieurs évêques locaux. Quand cette approbation arriva, le Père Eymard ouvrit sa première communauté sur la rue d’Enfer, à Paris.

L’œuvre de la préparation à la première communion, spécialement chez les adultes, avait incité l’archevêque de Paris à donner son approbation au nouveau groupe fondé par Eymard. Il pense que la perte de la foi vient de la perte de l’amour. Il encourage donc la communion fréquente aux enfants. Par toute la France jaillissaient des congrégations ou oeuvres eucharistiques dont beaucoup étaient centrées sur l’adoration eucharistique. Le Père Eymard a orienté son ministère d’abord vers les enfants et les jeunes travailleurs qui constituaient un large secteur de la main-d’oeuvre à Paris, puis vers tous ceux qui étaient loin de l’Église pour les évangéliser. A peine avait-il commencé avec quelques hommes qu’il lui fallut fermer cette maison et déménager à un autre endroit. Ces premières communautés Eymardiennes ont été si pauvres qu’en plusieurs occasions, les religieuses d’un couvent voisin ont du pourvoir à la subsistance des pères et des frères. Il reçoit l’approbation pontificale de son Institut le 3 juin 1863 de Pie IX. Il fonde aussi une communauté religieuse : les Servantes du Très Saint-Sacrement.

Malgré les difficultés, l’oeuvre se développe et essaime en province. L’adoration du Saint-Sacrement est toujours la base de la vie de la congrégation. Entre temps, au bord du découragement, le Père Eymard avait consulté le Curé d’Ars. Le curé d’Ars éclatât en sanglots et lui répondit : ‘ Mon bon ami, vous voulez que je prie le bon Maître pour vous ? Mais vous l’avez, vous, vous l’avez toujours devant vous ! ‘ Le Père touché des larmes du Curé laissa jaillir les siennes à son tour, et il s’efforçait de le consoler en lui disant : ‘ Pardonnez-moi, Monsieur le Curé, je ne voulais pas vous faire de peine. ‘ Et ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre. Le but essentiel de sa congrégation était double :

– ” rendre un culte solennel et perpétuel d’adoration à Notre Seigneur Jésus-Christ, demeurant perpétuellement au Très Saint-Sacrement de l’autel, pour l’amour de l’homme “

– ” se dévouer à l’amour et à la gloire de ce très auguste Sacrement par l’apostolat de chacun de ses membres qui, sous les auspices et la conduite de l’Immaculée Vierge Marie, doivent s’y appliquer dans la mesure de leur grâce et de leurs vertus. “

Le Père Eymard, dans ses retraites eucharistiques, qu’il prêchait disait : “Quand on veut donner un mouvement plus puissant, on double, triple, on centuple la puissance du moteur. Le moteur divin, c’est l’amour, l’amour eucharistique. “

Dès 1863, le P. Eymard se consacre tout entier à la réalisation d’un projet qui lui tient à cœur : acquérir le Cénacle à Jérusalem ” aux mains des Turcs ” pour en faire le lieu d’un culte magnifique envers l’Eucharistie. Il multiplie les démarches, intervient auprès de Pie IX, mais le projet se heurte à des difficultés que le Père ne soupçonnait point. Il devra finalement y renoncer.

Sa vision de l’Eucharistie : d’une spiritualité de réparation vers une spiritualité centrée sur l’amour du Christ. La vie et l’activité de saint Pierre-Julien est toute centrée sur le mystère de l’Eucharistie. Au tout début, son approche est tributaire de la théologie de son temps. Cependant, il parviendra à se libérer peu à peu de l’aspect dévotionnel et réparateur dans lequel baignait de façon presque exclusive la piété eucharistique de son époque, et il voudra faire de l’Eucharistie le centre de la vie de l’Église et de la société : ” Aucun autre centre que Jésus Eucharistique “. Dans l’Eucharistie, Jésus concentre son amour pour le rendre plus puissant.

“Le Saint-Sacrement m’a toujours dominé”, écrit-il caractérisant ainsi de façon incisive la forme de vie chrétienne qu’il propose. Au centre, il y a la présence du Christ dans l’Eucharistie. Fidèle à la théologie post-tridentine, Eymard souligne fortement le fait de cette présence et son caractère unique : l’Eucharistie est la personne du Seigneur. D’où les affirmations suivantes par lesquelles il exprime sa foi :

” La sainte Eucharistie est Jésus passé, présent et futur… C’est Jésus devenu sacrement. Bienheureuse l’âme qui sait trouver Jésus dans l’Eucharistie, et en Jésus-Hostie tout le reste “. 

« Au Saint Sacrement, il ne peut être plus aimant ! Et cependant, il n’est pas aimé. Son amour n’est pas apprécié. Il n’est même pas connu, et de très peu des siens même. Il a de bons serviteurs apostoliques, quelques pieux adorateurs de service. Mais qu’il a peu d’épouses ! Même qu’il a peu d’amis, qui le visitent par affection, qui conversent par le cœur, qui sont dévoués pour lui purement !

Saint Pierre-Julien Eymard, Œuvres complètes, NR 44, 133.

L’adoration est un moyen de se laisser pénétrer par l’amour du Christ. Celle-ci découle de la messe et nous prépare à la messe. C’est pour cela qu’il invite à prier selon la méthode des quatre fins du Sacrifice, dans le but de faire revivre, dans le culte suréminent de l’Eucharistie, tous les mystères de la vie de Notre Seigneur, dans l’attention et la docilité à l’Esprit saint, pour progresser aux pieds du Seigneur dans le recueillement et la vertu du saint amour…

Trois ans avant sa mort, il fit une longue retraite à Rome où il fut entièrement subjugué par la force de l’amour du Christ en lui et dont il sentit qu’il prenait totalement possession de sa personne. Épuisé par les responsabilités de fondateur et premier supérieur général, Pierre-Julien Eymard meurt âgé seulement de 57 ans, le 1er août 1868.

Béatifié par Pie XI, en 1925, il est canonisé par Jean XXIII, le 9 décembre 1962, au terme de la première session du Concile Vatican II. Exactement 33 ans plus tard, le 9 décembre 1995, il est inscrit au calendrier romain et présenté à toute l’Église comme l’Apôtre de l’Eucharistie.


II. Conseils spirituels

L’adoration eucharistique a pour objet la divine personne de notre Seigneur Jésus Christ présent au Très Saint-Sacrement. Il est vivant, il veut que nous lui parlions, il nous parlera. Et ce colloque, qui s’établit entre l’âme et notre Seigneur, c’est la vraie méditation eucharistique, c’est l’adoration. Heureuse l’âme qui sait trouver Jésus en l’Eucharistie, et en l’Eucharistie toutes choses…

Regardez l’heure d’adoration qui vous est échue comme une heure du paradis ; allez-y comme on va au ciel, au banquet divin, et cette heure sera désirée, saluée avec bonheur. Entretenez-en suavement le désir dans votre cœur. Dites-vous «Dans quatre heures, dans deux heures, dans une heure, j’irai à l’audience de grâce et d’amour de Notre-Seigneur : il m’a invité, il m’attend, il me désire ».

Tant que nous n’aurons pas pour Notre Seigneur au Très Saint-Sacrement un amour de passion, nous n’aurons rien fait… On dit : mais c’est de l’exagération, tout cela. Mais l’amour n’est que de l’exagération ! Exagérer, c’est dépasser la loi. Eh bien, l’amour doit dépasser la loi.

Commencez toutes vos adorations par un acte d’amour, et vous ouvrirez délicieusement votre âme à son action divine. C’est parce que vous commencez par vous-mêmes que vous vous arrêtez en chemin ; ou bien, si vous commencez par quelque autre vertu que l’amour, vous faites fausse route. Est-ce que l’enfant n’embrasse pas sa mère avant de lui obéir ? L’amour est la seule porte du cœur.

Le vrai secret de l’amour est donc de s’oublier comme saint Jean-Baptiste pour exalter et glorifier le Seigneur Jésus. Le vrai amour ne regarde pas ce qu’il donne, mais ce que mérite le Bien-Aimé.

Allez à Notre-Seigneur comme vous êtes; ayez une méditation naturelle. Épuisez votre propre fond de piété et d’amour avant de vous servir de livres ; aimez le livre inépuisable de l’humilité d’amour. Qu’un livre pieux vous accompagne pour vous remettre en bonne voie quand l’esprit s’égare ou quand vos sens s’assoupissent, c’est très bien : mais rappelez-vous que notre bon Maître préfère la pauvreté de notre cœur aux plus sublimes pensées et affections empruntées aux autres.

C’est souvent le fruit d’un subtil amour-propre ou de l’impatience, de ne pas vouloir aller à Notre-Seigneur avec sa propre misère ou sa pauvreté humiliée ; et c’est cependant ce que Notre-Seigneur préfère à tout, c’est ce qu’il aime, ce qu’il bénit.

Il est peu de personnes qui pensent aux vertus, à la vie, à l’état de Notre-Seigneur au Saint-Sacrement. On le traite comme une statue; on croit qu’il n’est là que pour nous pardonner et recevoir nos prières. C’est faux. Notre-Seigneur vit et agit: regardez-le, étudiez-le, imitez-le… Si vous lisez l’Évangile, transportez-le en l’Eucharistie, et de l’Eucharistie en vous. Vous avez alors une bien plus grande puissance. L’Évangile s’illumine, et vous avez sous les yeux et réellement la continuation de ce que vous y lisez… « Je suis la voie».

Vous êtes dans[nbsp]l’aridité, glorifiez la grâce de Dieu, sans laquelle vous ne pouvez rien ; ouvrez alors votre âme vers le ciel, comme la fleur ouvre son calice au lever du soleil pour recevoir la rosée bienfaisante. Mais vous êtes dans l’état de tentation et de tristesse ; tout se révolte en vous ; tout vous porte à quitter l’adoration sous prétexte que vous offensez Dieu, que vous le déshonorez plus que vous ne le servez ; n’écoutez pas cette tentation, c’est l’adoration du combat, de la fidélité à Jésus contre vous-même. Non, non, vous ne lui déplaisez pas ; vous réjouissez votre Maître qui vous regarde. Il attend de nous l’hommage de la persévérance jusqu’à la dernière minute du temps que nous devions lui consacrer.

Que la confiance, la simplicité et l’amour vous amènent donc à l’adoration.

Comme vos adorations sont si imparfaites, unissez-les aux adorations de la Très Sainte Vierge. 

Prier en quatre temps : Adoration, action de grâces, réparation, supplication

Le saint Sacrifice de la Messe est la plus sublime des prières: Jésus Christ s’y offre à son Père, l’adore, le remercie, lui fait amende honorable et le supplie en faveur de son Eglise, des hommes ses frères et des pauvres pécheurs. Cette prière auguste, Jésus la continue par son état de victime en l’Eucharistie: unissons-nous donc à la prière de notre Seigneur; prions comme lui par les quatre fins du sacrifice de la messe: cette prière résume toute la religion et renferme les actes de toutes les vertus…

1. Adoration:

Si vous commencez par l’amour, vous terminerez par l’amour. Offrez au Christ votre personne, vos actions, votre vie. Adorez le Père par le Cœur eucharistique de Jésus. Il est Dieu et homme, votre Sauveur et votre frère tout ensemble. Adorez le Père céleste par son Fils, l’objet de toutes ses complaisances; et votre adoration vaudra celle de Jésus: elle sera sienne.

2. Action de Grâce

L’action de grâce est l’acte d’amour le plus doux à l’âme, le plus agréable à Dieu; c’est l’hommage parfait à son infinie bonté. L’Eucharistie est elle-même la reconnaissance parfaite. Eucharistie veut dire action de grâce: Jésus y rend grâce à son Père pour nous; Il y est notre propre action de grâce. Remerciez le Père, le Fils, le Saint Esprit…

3. Réparation:

pour tous les péchés contre sa présence eucharistique. Quelle tristesse pour Jésus de rester ignoré, abandonné, méprisé dans tant de tabernacles. Que peu de chrétiens croient en sa présence réelle, combien l’oublient, tout ceci car il s’est fait trop petit, trop humble pour nous témoigner son amour. Demandez pardon, faites descendre la miséricorde de Dieu sur le monde pour tous les crimes…

4. Intercession, supplication

Priez pour que son règne vienne, que les hommes croient en sa présence eucharistique. Priez pour les intentions du monde, pour vos propres intentions. Et finissez votre adoration par des actes d’amour et d’adoration.


III. La Vie de Jésus au Saint-Sacrement 
Que fait Jésus au Saint-Sacrement ?

“L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyez en celui qu’il a envoyé” (Jn 6, 29).

Que le Fils de Dieu ait aimé l’homme jusqu’à se faire homme, on le comprend: le Créateur devait avoir à cœur de réparer l’ouvrage de ses mains. Que l’Homme-Dieu soit mort sur la croix, on le comprend encore par un excès d’amour. Mais ce qui ne se comprend plus, ce qui épouvante ceux qui sont faibles dans la foi et scandalise les incrédules, c’est que Jésus-Christ glorieux, couronné, après avoir achevé sa mission ici-bas, veuille encore demeurer avec nous, et dans un état plus humilié, plus anéanti qu’à Bethléem, qu’au Calvaire même. Soulevons avec respect le voile mystérieux qui couvre le Saint des saints, et essayons de comprendre l’excès d’amour que nous témoigne le Sauveur…

Jésus aura deux trônes, un de gloire au Ciel, un autre de douceur et de bonté sur la terre; deux cours: la cour céleste et triomphante, et la cour de ses rachetés ici-bas. Dans quel état Jésus demeure-t-il avec nous? dans un état de passage, de temps à autre ? Non, mais dans un état persévérant. Il reste pour toujours jusqu’à la fin du monde.

Notre-Seigneur, pour entretenir en nous et pour rendre plus efficace l’espérance du ciel, pour nous faire attendre, patiemment le ciel de la gloire et nous y conduire, a créé le beau ciel de l’Eucharistie. Car l’Eucharistie est un beau ciel, le ciel commencé.N’est-elle pas Jésus glorieux venant du ciel sur ‘la terre’; et amenant le ciel avec lui? Il vient et demeure corporellement en nos cœurs tant que dure le Sacrement; puis, les espèces détruites, il remonte au ciel, mais, demeure en nous par sa grâce et par sa présence d’amour… L’Eucharistie est l’échelle, non pas de Jacob, mais de Jésus, qui monte au ciel et en descend continuellement pour nous. Il est dans un mouvement incessant vers nous…

Jésus a revêtu l’état sacramentel pour son Père et pour nous…

1. Il continue d’honorer et de glorifier son Père

Que fait le Sauveur dans l’Eucharistie ? Il continue son office d’adorateur, de glorificateur de son Père. Il se fera le Sacrement de la gloire de Dieu. Le voyez-vous, Jésus, sur l’autel ? dans le Tabernacle ? Il y est; qu’y fait-il ? Il adore son Père, lui rend grâces et continue son office d’intercesseur pour les hommes… Il demeure sur son Calvaire mystique répétant sa sublime parole : Père, pardonnez-leur ! Je vous offre pour eux mon sang, mes plaies ! Il se multiplie partout, partout où il y a à expier. En quelque lieu que s’établisse une famille chrétienne, Jésus vient faire avec elle société d’adoration, et glorifier son Père en l’adorant et en le faisant adorer en esprit et en vérité. Dieu le Père, satisfait, glorifié autant qu’il le mérite, s’écrie: Mon nom est grand parmi les nations ; car depuis le lever du soleil jusqu’à son couchant, on m’offre une hostie d’agréable odeur !

Mais, ô merveille de l’Eucharistie ! Jésus rend à son Père, par son état sacramentel, un hommage nouveau, tel que le Père n’en a jamais reçu d’aucune créature; un hommage plus grand, pour ainsi dire, que tout ce que put faire le Verbe incarné sur la terre. Quel est donc cet hommage extraordinaire ? C’est l’hommage du Roi de gloire, consommé dans la puissance, et la majesté du Ciel, qui vient en son Sacrement immoler à son Père, non seulement sa gloire divine comme en l’Incarnation, mais même sa gloire humaine, les qualités glorieuses de son humanité ressuscitée!

Ne pouvant dans le Ciel honorer son père par le sacrifice de sa gloire, Jésus-Christ redescend sur la terre, s’incarne de nouveau sur l’autel, et le Père céleste peut le contempler encore pauvre comme à Bethléem, bien qu’Il demeure le Roi du ciel et de la terre; humble et obéissant comme à Nazareth; soumis, non seulement jusqu’à l’ignominie de la Croix, mais jusqu’à la communion sacrilège; soumis à ses ennemis, à ses profanateurs ! Doux Agneau qui ne se plaint pas ! Tendre Victime qui ne sait pas murmurer! Bon Sauveur qui ne se venge pas! Mais pourquoi? pourquoi tout cela ?

Pour glorifier Dieu son Père par la continuation mystique des plus sublimes vertus; par le sacrifice perpétuel de sa liberté, de sa puissance et de sa gloire, liées par son amour dans le Sacrement jusqu’à la dernière heure du monde. Jésus-Christ, ici-bas, contrebalançant l’orgueil de l’homme par ses humiliations, et rendant à son Père une gloire infinie : quel spectacle pour le Coeur de Dieu ! quelle raison de la présence eucharistique plus digne de l’amour de Jésus-Christ pour son divin Père !

2. Voilé, Il continue et achève son ministère auprès de nous

Notre Seigneur aime tellement l’homme qu’il ne peut se séparer de lui, même en son état de gloire. L’Eucharistie, c’est son Incarnation continuée, multipliée, perpétuée jusqu’à la fin du monde. Il veut vivre près de l’homme et continuer les trois états de sa vie de Sauveur: de prière, de sacrifice, de vie des âmes. Il prie dans le tabernacle. Il s’immole sur l’autel. Il nous nourrit dans la sainte communion. Que pouvais-je encore faire pour ma vigne que je n’aie fait? (Is 5, 4)

Le Seigneur a fait l’abrégé de toutes ses merveilles de gloire, de vertu et de sainteté; elle les renferme donc toutes… De l’Eucharistie, vous irez au Calvaire, à Nazareth, à Bethléem; mais ces mystères séparés de l’Eucharistie sont sans vie actuelle et présente…

a. Il se donne dans la communion, principe de la vie d’union

La Communion est le complet développement, l’épanouissement de l’Incarnation. Le Corps de Jésus-Christ s’unit donc à notre corps, son âme à notre âme, et sa divinité plane sur l’un et l’autre. Notre corps est, pour ainsi dire, enchâssé au Corps de Notre-Seigneur… Notre corps en prend la force, la grâce, l’intégrité, les moeurs. Laissons donc notre corps se reformer dans ce moule divin et germer en lui pour la gloire. Mais l’âme? Jésus-Christ va droit à notre âme. Il lui dit: « je veux t’épouser pour toujours » L’âme est surtout le but que Jésus vise en nous. Le corps n’est qu’une antichambre: il est le premier honoré, mais Notre-Seigneur ne fait qu’y passer. L’âme reçoit Jésus, et communique à sa vie divine: elle est comme perdue en Notre-Seigneur.

Que Notre-Seigneur ne demeure pas stérile dans son ciboire! L’union entre l’âme et Jésus-Christ est plus étroite que toute autre union. Elle se fait entre Jésus-Christ et l’âme d’une manière spirituelle et plus intime que le changement même de la nourriture en la substance de celui qui la prend. L’âme s’unit tellement à Jésus-Christ qu’elle perd en quelque sorte son être propre pour laisser vivre en elle Jésus seul:« Vraiment c’est le Christ qui vit en moi ». Cette union a des degrés d’intimité: plus l’amour est fort, plus elle est étroite et resserrée; de même que deux cires s’unissent d’autant mieux qu’elles sont plus liquides. L’âme se fond en Jésus-Christ comme une goutte d’eau se perd dans l’océan et devient partie de l’océan…

b. Il travaille à l’œuvre de ma sanctification. Modèle de vertus

Pour devenir un saint, il me faut vaincre l’orgueil et mettre à sa place l’humilité; or, en l’Eucharistie, Jésus me donne l’exemple et la grâce de l’humilité. C’est lui qui a prononcé autrefois cette parole : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur ». Mais, depuis dix-huit siècles, l’humilité ne serait qu’un nom, si nous n’avions que le souvenir; des exemples du Sauveur pendant sa vie mortelle. Nous pourrions dire avec raison : Mais, Seigneur, je ne vous ai pas vu humilié. Eh bien! Jésus-Christ est là pour répondre à nos excuses, à nos plaintes; c’est du Tabernacle, de dessous le voile de l’Hostie, que s’échappe surtout cette parole: « Apprenez de, moi que je suis doux et humble de coeur. » Apprenez de moi à cacher vos bonnes oeuvres, vos vertus, vos sacrifices; descendez, venez vers moi! Et la grâce de l’humilité se trouve dans l’état humilié de Jésus au Très Saint-Sacrement. Quelle gloire humaine pourra craindre de s’abaisser, puisque le Roi de gloire s’abaisse jusqu’à cet état? Qui refusera d’obéir à Dieu et à ceux qui le représentent, quand Dieu, lui-même obéit à l’homme?

Au Saint-Sacrement, Jésus s’anéantit, il devient notre modèle, grâce et fin de notre anéantissement, de l’humilité, de la patience, du pardon, de la pauvreté, des humiliations. Et toujours il répète: “Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur.” (Mt 11, 29). 

c. Jésus encourage ma faiblesse

Je puis m’approcher de lui, lui parler, le contempler sans crainte. Si sa gloire resplendissait, qui oserait parler à Jésus-Christ, alors que les Apôtres tombèrent frappés d’épouvante pour avoir vu un rayon de sa gloire, sur le Thabor : Jésus voile sa puissance, qui effraierait l’homme. Il voile sa sainteté, qui est si sublime qu’elle découragerait nos faibles vertus. La mère bégaie avec son petit enfant et se met à sa portée pour l’élever jusqu’à elle; ainsi Jésus se fait petit avec les petits pour les élever jusqu’à lui, et par lui jusqu’à Dieu. Jésus voile son amour, le tempère : son ardeur est telle, qu’elle nous consumerait si nous étions exposés à ses feux sans intermédiaire: Dieu est un feu consumant. Voilà comment Jésus voilé encourage notre faiblesse. Quelle plus grande preuve d’amour que ce voile eucharistique ?

Il cache sa gloire divine et corporelle, pour ne pas vous éblouir et vous aveugler; il voile sa majesté afin que vous osiez aller vers lui et lui parler comme un ami à son ami; il tempère même l’ardeur de son Cœur et de son amour pour vous, parce que vous ne pourriez en supporter la force et la tendresse; il ne vous laisse voir que sa bonté qui transpire et s’échappe à travers les saintes espèces, comme les rayons du soleil à travers un léger nuage.

d. Il perfectionne ma foi, qui m’unit au Christ

La foi, c’est l’acte pur de l’esprit, dégagé des sens. Or, ici les sens ne servent de rien, ils n’ont pas d’action. C’est le seul mystère de Jésus-Christ où les sens doivent absolument se taire; dans tous les autres, dans l’Incarnation, la Rédemption, les sens voient un Dieu enfant, un Dieu mourant; ici, rien qu’un nuage impénétrable pour eux; la foi doit seule agir, c’est le royaume de la foi. Ce nuage nous demande un sacrifice bien méritoire, le sacrifice de notre raison et de notre esprit ; il faut croire même contre le témoignage des sens, contre les lois ordinaires des êtres, contre sa propre expérience; il faut croire sur la simple parole de Jésus-Christ; il n’y a qu’une question à faire: « Qui est là ? » – « Moi » répond Jésus-Christ. Tombons à terre et adorons!

Et cette foi pure et dégagée des sens, libre dans son action, nous unit simplement à la vérité de Jésus-Christ au Très Saint-Sacrement: « La chair ne sert de rien, dit le Sauveur, mes paroles sont esprit et vie ». L’âme franchit la barrière des sens et entre dans l’admirable contemplation de la divine présence de Dieu sous les espèces, assez voilée pour que nous en puissions supporter l’éclat, assez transparente pour les yeux de la foi. Bien plus, au lieu d’être une épreuve, ce voile devient, pour une foi humble et sincère, un aiguillon, un encouragement.

On aime à pénétrer une vérité voilée, à découvrir un trésor caché, à triompher d’une difficulté. Ainsi l’âme fidèle, en présence du voile eucharistique, cherche son Seigneur, comme Madeleine au tombeau: ses désirs grandissent, elle l’appelle comme l’Épouse des Cantiques, elle se plaît à lui donner toutes les beautés, à le décorer de toutes les gloires; l’Eucharistie est pour elle ce qu’est Dieu pour les bienheureux, une vérité, une beauté toujours ancienne, et toujours nouvelle, qu’on ne se lasse pas de scruter, de pénétrer. La sagesse de Notre-Seigneur et sa bonté pouvaient seules inventer le voile eucharistique.

e. Il nous garde, nous défend, intercède pour nous

Il nous garde, et, tandis que contenu dans une faible Hostie, le Sauveur semble dormir du sommeil de l’impuissance, son Cœur veille: “Je dors mais mon coeur veille”. Il veille quand nous pensons à lui et quand nous n’y pensons pas; il n’a pas de repos; il jette vers son Père des cris de pardon en notre faveur. Jésus nous couvre de son Cœur et nous préserve de la colère divine provoquée par nos péchés incessants; son Cœur est là, comme sur la croix, ouvert et laissant couler sur nos têtes des torrents de grâce et d’amour.

Il est là, ce Cœur, pour nous défendre contre nos ennemis, comme la mère, pour sauver son enfant d’un danger, le presse sur son Cœur afin qu’on ne puisse atteindre l’enfant qu’en atteignant la mère. Et quand même une mère, nous dit Jésus, pourrait oublier son enfant, moi je ne vous abandonnerai jamais.

f. Il souhaite recevoir les mêmes hommages que dans sa vie mortelle

Notre Seigneur est au Saint-Sacrement pour recevoir des hommes les mêmes hommages qu’il reçut de ceux qui eurent le bonheur de l’approcher durant sa vie mortelle. Il est là, afin que tout le monde puisse rendre à son Humanité sainte des hommages personnels. Quand ce serait la seule raison de l’Eucharistie, nous devrions être bien heureux de pouvoir rendre à Notre-Seigneur en personne nos devoirs de chrétiens. Par cette présence, le culte public a une raison d’être une vie. Otez la présence réelle, comment rendrez-vous à sa très sainte Humanité les respects et les honneurs auxquels elle a droit ? Notre-Seigneur, comme homme, n’est qu’au ciel et au Très Saint-Sacrement. C’est par l’Eucharistie que nous pouvons approcher du Sauveur en personne, vivant ; le voir, lui causer ; sans cette présence, le culte devient une abstraction. Par cette présence, nous allons à Dieu directement, et nous l’approchons comme pendant sa vie mortelle. Quel malheur, si nous étions réduits, pour honorer l’humanité de Jésus-Christ, à reporter nos souvenirs à dix-huit siècles en arrière ! C’est bon pour l’esprit : mais comment rendre l’hommage extérieur à un passé aussi éloigné ? Nous nous contenterions de remercier sans entrer dans la participation des mystères. Mais actuellement, je puis venir adorer comme les bergers; me prosterner comme les mages ; nous n’avons plus à regretter de n’avoir pas été Bethléem ni au Calvaire.


IV. La Vocation eucharistique

1. Choisis par Dieu le Père pour devenir les adorateurs de son divin Fils. Sa vie est le modèle, la grâce et la fin de la nôtre

Connaître l’amour de Jésus-Christ, être rempli de sa plénitude, c’est le règne de Dieu en l’homme. Or, c’est le fruit de la dévotion au Cœur de Jésus vivant et nous aimant dans le Très Saint-Sacrement. Cette dévotion est le culte souverain de l’amour. Elle est l’âme de toute la religion et son centre, car la religion n’est que la loi, la vertu et la perfection de l’amour, et le Sacré-Cœur en est le modèle, la grâce et la vie. La dévotion au Sacré-Cœur a un double objet : elle se propose d’abord d’honorer, par l’adoration et le culte public, le Cœur de chair de Jésus-Christ, et ensuite l’amour infini dont ce Cœur a brûlé pour nous depuis sa création, et qui le consume encore au Sacrement de nos autels…

2. Vivre de sa vie. Imiter ses vertus, comme un modèle

Nous voulons vivre de la vie même de Jésus au Saint Sacrement. Sa vie doit être la règle et la fin de la nôtre. Or la vie eucharistique de Jésus a deux caractères bien distincts :

Premièrement, elle est cachée : « Vraiment, tu es un Dieu caché ! » s’écriait Isaïe (45, 15) à la vue du mystère eucharistique. Il continue dans son état sacramentel les grandes vertus de sa vie mortelle. Au Saint Sacrement, Jésus s’anéantit, il devient notre modèle, grâce et fin de notre anéantissement, de notre humilité, de notre patience, de notre pardon, de notre pauvreté et de nos humiliations. Dans l’Eucharistie, Jésus nous appelle à puiser notre douceur et notre humilité dans son Cœur : « Venez à moi… Apprenez de moi, car je suis doux et humble de Cœur » (Mt 11, 29). Ainsi, comme celles de Jésus, toutes nos vertus doivent être simples et cachées, toutes eucharistiques.

Deuxièmement, elle est toute intérieure à Dieu. La perfection de l’amour consiste plutôt à écouter qu’à parler, à contempler qu’à travailler avec activité. Comme Jésus qui aime sans montrer les flammes de sa charité, qui sanctifie et gouverne le monde de manière invisible et toute spirituelle, ainsi doit être le royaume de Jésus en nous: tout intérieur. Nous devons donc vivre avec Jésus en Dieu; prier avec lui; nous consumer dans un même amour; devenir pour ainsi dire une même flamme, un même cœur, une même vie en Jésus-Hostie !

3. Notre vocation est sainte par la grâce de l’Eucharistie

Ici Notre-Seigneur porte son amour jusqu’à sa dernière consommation. Elle est sainte parce qu’elle nous donne les moyens de sanctification les plus puissants, en nous mettant en rapport immédiat, en rapport de vie avec Jésus-Christ, qui est non seulement une grâce, mais l’auteur même de la grâce en son sacrement très saint. Elle rend une grande gloire au Père céleste, parce qu’elle lui présente Jésus son fils au Saint-Sacrement. Or, là Jésus est dans un état plus parfait que durant sa vie mortelle: il y est glorieux, immortel et c’est cet état de gloire et de royauté qu’il immole sans cesse dans l’Eucharistie à la gloire de son Père.

4. Service de la divine personne de Jésus dans l’Eucharistie. Notre fin

La vocation eucharistique est le service de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans l’état le plus glorieux qu’il puisse avoir ici-bas, dans l’exposition solennelle et perpétuelle du très Saint-Sacrement.

Constitutions des religieux du Saint-Sacrement : « Que tous nos religieux sachent bien qu’ils ont fait profession uniquement pour servir le Divine Personne de notre Dieu et notre Roi, Jésus Christ, véritablement, réellement et substantiellement présent dans le sacrement de son amour ; et, par conséquent, comme de bons et fidèles serviteurs de ce grand Roi, qu’ils aient soin de consacrer à sa plus grande gloire tous leurs dons et toutes leurs vertus, leurs études, leurs travaux, sans rien réserver personnellement. »

L’adoration eucharistique, voilà l’action royale et souveraine du religieux du Très Saint-Sacrement: tout dans sa vie doit le préparer, l’orner, le perfectionner pour l’adoration. Tout en sa vie doit être soumis et subordonné à cet exercice divin, parce que c’est l’acte religieux le plus grand, le plus saint, le plus juste de sa vocation et de sa vie…

Chaque fois que Marie se mettra aux pieds de Jésus et y demeurera dans la prière, Marthe en sera jalouse. Ainsi font ceux qui croient qu’il n’y a de bon qu’un seul état, une seule manière de vivre. Tous sont bons. Celui que vous avez est bon: gardez-le, mais ne méprisez pas les autres. Marthe, en travaillant pour Jésus, faisait bien; elle eut tort d’être jalouse de soeur. “Marthe, Marthe, tu te préoccupes de beaucoup de choses, pourtant une seuleest nécessaire, Marie a choisi la meilleure part et elle ne lui sera pas enlevé.”

Cela arrive encore aux vocations actives de se plaindre des âmes contemplatives. « Vous êtes inutiles ! venez donc travailler au salut de vos frères par la charité! » Mais Jésus les défend ici. Ne faut-il pas aussi faire la charité à Jésus-Christ, pauvre et délaissé dans son Sacrement ?

5. Notre vocation est éminemment apostolique

Nous faisons travailler Notre-Seigneur à la conversion des âmes en l’exposant et en nous unissant par nos adorations à sa prière et à son apostolat. C’est le privilège unique de notre vocation d’exposer Notre-Seigneur et de le mettre dans l’exercice solennel de son office de médiateur; ce n’est, en effet, que parce que nous sommes à ses pieds qu’il est sur son trône; l’Eglise ne permettrait pas qu’il y perpétuât sa présence de jour et de nuit, s’il ne devait trouver des adorateurs que se succèdent pour le servir le jour et la nuit: nous lui sommes nécessaires pour qu’il se manifeste dans son exposition; nous délions sa puissance.


V. L’Eucharistie est la vie des peuples

L’amour du cœur se concentre; on l’emprisonne pour le rendre plus fort: on réunit ses rayons pour faire lentille, comme l’opticien travaille son verre afin de réunir en un seul point toute la chaleur et toute la lumière des rayons solaires. Notre-Seigneur se comprime donc dans le très petit espace de l’hostie ; et comme on allume un grand incendie en appliquant le foyer brillant d’une lentille sur des matières inflammables, ainsi l’Eucharistie fait jaillir ses flammes sur ceux qui y participent et les embrase d’un feu divin… Jésus a dit: « je suis venu apporter le feu sur la terre; tout mon désir est de voir ce feu embraser l’univers. » « Or, ce feu divin, c’est l’Eucharistie », dit saint Jean Chrysostome. Les incendiaires de ce feu eucharistique sont tous ceux qui aiment Jésus; car l’amour véritable veut le règne et la gloire de son bien-aimé.

Oui, l’Eucharistie est la vie des âmes et des sociétés, comme le soleil est la vie des corps et de la terre. Sans le soleil, la terre serait stérile, c’est lui qui la féconde, la rend belle et riche; c’est lui qui donne aux corps l’agilité, la force et la beauté. Devant ces effets prodigieux, il n’est pas étonnant que les païens l’aient adoré comme le dieu du monde. En fait, l’astre du jour obéit à un Soleil suprême, au Verbe divin, à Jésus-Christ, qui illumine tout homme venant en ce monde et qui, par l’Eucharistie, Sacrement de vie, agit en personne, au plus intime des âmes, pour former ainsi des familles et des peuples chrétiens. Ô heureuse et mille fois heureuse l’âme fidèle qui a trouvé ce trésor caché, qui va boire à cette fontaine d’eau vive, qui mange souvent ce Pain de vie éternelle!

La société chrétienne est de plus une famille. Le lien entre ses membres, c’est Jésus-Eucharistie. Il est le père qui a dressé la table de famille. La fraternité chrétienne a été promulguée à la Cène avec la paternité de Jésus-Christ; il appelle ses Apôtres ‘mes petits enfants’, et il leur commande de s’aimer les uns les autres comme lui les a aimés.

À la sainte table, tous sont des enfants qui reçoivent la même nourriture, et saint Paul en tire la conséquence qu’ils ne forment qu’une famille, un même corps, car ils participent tous au même pain, qui est Jésus-Christ (1 Co 10,16-17). L’Eucharistie donne enfin à la société chrétienne la force de pratiquer la loi de l’honneur et de la charité à l’égard du prochain. Jésus-Christ veut qu’on honore et qu’on aime ses frères. Pour cela, il se personnifie en eux: “Ce que vous faites au moindre des miens, c’est à moi que vous le faites”(Mt 25, 40); et il se donne à chacun d’eux en Communion.

L’Eucharistie leur donne un centre de vie. Tous peuvent se rencontrer sans barrière de race, ni de langue, pour la célébration des fêtes de l’Église. Elle leur donne une loi de vie, celle de la charité dont elle est la source; elle forme ainsi entre eux un lien commun, une parenté chrétienne. Tous mangent le même pain, tous sont convives de Jésus-Christ, qui crée entre eux surnaturellement une sympathie de moeurs fraternelles.

L’idéal que le père Eymard confie à ses fils spirituels est de “mettre le feu de l’amour eucharistique aux quatre coins de la terre”. Et dans les Constitutions, il recommandait à ses religieux que “le Seigneur Jésus soit toujours adoré dans son sacrement et glorifié socialement dans le monde entier”. C’est là le sens de l’expression règne de l’Eucharistie qui revient si souvent sous la plume du saint. Ainsi, dans un article intitulé “Le siècle de l’Eucharistie” rédigé en 1864 pour la revue ‘Le Très Saint-Sacrement’ qu’il avait fondée, Pierre-Julien écrit:

« Nous ne craignons pas de l’affirmer, le culte de l’Exposition est le besoin de notre temps… Il est nécessaire pour sauver la société. La société se meurt, parce qu’elle n’a plus de centre de vérité et de charité. Plus de vie de famille: chacun s’isole, se concentre, veut se suffire. La dissolution est imminente. Mais la société renaîtra, pleine de vigueur, quand tous ses membres viendront se joindre autour de Notre Emmanuel. Les rapports d’esprit se réformeront tout naturellement, sous une vérité commune : les liens de l’amitié vraie et forte se renoueront sous l’action d’un même amour. »

« Le grand mal de notre époque c’est qu’on ne va pas à Jésus-Christ comme à son Sauveur et à son Dieu. On abandonne le seul fondement, la seule loi, la seule grâce de salut… Que faire alors? Revenir à la source de la vie, et non pas au Jésus historique ou au Jésus glorifié dans le ciel, mais bien plutôt au Jésus dans l’Eucharistie. Il faut le faire sortir de l’ombre pour qu’Il puisse de nouveau se mettre à la tête de la société chrétienne… Que vienne de plus en plus le règne de l’Eucharistie, Adveniat regnum tuum! »


VI. Notre-Dame du Saint-Sacrement

La sainte Vierge avait un attrait si puissant à l’Eucharistie, qu’elle ne pouvait s’en séparer; elle vivait du Saint-Sacrement. Elle passait les jours et les nuits aux pieds de son divin Fils. O Marie, enseignez-nous la vie d’adoration ! Apprenez-nous à trouver comme vous tous les mystères et toutes les grâces en l’Eucharistie; à faire revivre l’Evangile, à le lire dans la vie eucharistique de Jésus. Rappelez-vous, ô Notre-Dame du Très Saint-Sacrement, que vous êtes la mère des adorateurs de l’Eucharistie !

Où trouve-t-on Jésus sur la terre sinon dans les bras de Marie ? N’est-ce pas elle qui nous a donné l’Eucharistie! C’est son acquiescement à l’Incarnation du Verbe dans son sein, qui a commencé le grand mystère de réparation envers Dieu et d’union avec nous que Jésus accomplit pendant sa vie mortelle et qu’il continue au Sacrement. Il ne faut jamais séparer Marie de Jésus: on ne saurait aller à Lui sans passer par Elle. Je dis même que plus nous aimons l’Eucharistie, plus nous devons aimer Marie…

« Tous d’un même cœur étaient assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie mère de Jésus, et avec ses frères. » (Ac 1, 14)

Marie aura la mission de nous prendre par la main, pour nous conduire au Tabernacle. La sainte Vierge devient donc notre Mère pour l’Eucharistie; elle est chargée de nous faire trouver notre Pain de vie, de nous le faire apprécier et désirer; elle reçoit mission de nous former à l’adoration. O Jésus, je ne sais pas adorer, moi; mais je vous offre les paroles, les élans du coeur de votre Mère, qui est la mienne aussi; je ne sais pas adorer; mais je vous répéterai son adoration pour les pécheurs, pour la conversion du monde et tous les besoins de l’Eglise.

C’est Marie qui formera à Jésus-Eucharistie sa cour d’honneur. N’en doutez pas, si vous avez le bonheur de connaître, d’aimer et de servir le Très Saint-Sacrement, c’est à Marie que vous le devez; c’est elle qui vous a demandés au Père céleste pour la garde d’amour du Dieu de l’Eucharistie; remerciez-la bien cette bonne Mère! vous lui devez toutes les grâces de votre vie, et la plus grande de toutes, celle d’aimer et de servir, en lui consacrant votre vie tout entière, le Roi des rois sur son trône d’amour !

L’adoration de Marie était profonde, intérieure, intime. C’était le don d’elle-même. Elle s’offrait tout entière au service d’amour du Dieu de l’Eucharistie: car l’amour ne pose ni conditions ni réserves; il ne pense plus à soi, ne vit plus pour soi; il est étranger à lui-même, et ne vit que pour le Dieu qu’il aime. Tout en Marie allait vers le Saint-Sacrement comme vers son centre et sa fin. Un courant de grâce et d’amour s’établissait entre le Coeur de Jésus-Hostie et le coeur de Marie adoratrice: c’étaient deux flammes qui se perdaient en une seule; Dieu fut alors parfaitement adoré par sa créature!

Marie faisait une mission perpétuelle de pénitence et de prière au pied de la très adorable Eucharistie; elle y traitait du salut du monde: dans son zèle immense elle embrassait les besoins des fidèles de tous les lieux et de tous les temps à venir, qui devaient hériter de la sainte Eucharistie et la servir. Mais la mission la plus chère à son âme était de prier continuellement pour le succès des prédications et des travaux des apôtres et de tous les membres du sacerdoce de Jésus-Christ. Aussi ne faut-il pas s’étonner que ces ouvriers apostoliques convertissent si facilement des royaumes entiers; Marie se tenait au pied du trône de la miséricorde, suppliant pour eux la bonté du Sauveur. Sa prière convertissait les âmes, et, comme toute conversion est le fruit de la prière, et que la prière de Marie ne pouvait éprouver de refus, les apôtres avaient en cette Mère de bonté leur meilleur auxiliaire: « Bienheureux celui pour qui prie Marie ». Les adorateurs partagent la vie et la mission de prière de Marie au pied du Très Saint-Sacrement: c’est la plus belle de toutes les missions…


Documentation Eymard

Merci de consulter directement le site des Pères du Saint Sacrement http://www.eymard.org/